Babylone : pourquoi symbolise-t-elle le péché ? Pourquoi cette ville est-elle associée au vice et à la corruption dans la Bible ? Quel rapport avec notre société actuelle ?
Dans l’Histoire et la culture judéo-chrétienne, Babylone est le symbole de la grandeur et de la décadence.
Fondée il y a plus de 4000 ans en Mésopotamie et éteinte au début de notre ère, Babylone était le centre de l’Empire babylonien. La cité est souvent associée à des réalisations architecturales impressionnantes comme la Tour de Babel et les Jardins suspendus, l’une des sept Merveilles du monde. Elle symbolise également l’avancée du savoir, notamment en droit (code d’Hammurabi), en mathématiques et en astronomie.
L’historien grec Hérodote (480-425) est celui qui décrit le mieux le faste et la grandeur de la cité mésopotamienne. Babylone atteint son apogée durant le règne de Nabuchodonosor II (605 à 562 avant J.-C.), roi connu dans la Bible pour avoir conquis Jérusalem et détruit le Temple de Salomon.
Précisément, dans la Bible, Babylone apparaît comme l’opposée de Jérusalem. Elle est le symbole de la corruption et de l’oppression, notamment dans le Livre de l’Apocalypse où elle est appelée « Babylone la Grande, la mère des prostitutions et des abominations de la Terre ».
Ainsi, Babylone incarne à la fois les progrès et les excès de l’humanité : l’Homme, par sa puissance, finit par tomber dans la démesure. Il croit maîtriser la matière mais se révèle incapable de se maîtriser lui-même. Illusionné et perverti, il rejette Dieu et se crée de fausses idoles.
A noter que les mots Babylone et Babel pourraient dériver de la racine hébraïque blbl, qui signifie « confondre » : Babylone symbolise en effet la confusion des valeurs, autrement dit l’erreur, l’illusion de l’Homme qui se complaît dans la matière.
Entrons dans la signification symbolique de Babylone, la ville du péché.
Babylone : la ville du péché
Dans la culture religieuse et populaire, Babylone représente les vices attachés à la nature humaine. La cité est souvent associée aux sept péchés capitaux : orgueil, avarice, luxure, gourmandise, colère, envie, paresse.
Babylone symbolise encore :
- l’industrie, le commerce, la surconsommation,
- la pollution,
- les métaux,
- le divertissement, la débauche, la licence (liberté de faire ce que l’on veut),
- l’avidité, la cupidité, le lucre,
- le luxe et les apparences,
- le mensonge,
- la puissance, les armes, la guerre,
- la brutalité, la violence,
- la sexualité débridée, la dépravation, la perversion, la pornographie, la prostitution,
- la corruption,
- l’hybris (la démesure),
- ou encore la déconnexion et la domination sur la Nature, à l’image des jardins suspendus de Babylone, symboles d’une nature domptée et artificialisée.
A ce titre, Babylone peut, par certains aspects, être associée à la civilisation occidentale, au capitalisme et plus particulièrement à des villes comme Dubaï, New-York, Los Angeles ou Las Vegas, cette dernière étant parfois surnommée Sin City (la ville du péché).
Remarque : dans le film L’associé du diable, New-York apparaît comme une Babylone froide et impitoyable, où les valeurs sont inversées.
Les premiers chrétiens ont vu dans Babylone l’image de la Rome impériale et du paganisme. Certains réformateurs protestants l’ont associée à l’Eglise catholique pervertie.
Au-delà du vice, Babylone représente l’oppression et l’injustice : un monde sans paix et sans morale, déshumanisé, où tout est à vendre, y compris les corps et les âmes.
C’est encore un monde de souffrance et de solitude, comme dans l’opéra rock Starmania ou la chanson Baby alone in Babylone de Serge Gainsbourg. La grande ville reflète un monde froid, cruel et indifférent dans lequel l’Homme, pourtant créé innocent, s’est perdu.
Au final, Babylone peut être associée au Diable, c’est-à-dire à la domination de l’Homme par lui-même et ses plus bas instincts.
Babylone, symbole de la matière contre l’Esprit
Babylone représente le décentrage, la rébellion contre Dieu ou encore l’idolâtrie. L’Homme décentré vénère Satan sans le savoir, car le diable se cache sous de faux habits de lumière et de progrès.
Babylone symbolise donc l’oubli de notre véritable nature : elle figure l’ignorance spirituelle fondée sur la méconnaissance des autres et de soi-même. Elle est la négation de toute vie spirituelle.
Babylone dans l’Ancien Testament
Babylone est citée plusieurs fois dans l’Ancien testament et la Torah. C’est avant tout un lieu d’exil : en effet, après les défaites militaires, la chute de Jérusalem (587 avant J-C) et la destruction du Temple de Salomon par les troupes de Nabuchodonosor II, une large partie de la population juive est déportée à Babylone.
