La Saint-Jean d’hiver et le solstice d’hiver : quel symbolisme ? Quelle est la signification du jour le plus court ? Quel rapport avec Noรซl ?
Alors que la Saint-Jean d’รฉtรฉ fรชte Jean le Baptiste le 24 juin, jour proche du solstice d’รฉtรฉ, la Saint-Jean d’hiver fรชte Jean lโEvangรฉliste le 27 dรฉcembre, au moment de l’annรฉe oรน les jours sont les plus courts.
Au-delร de leur caractรจre religieux, ces deux fรชtes ont un rapport รฉtroit avec le symbolisme de la lumiรจre. Elles plongent leurs racines dans les anciens cultes paรฏens dรฉdiรฉs au soleil et au feu.
Nous voilร donc en prรฉsence de deux couples :
- le solstice dโรฉtรฉ et Jean le Baptiste,
- le solstice dโhiver et Jean lโEvangรฉliste.
Le solstice d’hiver est, dans notre hรฉmisphรจre nord, susceptible de se produire le 20, 21, 22 ou 23 dรฉcembre. Il a le plus souvent lieu le 21 ou le 22 dรฉcembre. L’Institut de mรฉcanique cรฉleste et de calcul des รฉphรฉmรฉrides (IMCCE) fournit chaque annรฉe la date et l’heure exactes du solstice d’hiver.
Le solstice dโhiver correspond ร la nuit la plus longue de lโannรฉe, et marque le dรฉbut de la pรฉriode hivernale. Ce jour-lร , le trajet du soleil dans le ciel est le plus court et le plus bas au-dessus de lโhorizon, la position de la Terre par rapport au soleil atteignant son inclinaison extrรชme : lโinรฉgalitรฉ jour-nuit est ร son maximum.
Symboliquement, le solstice d’hiver รฉvoque donc la nuit et les tรฉnรจbres. Mais il porte en lui un espoir : celui du retour de la lumiรจre. En effet, le solstice d’hiver marque le dรฉbut du rallongement des jours : les tรฉnรจbres vont progressivement se dissiper, le soleil va finir par triompher.
Entrons dans le symbolisme de la Saint-Jean et du solstice d’hiver.
Lire aussi notre article sur la loi des cycles.
Les deux Jean et les solstices : quel symbolisme ?
Les couples solsticiaux que nous avons prรฉsentรฉs plus haut sont ร la fois opposรฉs et complรฉmentaires. Ils dรฉcrivent le cycle รฉternel de la rotation de la Terre par rapport au soleil, les saisons qui se succรจdent, les phases de la vie, l’รฉternel retour.
Au solstice dโรฉtรฉ, les feux de la Saint-Jean (ร l’origine fรชte pastorale et agricole) se dรฉroulent ร lโextรฉrieur, tard dans la soirรฉe : le feu nocturne prolonge le jour, qui pourtant a รฉtรฉ le plus long de lโannรฉe. Il s’agit de repousser ces tรฉnรจbres qui vont inexorablement entamer leur domination sur la lumiรจre jusquโau solstice dโhiver, moment ร partir duquel la lumiรจre va venir petit ร petit reconquรฉrir les tรฉnรจbres.

Jean le Baptiste, prophรจte prรฉcurseur, avait annoncรฉ la venue de celui qui est la Vraie Lumiรจre, Jรฉsus, tout en sachant qu’il devait s’effacer devant plus grand que lui :
Il faut qu’il croisse, et que je diminue (Jean 3, 30).
Ainsi, l’effacement du Baptiste ne pouvait se traduire que par l’invasion des tรฉnรจbres (la mort) avant le retour รฉclatant de la Vraie Lumiรจre. Dernier prophรจte de l’Ancien Testament, Jean le Baptiste fermait alors l’ancienne Loi et annonรงait l’arrivรฉe du Verbe-Lumiรจre, dont les quatre รฉvangรฉlistes allaient nous rรฉvรฉler la parole.
