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Le devenir en philosophie : définition et implications

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Le devenir en philosophie : dĂ©finition et implications. Qu’est-ce que le temps qui passe ? Le changement s’oppose-t-il au fait d’exister ? Quel rapport entre devenir, vie et mort ?

Le devenir Ă©voque la transformation permanente de la matiĂšre, l’Ă©volution des ĂȘtres, ainsi que l’apparition et la disparition des phĂ©nomĂšnes.

Le devenir est changement, il s’oppose Ă  la permanence et Ă  la fixitĂ©, il dĂ©fie les notions d’essence et d’identitĂ©.

En philosophie, le devenir touche Ă  plusieurs questions fondamentales :

  • celle du temps (cyclique ? linĂ©aire ? rĂ©el ou illusoire ?),
  • celle du destin,
  • celle de la matiĂšre (quelle est la composition du cosmos ? quelle est sa structure et son fonctionnement ?),
  • celle de l’ĂȘtre et du non-ĂȘtre (le fait d’exister est-il une rĂ©alitĂ© ou une illusion ?).

Pour les ĂȘtres vivants et conscients que nous sommes, l’idĂ©e du devenir peut gĂ©nĂ©rer inconfort et anxiĂ©tĂ©. En effet, le devenir remet en cause notre identitĂ© et notre besoin de stabilitĂ©. Il Ă©voque la peur et la mort.

Mais le devenir porte aussi son lot de promesses et de progrĂšs : il est l’Ă©nergie qui fait tourner le monde, il est la force qui permet Ă  chacun d’apprendre et de s’amĂ©liorer.

Tentons de donner une définition du devenir en philosophie.

Le devenir en philosophie : définition simple.

Le devenir est la loi du changement permanent, selon laquelle rien n’est destinĂ© Ă  demeurer sous sa forme actuelle.

Le devenir en philosophie est indissociable des notions de temps et d’espace. Il Ă©voque la dualitĂ© et la recomposition permanente de la matiĂšre. Dans son cĂŽtĂ© nĂ©gatif, il porte en lui le conflit, la lutte et la souffrance. Dans son cĂŽtĂ© positif, il est la promesse d’un meilleur agencement du monde.

Paradoxalement, le devenir est un processus qui prĂ©sente un caractĂšre de continuitĂ©, donc de stabilitĂ©. Il Ă©voque alors la roue qui tourne, ou encore le symbolisme du cercle en tant que ligne qui se referme sur elle-mĂȘme.

Le devenir chez les philosophes de la GrĂšce antique.

Pour HĂ©raclite (VIĂšme siĂšcle avant J-C), tout est en perpĂ©tuel changement, ce qui s’oppose Ă  l’idĂ©e de permanence et d’essence. Pour lui, rien n’est stable, tout se dĂ©fait et se recompose constamment : « Tout coule, rien ne demeure » ; Â«Â On ne se baigne jamais deux fois dans le mĂȘme fleuve. »

De mĂȘme, pour Anaxagore (VĂšme siĂšcle avant J-C), « Rien ne naĂźt ni ne pĂ©rit, mais des choses dĂ©jĂ  existantes se combinent, puis se sĂ©parent de nouveau ».

A l’inverse, ParmĂ©nide (pythagoricien, VIĂšme-VĂšme siĂšcle avant J-C) soutient l’idĂ©e de fixitĂ© et d’ĂȘtre : « Ce qui peut ĂȘtre dit et pensĂ© doit ĂȘtre car l’ĂȘtre est et le nĂ©ant n’est pas » ; « Tu ne peux avoir connaissance de ce qui n’est pas, tu ne peux le saisir ni l’exprimer ».

Par la suite, Platon (VĂšme-IVĂšme siĂšcle avant J-C) fondera l’essentialisme, philosophie qui affirme le primat absolu de l’essence, au-delĂ  de l’illusion du changement.

Devenir, ĂȘtre et non-ĂȘtre.

On l’a compris, le devenir pose la question de l’essence (c’est-Ă -dire le « fait d’ĂȘtre ») : en effet, dans un monde oĂč tout change, comment un « ĂȘtre » pourrait-il survivre en tant qu’entitĂ© autonome et stable ?

Le concept de devenir s’opposerait donc Ă  toute idĂ©e d’existence des choses en elles-mĂȘmes. C’est en particulier la vision du bouddhisme.

Lire aussi notre article : Etre ou ne pas ĂȘtre.

Le devenir dans le bouddhisme.

Dans le bouddhisme, l’impermanence est l’idĂ©e selon laquelle les phĂ©nomĂšnes, les choses, les ĂȘtres, les situations et les sentiments Ă©voluent, changent d’instant en instant, se transforment sans arrĂȘt.

