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La différence entre compassion et empathie

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La différence entre compassion, empathie, pitié et amour : qu’est-ce que la compassion en philosophie et en spiritualité ? Quel sens dans le bouddhisme, le taoïsme et le christianisme ?

Dans le langage commun, les mots compassion, empathie, affection, altruisme et amour sont presque synonymes ; pourtant nous allons voir que leur sens diffère sensiblement, autant dans la nature de la démarche que dans son intensité.

Définition : La compassion (du latin cum patior) est littéralement le fait de « souffrir avec », de partager les maux et la souffrance des autres.

La compassion peut avoir deux origines :

  • ce peut être un élan : un sentiment naturel, une émotion spontanée,
  • ou bien ce peut être une valeur à cultiver, indissociable d’un engagement ou d’un effort à mener pour s’ouvrir à l’autre.

La compassion est parfois associée à la pitié, ce qui semble très réducteur. En effet la pitié crée une barrière vis-à-vis de l’autre, car la sensibilité à sa douleur peut se teinter de condescendance, de dégoût voire de mépris.

Voyons plus précisément la différence entre compassion, empathie, pitié et amour.

La différence entre compassion, empathie, pitié et amour.

Tentons d’abord de comprendre la différence entre compassion et empathie.

L’empathie (du grec ancien en : « à l’intérieur » et pathos : « souffrance éprouvée ») désigne la capacité d’un individu à percevoir et reconnaître les états affectifs d’autrui. Ce qui ne veut pas dire que l’on ressent soi-même la douleur de la personne affectée. L’empathie peut donc être dénuée d’affection (au sens d’attachement) ; elle peut rester froide et se passer de réponse.

Au contraire, la compassion implique de « souffrir avec », donc d’éprouver soi-même la douleur de la personne et de la partager dans une logique de solidarité et d’amour.

En ce sens, la compassion se rapproche de la sympathie (du grec syn : « ensemble » et pathos : « passion, souffrance »), qui est préoccupation pour autrui, souvent réciproque, tout en incluant une dimension de partage. Dans son sens commun, la sympathie est cependant moins intense que la compassion.

La différence entre compassion et altruisme.

L’altruisme (du latin alter : « autrui ») est la capacité à aller vers l’autre, à se soucier de lui. L’altruisme consiste en un comportement réfléchi, raisonné, engagé et désintéressé. On peut le décrire comme le don de soi pour les autres, en sens unique, sans rien attendre en retour.

L’altruisme est donc une valeur morale qui s’oppose à l’égoïsme.

La compassion peut recouper l’altruisme dans sa dimension d’engagement moral, raisonné. Mais la compassion dépasse l’altruisme par son caractère vécu et concret, au sens d’un véritable partage fraternel sous-tendu par un amour profond, à double-sens.

Lire aussi notre article : L’altruisme : définition philosophique et psychologique.

La compassion : définition complète.

La compassion est à la fois bienveillance (porter attention à l’autre), empathie (comprendre l’autre), sympathie (partager la douleur de l’autre), affection (s’attacher à l’autre) et altruisme (s’engager pour les autres).

Mais la compassion dépasse toutes ces notions en introduisant un élément supplémentaire : le compagnonnage.

« Compatir » implique en effet de faire une partie du chemin ensemble, de traverser l’épreuve conjointement, main dans la main, dans une relation d’égalité. Cet accompagnement fraternel est la marque de la compassion au sens le plus noble et le plus complet du terme.

Ainsi, la compassion réconcilie l’émotion et la raison, les sentiments et les idéaux, la pensée et l’action. Chemin de vie, la compassion est la mise en oeuvre des valeurs humanistes d’entraide, de solidarité, de fraternité et d’amour.

Loin d’être une simple émotion, il est possible de développer sa compassion, de la cultiver, de la vivre dans une relation d’échange avec l’autre.

Au sens métaphysique ou spirituel, la compassion se fonde sur le constat des liens d’interdépendance qui existent entre toutes les choses et tous les êtres. C’est la reconnaissance que tout est lié, et que notre destin dépend de celui des autres. L’être humain n’est pas séparé de son environnement : son bonheur réside en celui des autres.