Des quatre livres canoniques qui portent la “bonne nouvelle”, les trois premiers (Matthieu, Marc et Luc) prรฉsentent des ressemblances รฉvidentes : on les qualifie de “synoptiques”. Mais le quatriรจme, attribuรฉ ร Jean l’Evangรฉliste, porte un message particulier : un message de lumiรจre qui peut nous aider ร comprendre la signification profonde de la Saint-Jean d’hiver.
Jean l’Evangรฉliste et le retour de la lumiรจre.
Jean, fils de Zรฉbรฉdรฉe, est l’un des disciples et apรดtres de Jรฉsus. Selon la Bible, il est celui “que Jรฉsus aimait”.
On lui attribue l’รฉvangile selon Saint-Jean : c’est ร ce titre qu’il est appelรฉ “l’Evangรฉliste”. Il est par ailleurs assimilรฉ ร Jean de Patmos, auteur de lโApocalypse, mรชme si ce texte parait avoir รฉtรฉ รฉcrit plus tardivement.
L’Evangile de Jean sโapparente ร une prรฉdication donnรฉe ร voix haute (ou “kรฉrygme”). Il se distingue nettement des รฉvangiles synoptiques par lโimportance particuliรจre donnรฉe ร la connaissance et ร la lumiรจre, mettant en avant le sens des paroles et de la vie de Jรฉsus.
Dรจs son prologue, cet รฉvangile met en parallรจle Dieu, le Verbe (ou logos), la vie et la lumiรจre :
- Au commencement รฉtait le Verbe, et le Verbe รฉtait en Dieu, et le Verbe รฉtait Dieu.
- Il รฉtait au commencement en Dieu.
- Tout par lui a รฉtรฉ fait, et sans lui nโa รฉtรฉ fait rien de ce qui existe.
- En lui รฉtait la vie, et la vie รฉtait la lumiรจre des hommes,
- Et la lumiรจre luit dans les tรฉnรจbres, et les tรฉnรจbres ne lโont point reรงue.
On remarquera la portรฉe universelle de ces versets.
La signification cachรฉe des solstices.
Dans les rites paรฏens, la cรฉlรฉbration du solstice dโhiver (appelรฉ Yule en Europe) consistait ร faire appel aux forces sacrรฉes et magiques afin de rรฉussir le passage de lโancienne ร la nouvelle annรฉe.
Synonyme d’abandon, de mort, le solstice d’hiver annonce cependant une renaissance : il est une porte qui est en train de s’ouvrir sur un nouveau monde, une nouvelle vie, une nouvelle chance.
A l’inverse, le solstice d’รฉtรฉ est une porte en train de se fermer : la vie est ร son apogรฉe, mais son dรฉclin s’annonce. C’est peut-รชtre le signe que la lumiรจre, bien que triomphante ร l’extรฉrieur, n’est plus comprise ร l’intรฉrieur.
Les Grecs parlaient de โporte des hommesโ et โporte des dieuxโ. Si Jean le Baptiste peut รชtre considรฉrรฉ comme le gardien de la porte des hommes, Jean lโEvangรฉliste (โcelui qui ne meurt pasโ) est quant ร lui le gardien de la porte des dieux.
Chez les Romains, Janus รฉtait le gardien des portes solsticiales. Il est reprรฉsentรฉ avec un double-visage :
- un visage de vieillard tournรฉ vers le passรฉ, rappelant Jean le Baptiste,
- un visage de jeune homme tournรฉ vers l’avenir, qui rappelle Jean l’Evangรฉliste.
Avec l’avรจnement du christianisme, Janus est tout simplement devenu Jean.

Sur le plan mรฉtaphysique, le solstice dโhiver marque la capacitรฉ de la Nature et de l’Homme ร รฉmettre une รฉnergie rรฉgรฉnรฉratrice. Cette rรฉgรฉnรฉration se fait en puisant dans les forces intรฉrieures, lโenvironnement extรฉrieur รฉtant hostile. Elle symbolise donc la prรฉsence et lโรฉpanouissement d’une lumiรจre intรฉrieure.