Les ĂȘtres non-Ă©veillĂ©s vivent dans l’illusion de la permanence : ils s’attachent Ă  leur ego et Ă  des choses qui sont vouĂ©es Ă  disparaĂźtre, ce qui cause mal-ĂȘtre et souffrance.

Par consĂ©quent, le bouddhisme est la philosophie du non-soi : les phĂ©nomĂšnes, choses ou individus n’ont pas d’existence stable et autonome, ils n’existent pas “en soi”, ils sont vacuitĂ©. C’est cette rĂ©alitĂ© que les « ĂȘtres Ă©veillĂ©s » peuvent expĂ©rimenter, notamment Ă  travers la mĂ©ditation.

Notons que le bouddhisme dĂ©crit le bardo (il y a diffĂ©rents bardos, parmi lesquels le « bardo du devenir ») comme une phase mentale intermĂ©diaire. Il s’agit d’un moment sans substance, immatĂ©riel, au cours duquel l’esprit souffre et cherche Ă  retrouver une substance concrĂšte, c’est-Ă -dire une certaine stabilitĂ©, bien qu’illusoire. L’ĂȘtre non-Ă©veillĂ© ne sait pas encore que le bardo, cet Ă©tat transitoire et instable, est son vĂ©ritable foyer.

Le bouddhisme propose donc un chemin de comprĂ©hension de la rĂ©alitĂ©, vue comme une sorte de continuitĂ© de l’éphĂ©mĂšre.

Le devenir en philosophie : son rapport avec la vie et la mort.

Abandonnons la vision bouddhiste pour aborder le phénomÚne de la vie.

La vie, dans sa dimension biologique, pourrait ĂȘtre dĂ©crite comme une rĂ©sistance de tous les instants face au changement, Ă  la destruction et Ă  la mort : en effet, chaque ĂȘtre vivant tente de survivre le plus longtemps possible, malgrĂ© les difficultĂ©s et les alĂ©as. C’est le rĂŽle de l’instinct et de l’ego.

La vie serait donc une force de conservation, opposĂ©e au devenir. Pourtant, la vie est aussi adaptation et intelligence, elle sait se nourrir du changement, elle sait Ă©voluer et tirer parti des difficultĂ©s et mĂȘme de la mort pour se perfectionner. La vie se nourrit de sa propre mort pour renaĂźtre toujours meilleure, conformĂ©ment Ă  la grande loi de l’Ă©volution.

On le voit, la vie sait utiliser les forces du changement pour se conserver et transmettre son identité. Elle réconcilie ainsi identité et changement, permanence et impermanence, vie et mort. Ce que traduit bien le terme de « continuité ».

Le devenir en philosophie : un potentiel Ă  exploiter.

Nous l’avons vu, le devenir est synonyme de conflit, de lutte et de mort. Le changement consiste en une recomposition permanente : les Ă©tats antĂ©rieurs disparaissent pour laisser la place Ă  une autre configuration de l’univers ; chaque instant porte le deuil de l’instant prĂ©cĂ©dent.

Pourtant, le devenir est aussi une chance. Le devenir porte en lui le progrÚs, la possibilité de créer, de se transformer, de chercher, de comprendre et de devenir meilleur.

Le devenir exprime l’immense potentiel Ă©nergĂ©tique inclus dans le cosmos. Le devenir crĂ©e le temps et l’espace, et il rend possible la vie, donc l’essence.

Sans devenir il n’y aurait pas d’ĂȘtre vivant, pas d’humanitĂ© ni de conscience. Le monde serait sans Ă©paisseur : il n’existerait tout simplement pas.

Ne nous y trompons pas, ce sont bien l’immobilitĂ© et la fixitĂ© qui sont synonymes de mort, au sens le plus dĂ©finitif du terme. La vie, elle, est indissociable du devenir.

Il ne tient qu’Ă  nous de nous nourrir de ce devenir, d’en tirer parti, de l’incarner. Se dessine alors un chemin d’Ă©lĂ©vation, de libĂ©ration, un appel Ă  marcher vers la vĂ©ritĂ©.

Car devenir, c’est aussi comprendre que l’on peut aimer, pardonner, aider ; c’est rĂ©aliser que nous sommes potentiellement l’autre puisque tout est liĂ© et que tout finira par se rencontrer.

Au final, plutĂŽt que d’opposer ĂȘtre et devenir, il faut associer ces deux notions. Le sage saura accueillir l’avenir comme une chance, sans s’oublier ni renier son passĂ©. Il saura se maintenir en Ă©quilibre, dans l’Ă©ternel prĂ©sent, au point de rĂ©conciliation de tous les paradoxes.

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Modif. le 16 août 2021

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