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Y a-t-il des actes désintéressés ?

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Y a-t-il des actes désintéressés ? Une action peut-elle être effectuée sans motivation et en-dehors de tout objectif personnel ? Analyse.

Habituellement, on distingue les pensées et actions qui relèvent d’un intérêt personnel de celles qui sont désintéressées :

  • les premières impliquent un retour, un avantage ou un bénéfice pour soi-même ; elles répondent à un besoin ou une attente,
  • les secondes se font sans attente individuelle, ce qui implique détachement, générosité ou encore sens du devoir.

Par exemple, faire un don, aider quelqu’un qui nous le demande, s’investir pour une cause ou s’engager en tant que bénévole sont autant d’actes qui peuvent paraître désintéressés. Ces actions répondent à des valeurs telles que l’altruisme, la solidarité, l’entraide, la charité, le soutien, la protection, le soin, l’amour, etc. Elle relèvent de ce que nous appelons le « bien ».

Pourtant, la limite entre action intéressée et désintéressée est plus ténue qu’il n’y paraît.

Tentons de savoir s’il peut réellement y avoir des actes désintéressés.

Y a-t-il des actes désintéressés ? Motivation et recherche de satisfaction

Certains actes peuvent paraître désintéressés parce qu’ils ne nous servent pas directement, et pourtant nous en attendons un résultat, un retour ou une satisfaction personnelle.

C’est le cas lorsque nous aidons des personnes qui nous sont chères, par exemple au sein de notre famille ou de notre groupe social.

Prenons quelques exemples.

  • Elever un enfant est-il un acte désintéressé ? Cela ne relève-t-il pas plutôt du devoir ou de la satisfaction de voir sa progéniture grandir, ou même de la fierté d’avoir de beaux enfants ? Dans ce cas, aimer peut aussi avoir un côté égoïste.
  • Recueillir un animal abandonné semble être un acte désintéressé. Mais cela répond surtout à un sentiment de pitié et au besoin de soulager un malaise éprouvé à la vue d’un être sans défense. Ainsi, aider l’animal peut constituer le moyen de résoudre un trouble personnel.
  • Faire un don à un organisme humanitaire constitue-t-il un acte désintéressé ? Cela peut en réalité correspondre au besoin de faire vivre en soi les valeurs acquises lors de l’enfance, et transmises par la famille ou l’entourage. Dans certains cas, ce peut être un moyen de soulager sa conscience, ou de se donner bonne conscience, ou de réparer une mauvaise action dans le but d’effacer un certain sentiment de culpabilité.
  • S’engager en tant que bénévole pour une association relève-t-il d’une décision désintéressée ? Souvent, ce choix est sous-tendu par un but personnel : besoin de s’insérer, de rencontrer du monde, de se donner un rôle, de se valoriser, de se réaliser.

Il faut le reconnaître, nous aidons et aimons avant tout les personnes qui nous plaisent, qui nous satisfont, qui vont dans notre sens, qui nous sont utiles… et nous avons tendance à oublier les autres.

S’avouer à soi-même ses motivations

Dans tous ces exemples, les motivations profondes de l’individu sont inconscientes. Autrement, l’individu cherche à se donner bonne conscience, évitant de s’avouer à lui-même ses propres attentes, préférant afficher son engagement ou sa générosité, répondant en outre à l’impératif de reconnaissance sociale.

Il est vrai que notre comportement s’inscrit toujours dans une perspective sociale : nous faisons en sorte que nos actions soient reconnues comme « bonnes », conformes aux valeurs partagées par le groupe.

Dès lors, il convient de ne pas sombrer dans l’illusion que nous pourrions avoir des pensées désintéressées ou que nous pourrions agir de manière non conditionnée. Il s’agit surtout d’identifier et de comprendre nos motivations profondes.

Tout acte est par définition intéressé

Tout acte est sous-tendu par une motivation personnelle, qu’elle s’inscrive dans une perspective purement individualiste ou plutôt sociale. Notre ego (ou notre « moi »), seul décisionnaire, prend en compte nos désirs, nos besoins, nos valeurs inculquées, ainsi que le regard des autres. Il navigue entre contraintes personnelles, injonctions psychologiques et attentes sociales, afin d’assurer notre survie.

Autrement dit, aucun acte ne peut être effectué gratuitement, sans raison, sans cause, sans attente. Penser qu’il pourrait en être autrement, ce serait croire en notre capacité à nous extraire de tout conditionnement, de toute matérialité. Ce serait penser que nous sommes absolument libres de faire le bien ou le mal, absolument libres d’aimer ou de haïr. Ce qui serait placer l’homme au niveau de Dieu.

La connaissance de soi mène à la compréhension du fait que l’ensemble de nos pensées et de nos actes sont conditionnés, déterminés par un nombre infini de facteurs que nous ignorons pour la plupart. En fonction de nos valeurs, de notre niveau d’éducation, de notre culture, de notre psychologie et de notre chemin de vie, nous plaçons différemment le curseur entre ce qui nous paraît intéressé et désintéressé, une frontière qui semble dès lors relative voire artificielle.

L’accès à l’universel

En reconnaissant que tous nos actes sont conditionnés, utilitaristes et intéressés, nous comprenons enfin que l’Amour véritable relève d’autre chose que l’intentionnalité, et d’autre chose que l’individualité. Autrement dit, si nous sommes incapables d’aimer véritablement, il y a à l’inverse quelque chose qui nous aime inconditionnellement, et qui entoure chacun de nos gestes.

La perception de cet Amour universel conduit à reconsidérer notre manière d’aborder le monde. Petit à petit, nous comprenons que le monde est parfait, et que tout, y compris le moindre de nos actes, est utile à sa marche ordonnée. Nous dépassons alors l’illusion du bien et du mal, les fausses attentes, et l’impression que les choses pourraient être autrement.

Les faux espoirs disparaissent pour laisser place à l’espérance et à l’acceptation des choses telles qu’elles sont. La culpabilité et l’inquiétude s’estompent devant le constat que tout est à sa juste place.

Lire aussi : Le mal existe-t-il ?

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Modif. le 17 mars 2024

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