Cette notion d’interdépendance cosmique est appelée Philia (Empédocle), Quintessence (Aristote), Sympatheia (chez les stoïciens) ou tout simplement « loi d’Amour« .

La différence entre compassion, empathie, amour, pitié… dans les grandes traditions spirituelles.

Ouvrage phase du taoïsme, le Tao Te King de Lao-tseu insiste sur l’importance de la compassion :

La Maître voit chaque partie avec compassion,
parce qu’il comprend le tout.
Il pratique constamment l’humilité.

Il ne brille pas comme un joyau
mais se laisse modeler par le Tao,
aussi rugueux et commun qu’une pierre.

Tao Te King, 39

Je n’ai que trois choses à enseigner :
la simplicité, la patience, la compassion.

Tao Te King, 67

Dans les religions orientales, la compassion dépasse par son intensité toutes les autres valeurs, sans doute parce qu’elle mêle à la fois compréhension spirituelle et action concrète. La compassion est un véritable mode de vie, un « art de vivre ».

La compassion dans le bouddhisme.

Le bouddhisme repose sur la compréhension et le traitement du mécanisme de la souffrance. A ce titre, la compassion (karuna) y occupe une place fondamentale.

La compassion consiste à chérir les autres êtres vivants et à les aider à les délivrer de leur propre souffrance.

Il s’agit d’abord de considérer l’autre comme un autre soi-même : à ce titre, la souffrance de l’autre est plus importante que la nôtre. D’autre part, la relation ou le cheminement avec l’autre permet à chacun de progresser sur son propre chemin de libération.

Enfin, le bouddhisme assimile la compassion à la vision juste : c’est le constat du lien d’interdépendance entre toutes les choses, et l’aspiration à ce que tous les êtres soient libérés de leur souffrance. Notons que la « grande compassion » mène au nirvana.

Remarque : cultiver la compassion est aussi un moyen de se libérer de son karma négatif.

La compassion dans la Bible et le christianisme.

Jésus pleura.
Jean 11, 35

Après avoir appris que son ami Lazare était malade, Jésus reprend la route vers la Judée, bravant le danger. Lorsqu’il arrive, Lazare est déjà mort. Jésus pleure avec les proches de Lazare, avant de parvenir à ressusciter son ami.

L’exemplaire compassion de Jésus donne lieu au verset le plus court de la Bible (Jésus pleura), comme pour montrer tout le dépouillement qu’implique la compassion.

A travers son passage sur Terre, Jésus chemine au milieu des hommes, partage leur malheur, les accompagne dans leur combat intérieur. Il va jusqu’à épouser la souffrance de l’humanité sur la Croix : il embrasse la douleur du monde, et ce faisant, montre le chemin de la délivrance : la Passion est compassion.

Chez les chrétiens, la compassion est parfois confondue avec la pitié, ce mot n’ayant pas la connotation négative qu’on lui connait aujourd’hui. La pitié traduit un sentiment de compassion profond, qui se traduit par un élan de compréhension, de secours, de pardon et de charité.

Conclusion sur la compassion.

Plus qu’un sentiment ou un élan, la compassion est un état d’éveil, une attention permanente à l’autre qui se concrétise par un accompagnement fraternel.

Il se s’agit pas simplement de souffrir en voyant la souffrance de l’autre, mais d’anticiper, d’être attentif et disponible pour l’autre.

Cette solidarité inconditionnelle repose sur le constat à la fois raisonné et intuitif que je suis l’autre, et que mon bonheur dépend du sien. Ainsi, l’autre passe avant soi-même, ce qui ne veut pas dire qu’il faille s’oublier ou se perdre en compassion.

La compassion dépasse donc la simple réciprocité des rapports humains ; en cela, elle rappelle beaucoup la philosophie africaine de l’ubuntu.

Quelques citations sur la compassion.

Ayant médité la douceur et la compassion, j’ai oublié la différence entre moi et les autres.
Milarépa (yogi et poète tibétain)

On peut se passer de religion mais pas d’amour ni de compassion.
Dalaï-Lama

Il y a quatre pensées illimitées : l’amour, la compassion, la joie et l’égalité d’âme.
Bouddha

En voyage, on a besoin d’un compagnon et dans la vie, de compassion.
Haruki Murakami

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Modif. le 17 mars 2024

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