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Les grenades : un symbole maçonnique

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Les grenades et leur symbolisme maçonnique : comment les interpréter ? Que signifient les grenades, et pourquoi les retrouve-t-on sur les colonnes ?

La grenade est le fruit du grenadier, un arbuste originaire d’Asie centrale. Le nom de grenade vient du latin granatus qui signifie « abondant en grains ».

La grenade est une baie ronde, à écorce dure et coriace, de couleur brune-rouge ou jaune-beige, qui renferme dans des « loges » délimitées par des cloisons épaisses de nombreuses graines alignées en colonnes. Dans chaque loge, la graine est enrobée d’une pulpe juteuse et transparente de couleur souvent rouge, plus ou moins sucrée et acide, et qui constitue la partie comestible de la grenade.

A l’extérieur, la grenade est surplombée d’une sorte de couronne qui a inspiré de nombreuses couronnes royales. La grenade est le fruit des Rois, et aussi le roi des fruits.

A l’entrée de certains temples maçonniques, trois grenades sont représentées sur les chapiteaux des deux colonnes placées à l’entrée.

Entrons dans le symbolisme des grenades.

1) Les grenades : un symbolisme qui a traversé le temps et les civilisations

Beaucoup de peuples ont vu dans le symbolisme des grenades l’amour, la fertilité et la prospérité :

  • À Java, elle est associée à certains rites accompagnant la grossesse.
  • En Chine, la coutume veut qu’on offre une grenade aux nouveaux époux en guise de promesse d’une nombreuse descendance.
  • Les Grecs la considéraient comme le symbole de la fertilité ; elle était dédiée à la déesse des origines et de la beauté, Aphrodite, et à Héra, déesse du mariage, épouse de Zeus dont une remarquable statue de bronze tenant une grenade à la main est au Musée du Pirée. Ce fut aussi l’un des attributs de Dionysos. Le premier grenadier est censé avoir été planté par Aphrodite, et Hadès, le dieu des Enfers.
  • Hippocrate recommandait le jus de la grenade contre la fièvre et comme fortifiant contre la maladie.
  • Elle fut introduite en Andalousie dans le courant du VIIIe siècle par les Musulmans venus du Maroc. La ville de Grenade, fondée au Xe siècle, lui doit son nom.

Pour les mystiques de l’islam, la grenade symbolise l’union avec le divin. En s’inspirant d’un élément de la tradition coranique qui dit que, dans chaque grenade, se trouve un grain provenant directement du paradis, les soufis font de ce fruit le lien entre l’amant et l’aimé, c’est-à-dire la personne mystique et le divin. La grenade revient souvent dans la poésie mystique soufie, toujours comme témoin du moment où le derviche se fond dans l’unité de Dieu. Elle est la connexion directe à l’essence divine à travers l’extinction de l’ego (fana’), elle est le « fruit de la Vérité de la Certitude », fruit qui guérit de la maladie de se croire séparé de cette Vérité.

Dans la religion catholique, la grenade est un des symboles de la résurrection. Elle apparaît dans un symbole chrétien représenté sur de nombreuses tapisseries du Moyen-Âge, par exemple la chasse à la licorne. Seules de jeunes vierges peuvent parvenir à attraper ces animaux mythiques et à les attacher à un arbre : le grenadier. Les licornes semblent saigner, mais ce sont en fait des grains de grenade qui ont tâché leur pelage immaculé. Cet appareil symbolique complexe représenterait la nature divine du Christ (la licorne) qui ne peut être incarnée que par la Vierge (les jeunes filles) et ne pourra vraiment se révéler que par la résurrection (la grenade).

La Bible fait plusieurs fois référence aux grenades. On voit dans l’Exode qu’elles étaient utilisées comme décoration sur les robes des prêtres du peuple Hébreux.