Et de fait, la porte des dieux ne peut รชtre qu’intรฉrieure, puisqu’elle touche ร la conscience. Jรฉsus dit : Je suis la porte, si quelquโun entre par moi, il sera sauvรฉ. (Jean 10, 9)
La dualitรฉ solsticiale.
Les deux solstices offrent une reprรฉsentation la dualitรฉ, mais une dualitรฉ qui s’exprime dans sa dimension cyclique, dynamique. Les deux solstices ne sont pas opposรฉs mais complรฉmentaires : ils jouent en rรฉalitรฉ le mรชme rรดle et peuvent รชtre mis en correspondance.
- La phase de dรฉclin (entre le solstice d’รฉtรฉ et le solstice d’hiver) traduit un effacement progressif de la lumiรจre extรฉrieure, signe d’attรฉnuation de la matiรจre et de l’ego. Elle correspond ร un accroissement de la lumiรจre intรฉrieure, rendu possible grรขce ร un travail sur soi et ร un effort de comprรฉhension. Nous avons lร une sorte d’aspiration de la lumiรจre extรฉrieure pour la rendre intรฉrieure,
- Le solstice d’hiver marque l’aboutissement de ce travail : le corps est abandonnรฉ (c’est la mort physique), l’oeuvre au dedans est terminรฉe ; l’Esprit peut enfin se manifester dans toute sa grandeur,
- La phase d’ascension qui suit (entre le solstice d’hiver et le solstice d’รฉtรฉ) annonce une rรฉintรฉgration de l’Esprit ร la matiรจre : c’est un retour au monde, une nouvelle Alliance fondรฉe cette fois sur l’harmonie et l’Amour, la loi de Jรฉsus. C’est la croissance, le dรฉveloppement de l’รชtre nouveau,
- Le solstice d’รฉtรฉ marque l’apogรฉe de cet รชtre. Il ne pourra alors que dรฉcliner et mourir, pour permettre la naissance future d’un รชtre encore meilleur.
Ainsi, le cycle solsticial montre une sรฉrie de purifications successives, qui s’inscrivent, telles les transmutations alchimiques, dans une logique de progrรจs. Chaque dรฉclin porte en lui une opportunitรฉ nouvelle. Chaque phase de croissance annonce un dรฉclin prochain, et donc une renaissance future.
Personne ne peut voir le Royaume de Dieu s’il ne nait pas de nouveau. Jean 3, 3
Noรซl : le retour de la lumiรจre.
Au IVรจme siรจcle, les Romains fixent la date de la naissance de Jรฉsus au 25 dรฉcembre, afin de la faire correspondre ร la naissance du Sol Invictus (le Soleil invaincu), soit le jour suivant la fin des Saturnales (grande fรชte se dรฉroulant traditionnellement du 17 au 23 dรฉcembre).
Cette date correspond aussi ร la naissance de la divinitรฉ solaire Mithra.
Le symbolisme est รฉvident : le Christ reprรฉsente le soleil nouveau se levant sur le monde : “le soleil de justice” (Ancien Testament, Malachie 4, 2).
Jรฉsus rรฉunit en lui les qualitรฉs de l’Esprit et de la matiรจre, dans toute leur perfection : il symbolise l’homme nouveau.
La Saint-Jean d’hiver en franc-maรงonnerie.
En franc-maรงonnerie, la Saint-Jean d’hiver est l’occasion d’un repas de fรชte (“agapes”), tout comme la Saint-Jean d’รฉtรฉ.
Les deux saints Jean constituent en effet les patrons des obรฉdiences traditionnelles, qui se rรฉunissent d’ailleurs dans des loges dites de “Saint-Jean”.
Notons en outre que dans ces loges, le Volume de la Loi sacrรฉe (en l’occurrence la Bible) est ouvert au prologue de l’Evangile de Jean, ouvrant grand le symbolisme de la lumiรจre et de l’รฉlรฉvation initiatique.
Enfin, on remarquera le parallรจle รฉvident entre les solstices et la durรฉe symbolique des travaux en loge, “de midi ร minuit“.
Modif. le 17 avril 2021