Qu’est-ce que la rรฉalitรฉ ? Dรฉfinition. Quelle diffรฉrence rรฉalitรฉ/rรฉel ? Comment sortir de l’illusion et accรฉder ร la rรฉalitรฉ et ร la vรฉritรฉ ?
Celui qui cherche ร savoir ce qu’est rรฉellement le monde, cherche aussi ร savoir qui il est. La question du rรฉel ou de la rรฉalitรฉ est donc une question ontologique, c’est-ร -dire qui se rapporte ร l’รฉtude de l’รชtre.
Par consรฉquent, la question de la rรฉalitรฉ interroge notre rapport au monde : puis-je accรฉder au rรฉel ou ร la rรฉalitรฉ, et si oui comment, par quels outils ? Comment contourner ce qui fait obstacle ?
On parle donc d’un rapport sujet / objet : le sujet est le moi pensant, l’objet est ce que je cherche ร apprรฉhender.
Le but est l’objectivitรฉ, c’est-ร -dire saisir les choses telles qu’elles sont rรฉellement. Cependant, il semble difficile voire impossible d’apprรฉhender le monde tel qu’il est.
Voyons d’abord la dรฉfinition de la rรฉalitรฉ et du rรฉel.
Rรฉalitรฉ : dรฉfinition et diffรฉrence avec le “rรฉel”.
Dรฉfinition du rรฉel : Le rรฉel est ce qui existe en soi, indรฉpendamment du sujet, c’est-ร -dire indรฉpendamment de sa perception ou de ses pensรฉes.
Le rรฉel n’est pas forcรฉment la rรฉalitรฉ.
Dรฉfinition rรฉalitรฉ : La rรฉalitรฉ est ce qu’un individu perรงoit et comprend du rรฉel. On peut distinguer :
- La rรฉalitรฉ empirique : ce qui existe pour nous grรขce ร nos sens et notre expรฉrience. C’est la rรฉalitรฉ matรฉrielle.
- La rรฉalitรฉ intelligible : ce que nous comprenons du monde par notre pensรฉe, notre raisonnement, nos concepts abstraits, notre rรฉflexion (notre รขme pour Platon).
Du fait que nous ne pouvons pas rรฉflรฉchir en dehors de nous-mรชme, la rรฉalitรฉ est forcรฉment un phรฉnomรจne subjectif : chacun a “sa” rรฉalitรฉ.
Au final, la rencontre de la rรฉalitรฉ et du rรฉel serait l’accรจs ร la vรฉritรฉ universelle, par dรฉfinition inaccessible ร l’Homme. C’est le Graal : la rรฉponse ร toutes les questions au sujet de Dieu, de la matiรจre et du sens de la vie.
Dans les schรฉmas ci-dessous, le premier illustre la rรฉalitรฉ empirique, le second la rรฉalitรฉ intelligible :
Les obstacles au rรฉel.
Le principal obstacle ร la rรฉalitรฉ ou au rรฉel est nous-mรชme.
Nous ne voyons en effet le monde que par notre propre point de vue : nos sens sont partiels, restreints, et notre capacitรฉ ร percevoir est extrรชmement limitรฉe.
Le traitement que notre cerveau rรฉserve aux informations qu’il reรงoit est lui-aussi biaisรฉ, car soumis ร une foule de limitations et de dรฉterminismes, dont la plupart son inconscients ; citons par exemple :
- la gรฉnรฉtique,
- l’รฉducation reรงue,
- la culture d’origine,
- le vรฉcu,
- la psychologie,
- les conditions de vie,
- les circonstances,
- etc.
Notre capacitรฉ d’ouverture est limitรฉe par notre ego, notre mental, et notre niveau de conscience.
Ainsi se dรฉveloppent les illusions, les croyances et les superstitions, qui ne sont que tรฉnรจbres et aveuglement, et qui aboutissent ร entrer en conflit avec ceux qui ont des croyances diffรฉrentes.
Remarque : En philosophie, la phรฉnomรฉnologie est l’รฉtude des phรฉnomรจnes de la conscience et de lโexpรฉrience vรฉcue. Le but est de faire la distinction entre la “chose en soi” et le phรฉnomรจne qui se montre au sujet, et d’รฉtudier la maniรจre dont ce dernier se forme.
