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Il est plus facile de faire son devoir que de le connaître (explication)

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« Il est plus facile de faire son devoir que de le connaître » : que signifie cette maxime ? Voici une planche maçonnique au 4ème degré REAA.

Après avoir adoubé les nouveaux Maîtres secrets, le Trois Fois Puissant Maître s’exprime ainsi :

Sachez que rien ne s’accomplit sans efforts. Vous avez encore bien des degrés à gravir avant d’approcher de la vraie Lumière et de découvrir la Parole connue des anciens initiés. (…)

Vous venez, mes Frères, de contracter l’obligation de suivre imperturbablement la route du Devoir, mais vous devez savoir qu’il est parfois plus facile de faire son devoir que de le connaître.

Cette formule énigmatique semble avoir été introduite dans le rituel du 4ème degré en 1921, soit quelques années seulement après la fin de la Première guerre mondiale, conflit dans lequel des millions d’hommes se sont rendus au front, par devoir. A l’évidence, l’accomplissement de ce devoir n’a pas permis de rendre le monde meilleur.

On retrouve cette maxime chez plusieurs auteurs, sous différentes formes.

La formule peut dérouter : on aurait pu penser qu’au contraire, il est plus facile de connaître son devoir que de l’accomplir. Or c’est bien l’inverse qui nous est proposé. Notre réflexion doit donc se porter sur la connaissance du devoir, qui ne semble pas aller de soi.

Autrement dit, suivre la route du devoir n’est pas suffisant, encore faut-il s’interroger sur la nature même du chemin.

Tentons d’interpréter la maxime « il est plus facile de faire son devoir que de le connaître ».

Lire aussi notre article sur le Devoir au 4ème degré.

Il est plus facile de faire son devoir que de le connaître : explication

La formule pose la question de la connaissance du devoir.

Quel est notre devoir ? Le rituel du 4ème degré insiste sur l’accomplissement du devoir, « aussi inflexible que la fatalité, aussi exigeant que la nécessité, aussi impératif que la destinée ». Par ailleurs, il est dit que le devoir exige un véritable « sacrifice ».

Mais la définition même de ce devoir reste assez floue. Le devoir est certes décrit comme menant à la Vérité et conduisant à la vraie Lumière. Le Trois Fois Puissant Maître l’associe en outre à la quête de la parole perdue :

Rappelez-vous que nous sommes tous soumis à la grande Loi universelle du Grand Architecte. Notre Devoir, c’est la quête de la Parole perdue.

Le devoir consisterait donc à se conformer aux grandes lois universelles… mais encore faut-il pouvoir les connaître. A ce titre, la parole perdue évoque la connaissance spirituelle, la vérité cachée, oubliée. Cachée car notre individualité semble faire obstacle à la Lumière que nous portons en nous.

Notre devoir est donc la quête de la vérité. Le devoir du Maître Secret se fait encore plus clair à l’écoute des sentences énumérées lors des quatre voyages initiatiques :

  • Ecoutez tous les hommes avec attention et déférence,
  • Ayez la ferme résolution de les comprendre,
  • Respectez toutes les opinions,
  • Ne profanez pas le mot de Vérité en l’accordant aux conceptions humaines.

Ces sentences n’ont rien d’ambigu. Mais alors, pourquoi serait-il plus facile de faire son devoir que de le connaître ? Comment comprendre cette formule ?

Le sens profond du devoir

Ecouter les hommes avec attention, faire l’effort de les comprendre, respecter toutes les opinions, chercher sans cesse la vérité : tel est notre devoir.

Pourtant, les choses sont moins évidentes qu’il n’y paraît. Car à chaque instant, notre ego tente de détourner la signification de ces préceptes pour satisfaire ses propres instincts ou envies.

C’est ainsi que l’individu a tendance, malgré lui, à s’accrocher à un devoir automatique, à des habitudes, à des schémas de pensée qu’il juge définitivement « bons » mais qui en fait, réintroduisent le jugement, la séparation et l’erreur.

Autrement dit, le risque est de glisser vers une mauvaise interprétation du devoir : les illusions ont tendance à se réinstaller, dissimulées sous les faux habits du « bien » et de la morale. La parole, le verbiage et les arguties réapparaissent, qui nous éloignent de la quête de la parole primordiale. Pensant accomplir son devoir, l’individu illusionné se complait alors dans sa vérité, s’enferme dans sa vision du monde : ses mauvais penchants ont repris le dessus.

Le franc-maçon est particulièrement sujet à ce type de dérive, lui qui pense avoir compris le sens de son devoir. C’est justement le fait de croire cela qui l’écarte de la vérité. Voilà pourquoi le rituel rappelle qu’il est bien plus difficile de comprendre le sens profond de son devoir que d’accomplir un devoir « automatique ».

Tentons ici de rappeler le sens du devoir maçonnique :

  • le devoir consiste non pas à juger les autres mais à porter un jugement lucide sur soi-même. Il s’agit donc d’un devoir spirituel, et non moral,
  • le franc-maçon sait se remettre en cause, dépasser ses opinions, changer d’avis, abandonner ses préjugés : il aime assister à la mort et au dépassement de sa propre pensée. Telle est la véritable signification du mot « sacrifice »,
  • le franc-maçon sait reconnaître à chacun le droit de porter sa propre part de vérité,
  • il sait mettre à distance son ego pour s’imposer à lui-même humilité, modestie et modération,
  • il renonce à la vérité, et c’est précisément cela qui lui permet d’entrevoir la vérité,
  • se soumettant aux lois cosmiques, il renonce à sa propre liberté, et c’est précisément ce qui lui permet d’être libre.

Ainsi, le franc-maçon réinterprète en permanence son devoir, de la même manière qu’il cherche à chaque instant à mieux se connaître.

Il n’attend pas l’approbation des autres, car il ne peut se satisfaire que de « l’approbation de sa seule conscience » comme le rappelle le rituel du 4ème degré.

Au final, le devoir maçonnique réside dans la quête elle-même. Chercher, dépasser, déconstruire, reculer pour avancer, abandonner pour trouver : tel est le sens de cette quête, jamais achevée.

Voir aussi :

Les essentiels du quatrième degré REAA - Adrien Choeur

Ce livre numérique pdf (98 pages) comporte 28 planches essentielles pour approfondir les thèmes du quatrième degré REAA.

Il offre des points d’appui pour décrypter les sentences, les décors, les signes et objets symboliques rencontrés par le Maître Secret.

Modif. le 23 mars 2024

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