Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Le symbolisme du miroir

4.66/5 (56)

Le symbolisme du miroir : comment l’interpréter ? Quelle est la signification du miroir en philosophie, psychologie ou franc-maçonnerie ?

Le miroir, surface réfléchissante, recouvre un symbolisme riche, complexe et ambivalent.

« Symbole du symbolisme », passerelle entre le monde du connaître et le monde de l’être, le miroir fascine et dérange.

Le miroir renvoie notre propre image : celle-ci peut être fidèle, illusoire ou inattendue.

Le miroir n’est pas qu’un objet. Une parole, une comparaison, une métaphore ou une parabole peuvent jouer le rôle de miroir. Un journal, une caricature, une oeuvre d’art sont aussi des miroirs.

Par ailleurs, le miroir introduit l’autre. L’autre est le miroir de nous-même, comme le dit Platon : Tu n’as pas été sans remarquer, n’est-ce pas, que quand nous regardons l’œil qui est en face de nous, notre visage se réfléchit dans ce que nous appelons la pupille, comme dans un miroir ; celui qui regarde y voit son image.

Le miroir peut être vu également comme la descente de l’âme dans la matière…

Entrons dans le symbolisme du miroir.

Le symbolisme du miroir : généralités.

Les miroirs feraient bien de réfléchir avant de renvoyer les images…
Jean Cocteau

Le miroir évoque :

  • la vérité : il reflète l’image de la réalité telle qu’elle est,
  • la connaissance de soi : le miroir nous met face à nous-mêmes. A ce titre, le miroir est l’instrument de la scission, car pour se connaître, se comparer et s’apprécier, il faut se voir deux. Notons que si le miroir permet de se connaître, il ne s’agit pas d’une connaissance directe, mais d’une connaissance indirecte et discursive, qui nécessite l’intervention d’un raisonnement.

Dans les contes et dans différentes traditions, le miroir est associé à la magie et à la divination. Certains miroirs parlent et disent la vérité, par exemple celui de la méchante reine dans Blanche-Neige (conte des frères Grimm basé sur un mythe germanique, 1812).

Sur un plan plus négatif, le miroir peut évoquer :

  • l’illusion,
  • l’apparence : le miroir empêche de voir plus loin que la surface des choses,
  • le rêve et l’inconscient,
  • l’oubli : le miroir absorbe les images sans s’en souvenir,
  • les limites personnelles : le miroir est un mur froid, silencieux, infranchissable,
  • la honte ou au contraire la vanité,
  • le malheur (miroir cassé),
  • le silence,
  • la solitude. Mon âme hurlante se débat dans un labyrinthe dont les miroirs reflètent à l’infini sa solitude. Ugo Bellagamba

Le miroir peut enfin représenter :

  • le renversement : l’image reflétée est inversée, évoquant un point de vue différent, un retournement de la pensée, un sens nouveau,
  • le caché : le miroir évoque le monde perdu, le paradis que nous ne sommes plus en capacité de voir,
  • un point de passage, une porte mystérieuse, comme dans le roman Alice au pays des merveilles (Lewis Carroll, 1865). Traverser le miroir signifie se confronter à l’intimité de son psychisme. C’est l’opportunité de visiter son inconscient. C’est la possibilité de rencontrer son Soi véritable (différent du « moi » de Freud), c’est-à-dire son être universel.

Le miroir invite à découvrir le sens caché des choses. Il reflète notre avancement spirituel, l’état de notre conscience :

  • l’individu peu avancé n’y verra que l’image de ce qu’il pense être,
  • l’être plus avancé y cherchera la vérité,
  • l’être éveillé y verra peut-être le reflet du divin.

Remarque : les vampires, sans âme, sont incapables de se voir dans un miroir. Selon certaines légendes, le miroir est un moyen de les repousser.

Le symbole de la « réflexion ».

Le miroir est avant tout le symbole de la « réflexion ». En latin, miroir se dit speculum, qui a donné le mot spéculation, synonyme de raisonnement.

La réflexion est un renvoi de la lumière qui permet un éclairage nouveau.

La réflexion est l’acte de la pensée qui revient sur elle-même afin de l’examiner et de la réexaminer. C’est la raison pour laquelle le miroir est le symbole de la Prudence : une des quatre vertus cardinales chrétiennes.

Réfléchir, c’est donc s’interroger, puis réinterroger sa propre réponse. La réflexion invite au recul sur la pensée, donc au recul sur soi-même. Elle ouvre de nouveaux chemins de conscience.

Le miroir, l’âme, le féminin, l’eau et la lune.

Le miroir peut d’abord être vu comme un symbole solaire : il renvoie les rayons de lumière symbolisant le Verbe, le logos ou l’absolue vérité. Il représente alors l’oeil de Dieu.

Le miroir est parfois représenté sous la forme d’un disque entouré de rayons :

miroir-soleil symbolisme

Mais le miroir est aussi et surtout associé à la lune, à l’eau et au principe féminin pour représenter l’âme changeante.

La lune évoque la rêverie, les illusions, le monde de la nuit et ses mystères, ainsi que le pouvoir de l’inconscient.

L’eau reflète une image plus ou moins déformée de nous-même, selon que la surface est calme ou agitée. L’eau est à l’image de notre psychisme : plus ou moins apaisé, plus ou moins clair. En physique et en alchimie, l’eau peut aussi bien être attirée vers le bas (forme liquide) que vers le haut (forme gazeuse).

