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L’équerre et le compas : disposition en loge

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L’équerre et le compas : comment ces outils sont-ils disposés en loge au trois premiers degrés ? Quel symbolisme ? Interprétation.

Indissociables, l’équerre et le compas sont communs à tous les rites maçonniques. Leur symbolisme est particulièrement riche et peut donner lieu à des interprétations infinies, en lien avec le sceau de Salomon, l’étoile flamboyante ou encore la lettre G.

On peut voir dans ce double-symbole l’image de l’homme debout, éveillé, qui a réussi à harmoniser toutes ses composantes :

  • l’équerre, outil de contrôle, représente la matière ordonnée, géométrique : c’est l’homme qui se connait lui-même, qui a mis à distance ses passions et qui pense de manière rationnelle,
  • le compas représente le domaine de l’esprit, de la spiritualité, au-delà de toute dualité : c’est l’homme qui accède à l’Unité, qui comprend la grande loi d’Amour. Rappelons-le, le compas permet de tracer le cercle, figure parfaite qui ne comporte aucune différenciation, à l’inverse du carré. Le cercle évoque l’unité, l’harmonie, l’infini.

Associés, l’équerre et le compas représentent un idéal spirituel : à la fois celui d’une matière spiritualisée et d’une spiritualité matérialisée, concrète.

Au-delà de ces considérations, la disposition de l’équerre par rapport au compas a aussi son importance. En effet, la position des instruments varie en fonction du degré :

  • au premier degré, l’équerre est placée sur le compas,
  • au second degré, l’équerre et le compas sont entrelacés,
  • au troisième degré, le compas est placé sur l’équerre.

Pourquoi ces différences d’un degré à l’autre ? Comment les interpréter ?

Tentons de percer les secrets de la disposition de l’équerre et du compas en loge.

Une interprétation simpliste de la disposition de l’équerre et du compas en loge pourrait amener à considérer que la matière domine la vie de l’apprenti, alors que le maître évolue dans le domaine de l’esprit.

Une analyse plus précise amène à considérer trois niveaux du travail sur soi :

  • au premier degré, le travail se fait sur la matière, c’est-à-dire sur le corps, sur soi-même. L’apprenti taille sa pierre : il accomplit un effort d’introspection qui aboutit à une mise à distance des éléments impurs. C’est l’étape première, fondamentale, qui permettra d’aller plus loin au contact des autres et du monde,
  • au deuxième degré, le travail se fait autant sur soi-même que dans le monde : le compagnon découvre l’altérité, il travaille à trouver sa place dans la société, il insère sa pierre dans l’édifice,
  • au troisième degré, le maître prend conscience du plan et des grandes lois cosmiques. Il acquiert une vision globale, il entre dans le domaine de la spiritualité.

Ainsi, le travail se fait à trois niveaux : connaissance de soi, intégration au monde et spiritualité.

A ce titre, l’équerre suggère un ordonnancement intime, fondamental à tout niveau de la démarche :

  • elle apparait au premier plan au premier degré,
  • elle est combinée au compas au deuxième degré,
  • elle soutient le compas au troisième degré.

Quant au compas, il représente ce qui encore inconnu (en arrière-plan) au premier degré, ce qui se révèle progressivement au deuxième degré, et ce qui apparaît clairement au troisième degré. C’est l’objet ultime de la quête.

La gradation dans la disposition des instruments rappelle les trois étapes alchimiques :

  • l’Oeuvre au noir (Nigredo) consiste en une séparation, une dissolution ou une putréfaction : il s’agit de dissoudre le corps afin de libérer l’âme de son influence. Il s’agit encore d’abandonner ou de mettre à distance tout ce qui nous enchaînait à notre individualité matérielle : les passions, les pulsions, les désirs, les peurs, les ambitions… L’ego étant mort, les scories étant rejetées, la pierre devient cubique, géométrique, conforme à l’équerre. L’homme devient rationnel, équilibré ; il est conscient de sa nature profonde,
  • l’Oeuvre au blanc (Albedo) est le résultat direct de l’Oeuvre au noir. Cette étape marque l’émergence de la conscience pure, telle la blanche Lune apparaissant au milieu des ténèbres. C’est la résurrection de l’être, la naissance d’un individu lucide, allégé du corps, de l’orgueil et de l’ego. Cette étape se solde par une redescente dans le corps : l’individualité revient, mais sous une forme plus subtile. Cette nouvelle manière d’exister, c’est celle du compagnon qui, actif dans l’édifice, se met au service des autres. Parce qu’il a travaillé sur lui-même (par l’équerre), le compagnon peut à présent s’éveiller aux autres. Il accède peu à peu à la compréhension globale et au sens de la vie : c’est le domaine du compas,
  • l’Oeuvre au rouge (Rubedo) vient clôturer le processus : c’est la formation de la Pierre philosophale, le couronnement de l’individu qui a réussi à se transformer, à se transcender. L’individu évolue désormais dans le domaine de la spiritualité, de l’Unité, de l’universel (le compas). Il s’est définitivement connecté à la fois à lui-même et au cosmos.

La disposition de l’équerre et du compas rappelle encore le symbolisme des trois grands luminaires :

  • la Lune : c’est le symbole de l’âme duale, changeante, une invitation à la connaissance de soi (équerre au premier plan),
  • le Delta : c’est le symbole du ternaire, image de l’union entre dualité et unité (compas et équerre entrelacés),
  • le Soleil : c’est le symbole de l’unité cosmique, de la Grande Loi (compas au premier plan).

Enfin, la position successive des instruments aux trois degrés peut éclairer le rapport entre raison et intuition. En effet :

  • la première étape du travail maçonnique consiste à abandonner les passions pour la raison (symbolisée par l’équerre),
  • la deuxième étape consiste à laisser émerger l’intuition (le compas), mais une intuition associée et contrôlée par la raison,
  • la dernière étape consiste à libérer tout le pouvoir de l’intuition, laquelle reste sous-tendue par la raison.

Pour rappel, la raison est du domaine de la logique : elle relève du discours fondé sur des concepts, donc sur la dualité qui sépare et compare. Au contraire, l’intuition a tendance à jeter des ponts, à saisir globalement : elle est un chemin qui mène à l’unité.

La quête de la Vérité commence par une introspection. Cette plongée en soi provoque un alignement et une purification intimes, symbolisés par l’équerre. La quête peut ensuite se faire vers le haut, vers les plus hautes réalités, vers le domaine du compas.

Ainsi, équerre et compas sont indissociables, comme les deux faces d’une même pièce. Un effort porté sur l’équerre (le travail sur soi) fera surgir les vérités cosmiques (le compas). Dans l’autre sens, l’étude des lois cosmiques (le compas) ne peut se faire que sous-tendue par l’équerre, sauf à risquer de replonger dans l’erreur.

A ce titre, le compas ne doit pas être considéré comme supérieur à l’équerre. Le compas n’est rien d’autre qu’une équerre sublimée. L’équerre, quant à elle, peut être vue comme un compas en puissance.

Au final, l’équerre et le compas associés permettent de passer du carré au cercle, comme une réponse au célèbre problème de la quadrature. Ces deux instruments ouvrent grand la voie symbolique qui permettra peut-être de percer les plus grands Mystères de l’univers…

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Modif. le 14 septembre 2025

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