Le passage de l’รฉquerre au compas en franc-maรงonnerie : comment l’interprรฉter ? Que signifie passer de l’รฉquerre au compas au 3รจme et 4รจme degrรฉ du REAA ?
L’รฉquerre et le compas sont deux instruments phares de la symbolique maรงonnique (cliquez sur les liens pour accรฉder aux articles spรฉcifiques).
Posรฉs sur le Volume de la Loi Sacrรฉe, ils constituent avec celui-ci les trois grandes lumiรจres de la franc-maรงonnerie, qui tracent un chemin d’รฉlรฉvation balisรฉ par la tradition, la rigueur et l’intuition.
Au 3รจme degrรฉ, les branches du compas passent au-dessus de l’รฉquerre, signifiant l’entrรฉe dans une nouvelle dimension.
Au 4รจme degrรฉ, cette nouvelle dimension est encore plus รฉvidente :
Le Trois Fois Puissant Maรฎtre : Comment avez-vous รฉtรฉ reรงu Maรฎtre Secret ?
Le Premier Inspecteur : J’ai รฉtรฉ reรงu sous le Laurier et l’Olivier, en passant de l’Equerre au Compas.
Voyons ce que peut signifier le passage de l’รฉquerre au compas.
Le passage de l’รฉquerre au compas : le symbolisme des instruments.
L’รฉquerre et le compas se complรจtent par leur diffรฉrence :
- L’รฉquerre est un outil archaรฏque mais incontournable. Outil de tracรฉ mais surtout de contrรดle des angles droits, l’รฉquerre permet de vรฉrifier que lโรฉdifice sโรฉlรจve sur des bases stables, chaque pierre devant parfaitement s’insรฉrer dans l’รฉdifice. L’รฉquerre reprรฉsente la rectitude. Sur le plan de la pensรฉe, elle symbolise la maรฎtrise de l’argumentation, la pertinence du raisonnement. Elle oblige ร une constante remise en question par une confrontation permanente avec la rรฉalitรฉ.
- Le compas est un outil de conception. Il permet de tracer les angles droits mais pas d’en vรฉrifier la rรฉalisation concrรจte. Le compas reprรฉsente lโimagination et la libertรฉ crรฉatrice. Il ouvre au cherchant le domaine de l’intuition : il symbolise l’รฉpanouissement de la pensรฉe libรฉrรฉe de la matiรจre.
Pour rรฉsumer, l’รฉquerre instaure un rapport sain et rigoureux avec le monde concret : le cherchant est invitรฉ ร trouver la perfection dans la matiรจre et ร s’y conformer. C’est l’idรฉe que la vรฉritรฉ se trouve cachรฉe quelque part dans la matiรจre, c’est-ร -dire au fond de soi-mรชme. Il s’agira d’identifier l’รชtre universel en soi, pur et parfait, dรฉpouillรฉ de toutes les scories (prรฉjugรฉs, instincts, illusions).
Le compas contient aussi cet aspect de rigueur, de mesure et de perfection. Mais il ouvre un chemin de recherche intuitif que ne permet pas l’รฉquerre : il invite ร rencontrer le Principe supรฉrieur, transcendant, situรฉ au-delร de la matiรจre.
Cependant, utiliser le compas sans l’รฉquerre serait prendre un risque : l’รฉquerre est un rappel permanent au rรฉel, elle permet d’รฉviter les dangereux รฉcueils que sont la superstition, les fausses croyances, et tous les รฉgarements causรฉs par nos perceptions et nos pensรฉes.
Rappelons-le, le compas ne permet pas de vรฉrifier les angles droits d’un ouvrage bรขti : c’est lร sa principale limite.
Cette complรฉmentaritรฉ entre รฉquerre et compas se retrouve symbolisรฉe par les deux triangles superposรฉs du sceau de Salomon : le triangle pointe en bas (รฉquerre) dรฉsigne la vรฉritรฉ immanente prรฉsente dans la matiรจre, alors que le triangle pointe en haut (compas) reprรฉsente la vรฉritรฉ transcendantale.