La grenade fut utilisée comme décoration pour le temple de Salomon, élevé par Hiram :

« Il coula les deux colonnes de bronze ; la hauteur d’une colonne était de dix-huit coudées et un fil de douze coudées en mesurait le tour ; de même la seconde colonne.
Il fit deux chapiteaux coulés en bronze destinés au sommet des colonnes […]
Il fit deux treillis pour couvrir les deux tores des chapiteaux qui étaient au sommet des colonnes […]
Il fit les grenades : il y en avait deux rangées autour de chaque treillis, et de même l’autre chapiteau.
Les chapiteaux qui étaient au sommet des colonnes étaient en forme de fleurs. En tout quatre cents, appliquées contre le noyau qui était derrière le treillis ; il y avait deux cents grenades autour d’un chapiteau,
Il dressa les colonnes devant le vestibule du sanctuaire ; il dressa la colonne de droite et lui donna pour nom : Yakîn ; il dressa la colonne de gauche et lui donna pour nom : Boaz.
Ainsi fut achevée l’oeuvre des colonnes. » Premier Livre des Rois 7 ; 15 – 22

Ainsi, ce sont en tout 400 grenades qui couronnent les colonnes placées à l’entrée du temple de Salomon. 200 grenades surplombent Jakin (rouge, masculin, rigueur) et 200 autres surplombent Boaz (blanc, féminin, miséricorde).

Il est intéressant de noter qu’en hébreux, la lettre Tav représente le chiffre 400, et représente la globalité, la vérité, l’aboutissement et la perfection de la création.

Les grenades jaillissent donc de deux colonnes (creuses) qui peuvent être vues comme des éléments fondateurs médians entre le ciel et la Terre. Elles se fondent sous un signe de dualité.

Dans la Kabbale, Kether, qui signifie couronne, est la première Sephira (chaque Sephira est l’émanation d’une énergie du Dieu Créateur). Les traités de Kabbale présentent souvent les Sephiroth sous la forme d’un Arbre de Vie, au somment duquel se trouve la couronne Kether, ce qui n’est pas sans rappeler les grenades au sommet des colonnes.

Kether est relié au nombre 1, c’est-à-dire l’unité, l’union, le Tout, la pure conscience, Dieu, ou encore la Source, l’Emanation.

De manière plus générale, selon les Kabbalistes, en tout être humain se trouve une étincelle divine, souvent prisonnière d’une sorte de coquille extérieure, non comestible, donc symbole du mal, ce qui n’est pas sans rappeler l’écorce de la grenade, ou encore l’acronyme VITRIOL : Visita Interiora Terrae Rectificandoque Invenies Occultum Lapidem (Visite l’intérieur de la terre et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée).

2) Le symbolisme des grenades et la condition du franc-maçon

S’il fallait représenter la franc-maçonnerie par un fruit et un seul, la grenade serait certainement le meilleur choix. La couleur rouge du jus de la grenade évoque le sang, et aussi le Cœur, symboles de l’Amour et de la Fraternité. Nous sommes Frères et partageons le même sang, la même condition humaine, la même destinée.

Le jus sanguin est aussi peut-être celui du parjure, qui jaillit quand la fraternité est souillée. On peut y voir aussi le sang du Christ, qui est le sang de l’alliance, répandu pour le pardon des péchés.

La grenade évoquerait donc un coeur-athanor, incarnation de l’amour divin et de la charité. La couleur rouge évoque aussi le passage par le feu, qui du point de vue alchimique, permet de fixer le volatil, de vitrifier l’altérable. Le passage par le feu est une étape de l’initiation maçonnique.

Le rouge est encore synonyme d’ardeur et de courage, de dynamisme, valeurs positives pour peu qu’elles soient bien maîtrisées par le franc-maçon.

L’imbrication des pépins, leur cohésion, évoque la loyauté, les forts liens existants entre les « Soeurs » et « Frères », ou les loges distinctes d’une obédience. Chaque graine peut être vue comme un franc-maçon, unique dans son identité, mais fort lié à ses frères dans une seule famille, la prospérité de celle-ci étant une conséquence directe de cette union.

