Yi King : définition, signification et explication. Comment interpréter le Yi King et ses 64 hexagrammes ? Quel lien avec le tao, le yin et le yang ?
Joyau de la culture universelle datant du premier millénaire avant J-C, le Yi King (ou Ji King : « Livre des transformations » ou « Classique des changements ») est un classique chinois composé des commentaires de 8 trigrammes et 64 hexagrammes formés de lignes brisées ou continues.
C’est à l’origine un traité de divination qui s’est progressivement enrichi de commentaires plus profonds pour arriver à un traité philosophique et cosmologique décrivant le phénomène des mutations et leur sens.
Le Yi King relève à la fois :
- de la pensée taoïste, car profondément influencé par les concepts du yin et du yang, par l’idée du changement perpétuel et d’harmonie avec le tao (la Grande source, la Voie),
- de la pensée confucianiste : le Yi King a été adopté et commenté par les confucianistes et Confucius lui-même, ce qui en a fait un outil de sagesse morale et politique. A noter que le Yi King fait partie des Cinq Classiques du confucianisme.
Le Yi King véhicule un équilibre dynamique, avec le mouvement et la transformation comme principes fondamentaux. Il s’agit de comprendre et de dépasser la dualité pour rechercher l’harmonie et l’unité dans le monde et en soi-même.
Tentons de comprendre le Yi King.
Yi King : explication et signification
Contrairement aux autres traités « king » (Tao Te King par exemple), le Yi King a été élaboré sur la base de l’expérimentation et de l’observation de la Nature, ce qui a donné lieu à une série d’enseignements transmis d’abord oralement par les sages.
Le Yi King est ensuite devenu un véritable « livre » par l’ajout progressif de commentaires accompagnant les 64 hexagrammes tout au long du Ier millénaire avant J-C. Ces commentaires ont été définitivement fixés en 183 de notre ère. A l’origine support de divination, le Yi King a ainsi pris la forme d’un traité philosophique et métaphysique, d’inspiration confucéenne.
Présentation du Yi King
Le Yi King est un ouvrage qui comporte 64 parties composées chacune d’un idéogramme (xing), d’un nom (ming) et d’un commentaire ésotérique nécessitant interprétation.
Chaque idéogramme est composé de lignes continues ou brisées :
- les lignes continues sont associées au yang ainsi qu’aux chiffres impairs,
- les lignes brisées sont associées au yin ainsi qu’aux chiffres pairs.
A l’origine, et dans une perspective divinatoire et oraculaire, la ligne continue signifiait « oui » et la ligne brisée « non ».
On distingue en fait deux types d’idéogrammes :
- les 8 trigrammes (gua), composés de trois lignes (yao) : ces trois lignes représentent les Trois Trésors ou les Trois Couches de l’univers : le Ciel, la Terre et l’Homme. Les trigrammes représentent différentes dynamiques énergétiques, différents évolutions vers le bas, vers le haut ou vers l’harmonie. Ce sont :
- le Ciel (qián) : énergie yang à l’état pur (force supérieure créatrice, esprit),
- la Terre (kūn) : énergie yin à l’état pur (matière réceptrice et passive),
- le Vent (xùn) : énergie insaisissable du changement constant (douce pénétration),
- le Tonnerre (zhèn) : énergie traduisant un choc soudain (changement, éveil),
- le Feu (lí) : énergie yang évoquant une clarté (oscillation et adaptation),
- l’Eau (kǎn) : énergie yin évoquant une profondeur cachée (danger),
- la Montagne (gèn) : énergie qui traduit un aboutissement (immobilisation),
- le Lac ou la Brume (duì) : énergie positive de l’Eau (joie, tranquillité),
- Les hexagrammes, portant les numéros 1 à 64, sont chacun composés de six lignes. Ils associent deux trigrammes et correspondent chacun à un objet, une situation, une qualité, une émotion, une relation, une dynamique. A chaque hexagramme est attribué un « jugement », c’est-à-dire une interprétation de type « fortune » ou « infortune ». Chaque jugement exige un comportement approprié.
Voici les huit trigrammes du Yi King :
Voici le tableau des 64 hexagrammes du Yi King :
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Exemple de lecture et d’interprétation d’un hexagramme
Un hexagramme se lit du bas vers le haut. Il est composé de six lignes numérotées de 1 à 6 en partant du bas. Il se compose de deux trigrammes, dont l’étude mène à une interprétation particulière.
Prenons par exemple l’hexagramme n°35, appelé « Le Progrès ».
Cet hexagramme est composé des deux trigrammes Terre et Feu. On peut y voir le Soleil qui s’élève au-dessus de la Terre, ce qui traduit une expansion, une clarté ou encore une purification de la nature de l’Homme.
Yi King, tao, yin et yang
Le Yi King se fonde sur le principe du tao (la « grande source », la vacuité) qui se décline en yin et yang :
- le yang (blanc) évoque l’unité, la cohérence, l’identité,
- le yin (noir) évoque la différenciation.