En réalité, cet exil est voulu par Dieu : le peuple d’Israël s’étant éloigné des commandements divins, les injustices et la corruption se sont développées. De fait, Jérusalem a pris le chemin de Babylone : Dieu a donc planifié la déportation réelle des Juifs vers Babylone.
Toutefois, les années d’exil permettent au peuple juif de se refonder spirituellement. En parallèle, les prophètes annoncent à plusieurs reprises la chute de Babylone. En 539 avant J-C, Dieu décide enfin de soumettre la cité à l’occasion de sa conquête par les Perses.
Babylone dans le Nouveau Testament
Babylone est ainsi décrite dans le livre de l’Apocalypse (Nouveau testament) :
1- L’un des sept anges aux sept coupes vint me parler : « Viens, dit-il, je vais te montrer ce que sera la condamnation de la grande prostituée assise au bord des grandes eaux.
2- Les rois de la terre se sont prostitués avec elle, et ceux qui habitent la terre se sont enivrés du vin de sa prostitution. »
3- Il me transporta en esprit au désert. Et j’ai vu une femme assise sur une bête écarlate qui était couverte de noms blasphématoires et qui avait sept têtes et dix cornes.
4- Cette femme était vêtue de pourpre et d’écarlate, toute parée d’or, de pierres précieuses et de perles ; elle avait dans la main une coupe d’or remplie d’abominations, avec les impuretés de sa prostitution.
5- Il y avait sur son front un nom écrit, un mystère : « Babylone la Grande, la mère des prostitutions et des abominations de la terre. »
6- Et j’ai vu la femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus.
Ici, le thème de la prostitution évoque l’aspect séducteur du vice, notamment à travers les plaisirs matériels et charnels.
Babylone et la tour de Babel
Dans le livre de la Genèse, après la colère du Déluge, les hommes décident de bâtir une nouvelle ville et « une tour dont le sommet touche au ciel », ceci pour se faire un nom et éviter leur dispersion. Cette tour concurrence Dieu, et le « nom » dont il est question a vocation à remplacer le nom ineffable de Dieu.
Dieu décide alors de confondre les langages et de disperser les hommes. Ce faisant, il les punit et les empêche de s’allier pour se mesurer à lui. On peut aussi penser qu’il les protège contre eux-mêmes, contre l’avènement d’un totalitarisme mondial.
On sait que Babylone était dotée d’une tour haute, certainement une ziggurat (édifice religieux à étages).
Babylone, miroir de notre société actuelle
Babylone évoque le règne de la matière et les plus bas instincts de l’Homme. Elle rappelle par certains aspects les caractéristiques de notre société occidentale fondée sur le libéralisme, l’individualisme, la finance, le matérialisme et l’exploitation, mais aussi sur le divertissement et les plaisirs.
Marquée par la démesure, notre société connaît un développement hors-sol, centré sur les villes et leurs quartiers d’affaires triomphants. L’Homme occidental déploie son ambition et son désir de conquête dans toutes les directions, jusqu’à l’espace. La spiritualité passe au second plan, la Nature est écrasée, Dieu est oublié : l’Homme se considère comme le maître absolu de tout.
Les dérives de la civilisation occidentale annoncent sa chute prochaine : le changement climatique en cours peut être vu comme la promesse d’un nouveau déluge.
Conclusion
Antonyme de la Jérusalem céleste, Babylone représente la corruption de l’Homme qui débouche sur un monde froid, violent, injuste, chargé de souffrance, déserté par l’amour.
L’alliance est rompue. La cité babylonienne figure une double décadence : décadence morale au moment de son apogée, décadence concrète lors de son déclin final. En fait, Babylone n’était qu’une illusion présente dans l’esprit de l’Homme corrompu : elle était vouée à l’effondrement car fondée uniquement sur des valeurs temporelles.
Babylone est-elle l’autre nom de Satan ? La cité incarne effectivement tout ce qui fait obstacle à Dieu et à la vérité, à savoir la matière, l’ignorance ou encore le pouvoir de l’ego. Mais il ne faut pas oublier que Satan, créature déchue, a été créé par Dieu lui-même. Satan comme Babylone peuvent alors être vus comme les instruments de la colère divine qui s’abattent sur ceux qui refusent de comprendre.
L’orgueil et l’arrogance finissent toujours par se recontourner contre ceux qui les incarnent : Babylone est une leçon pour les êtres décentrés, un moyen qui leur est donné de réaliser l’étendue de leur ignorance.
Pour aller plus loin :

Qu’est-ce que la spiritualité ? Quel est le but à atteindre ? En quoi consiste la méthode spirituelle ? Quel lien avec la philosophie ?
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Modif. le 20 juin 2025