La rรฉalitรฉ et sa dรฉfinition dans le bouddhisme.
Dans le bouddhisme, la rรฉalitรฉ ultime est la vacuitรฉ. La vacuitรฉ, ร ne pas confondre avec le vide, consiste ร approcher l’impermanence et l’interdรฉpendance des choses. Une vision รฉclairรฉe permet de se rendre compte que tout est liรฉ, que tout est vide d’existence propre. Les choses n’existent pas par elles-mรชmes.
La pratique de la mรฉditation permet d’accรฉder ร cette rรฉalitรฉ par les trois รฉtapes de la concentration, de l’absorption et de la perception claire.ย
Enfin l’accรจs ร la rรฉalitรฉ (aussi appelรฉe nirvana) va de pair avec l’extinction de la souffrance.
La rรฉalitรฉ dans le taoรฏsme.
Dans le Tao Te King, Lao-Tseu donne cette approche de la rรฉalitรฉ (appelรฉe “mystรจre”) :
Libre du dรฉsir, tu comprends le mystรจre.
Pris dans le dรฉsir, tu ne vois que les manifestations.
Tao Te King, 1
Plus loin :
Les couleurs aveuglent lโลil.
Les sons alourdissent l’oreille.
Les saveurs engourdissent le palais.
Les pensรฉes affaiblissent l’esprit.
Les dรฉsirs fanent le coeur.
Le Maรฎtre observe le monde
mais fait confiance ร sa vision intรฉrieure.
Il laisse les choses aller et venir.
Son coeur est ouvert comme le ciel.
Tao Te King, 12
Comment approcher le rรฉel et accรฉder ร la vรฉritรฉ ?
Parmi les diffรฉrentes mรฉthodes visant ร approcher la rรฉalitรฉ, le rรฉel ou la vรฉritรฉ, citons :
- La raison. La raison nous รฉloigne de l’illusion de nos perceptions. Mais elle a pour seul but la recherche de la vรฉritรฉ : elle rรฉduit le rรฉel ร la vรฉritรฉ. Autrement dit, la raison crรฉe un monde abstrait rรฉgi par des lois scientifiques et logiques, c’est-ร -dire un univers “construit” qui ne correspond qu’ร un certain niveau du rรฉel. D’autre part, la raison utilise des “concepts”, c’est-ร -dire des objets qui n’existent pas rรฉellement. La raison a donc ses propres limites (cf. La critique de la raison pure de Kant).
- La connaissance de soi. Puisque nous sommes notre principal obstacle ร la rรฉalitรฉ, il est essentiel de nous connaรฎtre pour lever les voiles. Lire notre article La connaissance de soi rend libre.
- La mรฉditation ou la contemplation. La mรฉditation permet de s’extraire de son propre mental, ce flux de pensรฉes autonome et illusoire. Elle ouvre l’accรจs au silence et ร la vacuitรฉ (cette derniรจre correspond ร la vรฉritรฉ ultime selon la philosophie bouddhiste). De fait, le silence permet de laisser le rรฉel s’adresser ร nous.
- La tolรฉrance. Pratiquer la tolรฉrance, c’est reconnaรฎtre qu’une part de la vรฉritรฉ nous รฉchappe. C’est รฉcouter, s’ouvrir ร d’autres points de vue et expรฉrimenter sans prรฉjugรฉ. C’est comprendre, apprendre et libรฉrer le potentiel de son intelligence et de son intuition.
De maniรจre plus gรฉnรฉrale, la philosophie, la spiritualitรฉ ou l’รฉsotรฉrisme sont des voies d’accรจs ร la rรฉalitรฉ.
Remarque : La connaissance intรฉgrale de la vรฉritรฉ est appelรฉe “gnose”. Ce concept philosophique et religieux vient du christianisme antique (voir L’Evangile de Marie-Madeleine).
Au final, toutes ces mรฉthodes forment un chemin vers le Soi universel. Il ne s’agit plus de percevoir avec les sens ni de raisonner, mais de laisser le rรฉel se manifester en soi. Il s’agit de s’inclure dans le rรฉel, pour l’expรฉrimenter de la maniรจre la plus profonde qui soi.
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Modif. le 26 septembre 2020