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“Ne vous payez pas de mots”

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“Ne vous payez pas de mots” : quelle est la signification de cette sentence entendue lors de la cรฉrรฉmonie d’initiation au grade de Maรฎtre Secret ? Voici une planche maรงonnique au 4รจme degrรฉ du REAA.

A la fin du deuxiรจme voyage rituel de la cรฉrรฉmonie d’initiation au 4รจme degrรฉ, les postulants au grade de Maรฎtre Secret reรงoivent la deuxiรจme sentence :

LE TROIS FOIS PUISSANT MAรŽTRE : Ne vous payez pas de mots, n’accordez ร  qui que ce soit une confiance aveugle, mais รฉcoutez tous les hommes avec attention et dรฉfรฉrence.ย Ayez la ferme rรฉsolution de les comprendre.ย Respectez toutes les opinions, mais ne les acceptez pour justes que si elles vous apparaissent comme telles aprรจs les avoir examinรฉes.ย Ne profanez pas le mot de Vรฉritรฉ en l’accordant aux conceptions humaines.ย La Vรฉritรฉ absolue est inaccessible ร  l’esprit humain ; il s’en approche sans cesse, mais ne l’atteint jamais.

“Se payer de mots”, c’est se satisfaire de ses propres paroles. C’est s’รฉcouter parler. C’est penser que son raisonnement est meilleur que celui des autres. C’est penser que l’on dรฉtient la vรฉritรฉ, et qu’on a le droit de l’exprimer plus fort que les autres.

Ainsi, “ne vous payez pas de mots” est une incitation ร  une certaine mesure, peut-รชtre aussi ร  retrouver le silence du 1er degrรฉ, mรชme si le Maรฎtre Secret a, contrairement ร  l’Apprenti, le droit de s’exprimer en loge.

Voyons la signification de la sentence “ne vous payez pas de mots”.

Lire aussi notre article sur les sentences du 4รจme degrรฉ.

“Ne vous payez pas de mots” : signification, interprรฉtation.

Par cette sentence, le Maรฎtre Secret est invitรฉ ร  se mรฉfier de ses propres paroles et pensรฉes, c’est-ร -dire de lui-mรชme.

Car en chacun de nous existe un risque de dรฉrive liรฉ ร  notre ignorance, notre fanatisme et notre ambition :

  • l’ignorance est l’oubli du fait que notre vision des choses ne peut รชtre que partielle ; c’est oublier que nous ne savons rien. En effet, nous pensons raisonner par nous-mรชmes, mais c’est notre mental qui parle, avec ses limites et sa foule de dรฉterminismes (parmi lesquels la culture, l’รฉducation, le vรฉcu, la psychologie, les instincts ou encore les influences extรฉrieures…),
  • le fanatismeย consiste ร  croire en ses propres paroles (ou ร  celles reprises d’un guide ou “gourou”) tout en rejetant les idรฉes des autres. C’est prendre son discours au sรฉrieux, jusqu’ร  le considรฉrer comme le seul valable,
  • quant ร  l’ambition, c’est l’ivresse se soi-mรชme et de son propre discours mis au service de son intรฉrรชt personnel.

La sentence “ne vous payez pas de mots” pointe le risque de se laisser manipuler par les mauvais compagnons qui sont en nous. L’ennemi est en nous-mรชme : il rรฉside dans la faiblesse de s’enfermer dans ses idรฉes subies, de s’auto-illusionner, de se laisser prendre ร  son propre discours.

Se payer de mots, c’est se satisfaire de ses propres pensรฉes : il est donc inutile de continuer ร  rรฉflรฉchir. Cela aboutit ร  un blocage, ร  un arrรชt dans le chemin de l’รฉlรฉvation personnelle. Inconsciemment, l’individu bornรฉ renonce ร  sa quรชte spirituelle.

Au contraire, prendre du recul sur ses propres idรฉes et s’ouvrir ร  celles des autres, c’est se donner une chance de dรฉcouvrir de nouveaux horizons et d’approcher la vรฉritรฉ.

Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. Cette phrase de Socrate, loin d’รชtre un constat d’รฉchec, est une invitation ร  ne pas faire de pause dans la quรชte de la vรฉritรฉ. Chaque certitude doit รชtre immรฉdiatement dรฉpassรฉe. Aucun discours ne doit รชtre considรฉrรฉ comme dรฉfinitif.

Surtout, ร  travers sa sentence “ne vous payez pas de mots”, le Trois Fois Puissant Maรฎtre invite le postulant ร  privilรฉgier l’รฉcoute des autres plutรดt que les discours venant de soi. C’est une invitation ร  l’humilitรฉ, ร  l’ouverture, au respect et ร  la tolรฉrance.

“Ne vous payez pas de mots” : une invitation ร  la tolรฉrance.

Ici, c’est un certain rapport ร  la vรฉritรฉ qui nous est proposรฉ. La vรฉritรฉ qui serait celle des uns (les bons) contre les autres (les mauvais) est illusoire. Personne ne possรจde la vรฉritรฉ absolue et dรฉfinitive, mais chacun en dรฉtient une partie, sa partie, relevant de sa propre histoire personnelle.

Ainsi, chacun est lรฉgitime ร  formuler son propre “discours de vรฉritรฉ”, pour peu qu’il entende aussi la vรฉritรฉ des autres. La tolรฉrance est prรฉcisรฉment cela : l’attitude qui consiste ร  se mettre ร  la place des autres, ร  tenter de les comprendre, ร  les รฉcouter pour s’enrichir de leur point de vue et nourrir le sien. La tolรฉrance ne peut se passer de la rรฉciprocitรฉ.

“Ne vous payez pas de mots” est un avertissement : l’ivresse du discours est un piรจge. Les prรฉjugรฉs sont ร  fuir, de mรชme que les jugements dรฉfinitifs. Les constructions philosophiques, mรชme parfaitement logiques, ne permettent pas d’approcher la vรฉritรฉ. Les concepts et les thรฉories sont impuissants ร  dรฉcrire et ร  expliquer la rรฉalitรฉ.

Ainsi, le doute est inconfortable mais salutaire ;ย il doit รชtre cultivรฉ pour รฉviter la “servitude de l’erreur”. La multiplication des points de vue permettra d’approcher la vรฉritรฉ.

La recherche de la Vรฉritรฉ et de la Parole perdue.

LE TROIS FOIS PUISSANT MAรŽTRE :ย Que cherchiez-vous dans vos voyages ?
LE MAรŽTRE DES Cร‰Rร‰MONIES :ย La Vรฉritรฉ et la Parole perdue.

Les sentences exprimรฉes par le Trois Fois Puissant Maรฎtre sont, pour le postulant au grade de Maรฎtre Secret, autant de dรฉcouvertes et de rรฉvรฉlations. Les voyages qu’il effectue l’invitent ร  progresser en direction de la Vรฉritรฉ.

Or la Vรฉritรฉ est ici assimilรฉe ร  la Parole perdue : c’est la “parole vraie”, celle qui exprime la conscience absolue, celle qui traduit la juste rรฉalitรฉ des choses et qui รฉclaire le mystรจre de la vie. C’est une parole authentique, dรฉsintรฉressรฉe, sortie du fond des รขges.

Cette Parole perdue, c’est peut-รชtre tout simplement le silence.

Ce peut-รชtre encore l’attitude qui consiste ร  aborder toute pensรฉe ou parole (de soi-mรชme ou des autres) avec luciditรฉ, recul, calme et indulgence.

Car chaque parole est le rรฉsultat d’une infinitรฉ de causes qui la rendent lรฉgitime et recevable. L’Amour et la fraternitรฉ sont des valeurs qui doivent nous amener ร  accueillir nos pensรฉes et celles des autres avec bienveillance, loin des jugements hรขtifs et de toute culpabilitรฉ, sans non plus se “payer de mots”.

Voir aussi :

Pour votre bibliothรจque :

Modif. le 21 fรฉvrier 2021

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