Yin et yang ont besoin l’un de l’autre pour fonder le monde : ils sont interdépendants, leurs énergies se complètent et alternent. C’est la raison pour laquelle les cycles et les mutations caractérisent toute chose, tout individu, tout phénomène.
En résumé, le tao exprime un changement permanent, c’est-à-dire une impermanence permanente : ce paradoxe donne naissance à toutes les manifestations et combinaisons décrites par le Yi King.
Yi King, mutations et divination
On l’a compris, le Yi King s’intéresse plus à la transformation des choses qu’à leur essence.
Ainsi, un hexagramme est destiné à en devenir un autre. Une ligne yin peut devenir yang, et vice-versa. Plus précisément, un yang à son apogée pourra devenir un jeune yin, et un yin à son paroxysme pourra se transformer en jeune yang. Dans d’autres cas, les énergies présentent une tendance à la stabilité.
Dans le cadre d’une pratique divinatoire, par exemple à travers le lancer de pièces de monnaie, certaines lignes prennent une caractéristique mutante, c’est-à-dire en transition entre yin et yang. On les signale alors par un cercle ou une croix inscrite sur la ligne. Cela conduit à la formation et à l’interprétation d’un nouvel hexagramme.
Concrètement, lorsqu’on utilise trois pièces de monnaie pour obtenir un hexagramme, les traits sont déterminés ainsi (sachant que la valeur face de la pièce est 3, que sa valeur pile est 2, et que l’on procède à six lancers) :
Somme des pièces | Type de trait | Nature |
---|
6 | ⚋ (trait brisé mutant) | Vieux Yin (se transforme en Yang) |
7 | ⚊ (trait plein) | Jeune Yang (stable) |
8 | ⚋ (trait brisé) | Jeune Yin (stable) |
9 | ⚊ (trait plein mutant) | Vieux Yang (se transforme en Yin) |
A noter que de nombreux sites en ligne proposent des tirages de Yi King.
Essentiel au départ, le côté divinatoire du Yi King est passé au second plan mais n’a jamais disparu. Aujourd’hui encore, les devins se réfèrent au Yi King.
En réalité, la divination est l’esprit même du Yi King. En effet, la compréhension du mouvement des choses mène à saisir le passé et à prédire l’avenir. La divination devient alors un quasi-science.
Le Yi King : interprétation, sens et utilité
Le Yi King questionne les énergies qui animent le cosmos en général et notre esprit en particulier. La compréhension de ces mouvements énergétiques doit permettre de vivre en harmonie avec la Nature et d’inscrire notre action dans l’ordre des choses : c’est l’objectif principal du Yi King.
En premier lieu, le Yi King permet d’approcher les grandes lois cosmiques à travers les notions de yin et de yang, de séparation et de rassemblement, de dualité et d’unité, de mouvement et de stabilité. Il éclaire la loi de causalité, la loi des cycles ou encore la loi d’amour.
En second lieu, le Yi King est un moyen privilégié d’accès à l’inconscient. Pour Carl Gustav Jung, fondateur de la psychologie analytique, la pratique divinatoire du Yi King peut permettre de faire l’expérience de synchronicités : le tirage fait naître des « signes » qui apparaissent spontanément à notre conscience, révélant le contenu de nos profondeurs psychiques.
Le Yi King est donc un support de connaissance de soi qui peut conduire à une prise de conscience, à une révélation intime, à une reprogrammation de nos croyances, à un changement d’état. Il devient alors un outil thérapeutique qui permet de dépasser nos peurs, nos traumas et nos limites.
Parallèles symboliques
Objet symbolique par excellence, le Yi King évoque directement ou indirectement d’autres éléments ou symboles, par exemple :
- les chakras (dans le yoga, centres énergétiques activés par l’éveil de la kundalini),
- le pair et l’impair,
- l’hexagone,
- le chiffre 8 et le nombre 64,
- l’ADN, le langage, le code, la programmation, le plan, la trame divine…
- ou encore le drapeau de la Corée du Sud, avec en son centre un cercle bleu et rouge représentant le yin et le yang, complété de quatre trigrammes noirs représentant l’équilibre et l’harmonie (Ciel, Terre, Feu et Eau).
Conclusion
Le Yi King constitue un remarquable support pour l’étude des changements affectant le monde et l’analyse des rapports existant entre les différents phénomènes de l’univers. Il met en évidence les réalités invisibles qui président à la marche cosmique.
Il éclaire les notions d’énergie, de causalité, d’interdépendance ou encore de vacuité. Il décrit l’oeuvre du souffle (chi) au sein de l’univers.
Sur le plan intérieur, le Yi King éclaire notre fonctionnement psychique et améliore notre rapport au monde. Il invite au discernement, à l’action juste et à l’acceptation de notre destin.
Pour aller plus loin :

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Modif. le 7 février 2025