La grenade peut encore être vue comme un microcosme : un univers en miniature.

Le symbolisme de la grenade évoque aussi la fertilité grâce au nombre de graines que son coeur contient. On peut y voir le signe d’une abondance, d’une fertilité spirituelle.

L’écorce de la grenade (qui est l’écorce la plus dure de tous les fruits connus) protège ses graines à l’image d’une mère nourricière qui protège et élève sa progéniture. Ce qui semblerait indiquer que notre état de conscience, de moralité et de connaissance est limité, et que ce n’est que dans l’Amour que nous pouvons progresser.

Au final, la grenade montre que l’apprenti a accédé à une nouvelle naissance après avoir germé dans les entrailles du cabinet de réflexion ; on peut discerner dans l’infinité des grains l’image d’être semblables venus frapper un jour à la porte du Temple.

3) De la multitude à l’unité

La forme sphérique de la grenade n’est pas sans rappeler la forme de notre planète.

Les pépins sont enfermés dans le fruit, de la même manière que nous sommes « prisonniers » de notre Monde, de notre condition d’humain. Nous ne pouvons nous écarter durablement de notre Terre ; notre compréhension de l’Univers est terriblement limitée.

Nous sommes condamnés à vivre ensemble, à nous frotter les uns aux autres. A ce titre nous sommes égaux face aux grandes questions et épreuves de la vie, face à la mort. Chaque pépin renferme en lui le code génétique capable de générer une nouvelle grenade. Par analogie, il semble que chaque individu renferme en lui la clé du Tout et de la compréhension du Monde.

Si chaque individu est potentiellement le Tout, alors la division du principe universel et créateur en différentes individualités est une illusion. Nous sommes l’autre, nous sommes tous unis en un seul. Mais alors quelle est notre identité, comment peut-on définir notre personnalité ?

Selon certaines croyances, notre personnalité ne prend pas sa source en nous. Elle se construirait sur un fondement de relations et de situations. Essayons de comprendre le tissu des interactions personnelles qui ont fait celui que chacun de nous est aujourd’hui. Chaque personne que nous avons croisé dans notre vie (famille, amis, connaissances, enseignants, collègues, etc) a interagi avec nous et nous a influencé. De même, afin de comprendre toutes ces personnes et le genre d’influence qu’elles ont pu exercer sur nous, nous devons savoir qui ELLES sont : il nous faudrait ainsi décrire le tissu de relations qui entoure chacune de ces personnes. Au final, pour définir une seule personne, il est nécessaire de décrire la totalité de l’Univers.

Par conséquent « nous sommes l’autre ». En effet, sans l’autre nous n’existerions pas ; notre âme est le reflet de toutes les âmes. Chaque être humain est l’infini, considéré à partir d’un point de vue spécifique et localisé. Notre âme est la partie de nous qui est en même temps universelle et individuelle. C’est sans doute ici que se cache la force du symbolisme des grenades.

Voir aussi notre article : Unité et dualité.

Conclusion sur le symbolisme des grenades

Dans le commentaire du 37ème couplet du Cantique spirituel, Jean de la Croix donne une très belle description symbolique des grenades :

« Les grenades représentent les plus hauts mystères de Dieu, ses plus profonds jugements et ses plus sublimes grandeurs. Les grains de la grenade sont le symbole des effets innombrables des perfections divines. Leur figure ronde exprime l’éternité de Dieu, qui n’a, comme le cercle, ni commencement, ni fin. Le jus de la grenade signifie la jouissance que l’âme a, par sa connaissance et par son Amour, de la nature et des attributs de Dieu. »

Voir aussi :

Pour aller plus loin :

Les essentiels du deuxième degré maçonnique couverture

Ce livre numérique pdf (100 pages) comporte 27 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du second degré maçonnique.

Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.

Modif. le 26 février 2024

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