Enfin, le miroir est un objet traditionnellement féminin. Dans l’Antiquité, le miroir était l’attribut de Vénus, déesse romaine de l’amour, de la séduction et de la beauté féminine.

Miroir, ego et narcissisme.

En psychologie, le stade du miroir désigne le moment du développement où l’enfant prend conscience de son corps, et le différencie des autres. C’est l’apparition du « je », qui se traduit par une jubilation. Certains animaux sont aussi en capacité de se reconnaître dans un miroir.

En psychanalyse, le miroir renvoie au surmoi (le gendarme intérieur qui censure les bas instincts afin de permettre l’intégration sociale), à l’idéal du moi (intérêts narcissiques de l’individu) et au moi (ego vu en tant que mécanisme de conciliation des attentes psychiques contradictoires de l’individu).

Consciemment ou inconsciemment, l’individu se regarde comme dans un miroir pour ajuster son comportement social : il tente de percevoir son image dans le regard des autres.

Le miroir peut symboliser la dérive narcissique : l’individu développe un rapport déréglé à sa propre image, qui mène au repliement sur soi et à l’aliénation.

Remarque : Dans la mythologie, Narcisse boit à une source, voit son reflet dans l’eau et en tombe amoureux. Après de longs jours à se contempler et à désespérer de ne pouvoir attraper son image, il finit par dépérir puis meurt.

Il atteindra la vieillesse, s’il ne se connaît pas.
Prophétie de Tirésias à propos de Narcisse (Ovide)

Dans le shintoïsme, Amaterasu, déesse du soleil, finit par sortir de sa grotte, attirée par son image reflétée dans un miroir octogonal.

Enfin, dans certaines traditions comme le judaïsme, on couvre les miroirs de la maison du mort.

Le symbolisme du miroir dans l’art.

Dès la fin du Moyen-Age, le miroir est considéré comme l’emblème des arts plastiques : le miroir, à la manière d’un tableau ou d’une photo, reflète les choses de façon plus ou moins réaliste. Le miroir raconte le monde.

Dans la peinture de la Renaissance, le miroir joue un rôle important. Tantôt diabolique, tantôt divin, il reflète le vrai ou le faux. Il est utilisé pour représenter la vanité, l’attachement, ou l’au-delà. Il appelle à la méditation et à l’élévation de l’âme.

Le miroir se retrouve en particulier au centre de deux types d’œuvres : la mise en abyme et l’auto-portrait. La mise en abyme est un procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre, comme ci-dessous.

mise en abyme miroirLes Époux Arnolfini (1434), Jan van Eyck

Le thème du miroir dans la poésie.

Les poètes ont eux-aussi éprouvé le thème du miroir, par exemple Baudelaire :

Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
L’homme et la mer

Citons aussi le poème Elsa au miroir, de Louis Aragon.

Le symbolisme du miroir en franc-maçonnerie : la connaissance de soi.

En franc-maçonnerie, le miroir est l’outil de la quête de soi par excellence.

Le nouvel initié le rencontre à deux reprises :

  • dans le cabinet de réflexion, lors de l’épreuve de la terre. La présence du miroir invite à l’introspection, en regard de la formule VITRIOL,
  • lors de la scène du miroir : à la fin de la cérémonie d’initiation, le Vénérable Maître invite le néophyte à scruter l’assemblée à la recherche d’éventuels ennemis. Puis il invite l’impétrant à se retourner. Un miroir se trouve derrière lui. Le Vénérable Maître dit : Ce n’est pas toujours devant soi qu’on rencontre des ennemis ; les plus à craindre se trouvent souvent derrière soi. Le message est clair : l’ennemi, insaisissable, est en soi-même. Ce sont les mauvais compagnons.

Regarder le miroir nous fait nous interroger sur nous-même. Qui sommes-nous ? Quelle est la nature de notre être profond ? La quête de soi est au coeur du symbolisme maçonnique.

Le miroir évoque aussi l’œil au centre du Delta lumineux, symbolisant le Grand Architecte de l’Univers.

Au final, le miroir maçonnique revêt une double symbolique, puisqu’il est à la fois un outil d’introspection, et un passage vers une nouvelle dimension.

En conclusion.

Le miroir peut aussi bien être synonyme de jubilation narcissique, d’angoisse ou d’amour. Il peut aussi bien évoquer le sommeil de l’âme ou au contraire l’éveil.

Le miroir invite à dépasser les illusions pour accéder à la connaissance de soi, tremplin vers la Connaissance universelle. Cette quête de l’immanence nous ouvre à la transcendance.

A la fois raison et intuition, vérité et imagination, le miroir nous entraîne sur le chemin du mystère de l’existence, entre être et non-être, unité et dualité.

Le miroir nous guidera peut-être vers la découverte de notre nature profonde : notre image pourrait bien alors se confondre avec l’image de l’Eternel. Il est dit en effet que l’Homme a été fait à l’image de Dieu : le microcosme serait alors le parfait reflet du macrocosme.

Aujourd’hui nous voyons les choses comme dans un mauvais miroir, et il faut les deviner. Mais un jour je verrai face à face. Aujourd’hui je connais en partie, mais un jour je connaîtrai comme je suis connu.
1 Corinthiens 13, 12

Modif. le 11 mars 2024

Vous pouvez noter cet article !