L’entrรฉe dans une nouvelle dimension.
Au 4รจme degrรฉ du REAA, le passage de l’รฉquerre au compas est une formule qui marque l’entrรฉe dans les “hautes rรฉgions de la connaissance spirituelle”.
Le franc-maรงon pรฉnรจtre dans une nouvelle dimension, qui promet de nouvelles dรฉcouvertes et de nouvelles transformations intรฉrieures.
Que reprรฉsente ce passage de l’รฉquerre au compas ?
Nous l’avons vu, l’รฉquerre symbolise la maรฎtrise de la pensรฉe et de soi-mรชme. Mais c’est un outil figรฉ : le raisonnement se fait en vase clos, la pensรฉe รฉtant comme “enfermรฉe” dans la matiรจre.
Les deux branches de l’รฉquerre sont fixes, rappelant la dualitรฉ indรฉpassable du monde manifestรฉ, dualitรฉ qui se retrouve dans toute construction philosophique utilisant des mots et des concepts : autant d’รฉlรฉments qui portent en eux la diffรฉrenciation.
A l’inverse, le compas invite ร quelque chose de nouveau, qui se situe au-delร de la dualitรฉ. Rappelons que le compas permet de dessiner le cercle (premier travail du Maรฎtre maรงon), figure qui ne comporte aucune dualitรฉ. C’est donc une incitation ร rechercher au-delร de la matiรจre, au-delร des mots et des thรฉories.
Le compas est un outil dynamique, non-figรฉ. Son domaine est celui de l’inconnu, voire de l’inconnaissable : c’est l’ouverture ร ce qui nous dรฉpasse qui est recherchรฉe.
D’autre part, le compas est connectรฉ au centre invisible :ย la cause de toute les choses, la Grande Source, le tao, Dieu ou le Grand Architecte de l’Univers. Le centre du cercle est l’axe du monde, le “pourquoi” de toute chose.
Au final, le compas permet au franc-maรงon se s’ouvrir ร la transcendance. Le raisonnement logique n’est plus au centre, il permet simplement de valider les intuitions. Les concepts s’effacent pour dรฉvoiler la parole perdue.
Conclusion sur le passage de l’รฉquerre au compas.
Le passage de l’รฉquerre au compas reprรฉsente un chemin d’รฉlรฉvation de la Terre vers le Ciel, de la manifestation vers la Source.
Si l’รฉquerre permet une parfaite maรฎtrise de la construction, c’est-ร -dire de la matiรจre-raisonnement, le compas permet d’accรฉder ร une autre dimension, celle de l’ineffable mystรจre de l’existence.
Si l’รฉquerre est le comment, le compas est le pourquoi.ย
Le passage de l’รฉquerre au compas reprรฉsente donc un saut dans l’inconnu, nรฉcessitant lรขcher-prise,ย abandon de tout ce qui a รฉtรฉ appris, acquis, accumulรฉ. Il ne s’agit plus de construire un รฉdifice mais de se dรฉpouiller, de dรฉsapprendre, d’oublier.
Par ce passage qui consiste ร “mourir ร soi-mรชme” (ร son orgueil et ร son ambition), le franc-maรงon devient un espace de vacuitรฉ, qui, comme le Saint des saints, est prรชt ร se laisser traverser par la vรฉritรฉ รฉternelle.
C’est ainsi que le bien et le mal s’effacent devant l’Amour, le raisonnement devant la Sagesse, le passรฉ et le futur devant le Bonheur prรฉsent.
L’ordre รฉternel s’impose comme une รฉvidence qu’il s’agit alors d’accepter.
Pour complรฉter votre bibliothรจque :
- La symbolique maรงonnique du troisiรจme millรฉnaire, dโIrรจne Mainguy.
- Le mythe d’Hiram, fondateur de la maรฎtrise maรงonnique, de Jean Delaporte. Un excellent ouvrage sur la lรฉgende d’Hiram et sa profondeur symbolique.
Modif. le 21 septembre 2020