Que notre idéal inspire notre action dans le monde profane : interprétation au REAA. Que recouvre l’idéal maçonnique ? Comment poursuivre au-dehors l’oeuvre commencé dans le Temple ? Voici une planche au 1er degré.
C’est au moment de la chaine d’union, juste avant de rompre celle-ci, que le Vénérable Maître évoque l’idéal maçonnique, idéal qu’il s’agira de porter hors du Temple :
Mes Frères, bien au-dessus des soucis de la vie matérielle, s’ouvre pour le Franc-maçon, le vaste domaine de la pensée et de l’action.
Rituel du Premier degré REAA
Avant de nous séparer, élevons-nous ensemble vers notre Idéal. Qu’il inspire notre conduite dans le monde profane, qu’il guide notre vie, qu’il soit la Lumière sur notre chemin.
Mes Frères, éprouvons, puis ouvrons la Chaîne.
Puis, au moment de clôturer les travaux, le Vénérable Maître appelle une fois de plus à transposer le bénéfice des travaux en loge vers le monde profane :
Que la Lumière qui a éclairé nos Travaux continue de briller en nous pour que nous achevions au-dehors l’œuvre commencé dans le Temple, mais qu’elle ne reste pas exposée aux regards des profanes.
Notre idéal maçonnique doit donc continuer à inspirer notre action dans le monde profane. Mais l’idéal dont il est ici question n’est pas décrit précisément. Il peut renvoyer :
- aux valeurs de l’idéalisme philosophique : le Beau, le Bien, le Vrai et le Juste,
- aux valeurs spirituelles : la vérité, la sagesse, la sérénité, l’espérance, l’amour,
- aux valeurs chevaleresques : la force, la tempérance, la persévérance, la Justice,
- aux valeurs de la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité,
- ou encore à la valeur maçonnique fondamentale qu’est le travail.
On pense bien sûr aux trois piliers Sagesse, Force et Beauté, qui forment en quelque sorte le triangle des vertus maçonniques. Au moment de la clôture des travaux, ces trois piliers sont associés aux valeurs de Paix, d’Amour et de Joie.
On remarquera que certaines de ces valeurs ont une double résonnance, intérieure et extérieure, intime et sociétale. Un lien naturel peut alors s’établir entre pensée et action.
Que notre idéal inspire notre action dans le monde profane : interprétation
La démarche maçonnique est avant tout intérieure : le but est de travailler sur soi-même afin de se connaître, de se maîtriser et de progresser. Mais cette amélioration personnelle est loin d’être égoïste, car devenue cubique, la pierre-homme pourra s’insérer dans l’édifice tout entier. Autrement dit, le franc-maçon pourra trouver sa juste place dans la société : il deviendra un être utile aux autres, il se mettra naturellement au service du groupe, il comprendra que son destin est lié à celui de tous.
Rompant l’illusion de la séparation, le franc-maçon aime les autres comme lui-même : il devient profondément humaniste et recherche l’harmonie avec tous les êtres humains.
Au REAA, c’est donc le travail sur soi qui permet au final de créer une société meilleure. Cette approche contraste avec une autre vision de la franc-maçonnerie, inverse, plus sociétale, selon laquelle les franc-maçons devraient développer un projet politique global afin d’améliorer l’homme.
Le franc-maçon, la loge, la société
Le franc-maçon travaille à établir l’ordre en lui-même : il cherche à comprendre son propre fonctionnement et à se libérer de l’erreur : passions, préjugés, illusions. Ce faisant, il accède aussi à une meilleure connaissance de l’autre : il s’ouvre et devient plus tolérant. Humble, il préfère écouter que juger.
En cela, il est aidé par le rituel et l’ordre maçonnique auquel il appartient, exemple concret d’une micro-société harmonieuse et ordonnée. Précisément, la chaine d’union offre l’image la plus aboutie de l’idéal maçonnique : une communauté d’individus solidaires, humbles et sages, libérés de leurs illusions, heureux de communier ensemble. Voilà ce que l’humanité devrait être.
Dans le monde profane, le franc-maçon s’inspirera de cette image pour tenter d’instaurer l’ordre et l’harmonie autour de lui.
Ainsi, l’ordre en soi et l’ordre en loge œuvrent, directement ou indirectement, pour l’ordre dans le monde. L’élaboration de l’édifice intérieur appelle la construction d’une société meilleure. La pensée, épurée par la méthode maçonnique, génère l’action.
Comment agir au quotidien ?
L’idéal maçonnique est profondément universel et humaniste, mais dire cela ne renseigne pas beaucoup sur le comportement que doit adopter le franc-maçon au quotidien. Le franc-maçon doit-il se montrer militant, engagé ? si oui, pour quelles causes ? doit-il plutôt se tenir au centre, en équilibre ou en retrait ?
Dans tous les cas, mesure, prudence et humilité doivent guider l’action, ce qui écarte tout risque d’erreur, d’ambition ou de fanatisme. Ce qui ne veut pas dire que le franc-maçon ait vocation à rester passif.
En réalité, c’est par son exemplarité que le franc-maçon peut le mieux agir. Une exemplarité qui peut se traduire par une certaine discrétion, retenue, probité, tempérance, impartialité… mais aussi par une forme d’abnégation, de courage, de don de soi, et dans certains cas, de résistance ou de sacrifice pour les autres. C’est dans tous les cas se mettre au service des autres, au service de l’intérêt général, au service d’une cause plus importante que soi, sans attendre de récompense.
Etre exemplaire, c’est aussi savoir se remettre en cause, faire son mea culpa et reconnaître lorsqu’on s’est trompé. Quel que soit l’engagement considéré, l’exemplarité est une manière d’agir fondée sur le recul, l’espérance et le progrès, c’est-à-dire sur un constant effort de dépassement de soi. Le franc-maçon travaille à s’améliorer, c’est-à-dire à corriger ses erreurs : c’est bien cela qui le rend exemplaire.
L’exemplarité n’est pas « une » façon d’influencer les autres. C’est la seule.
Albert Schweitzer
Insistons sur le fait que devoir, effort et travail sous-tendent inévitablement l’action du franc-maçon aussi bien en loge que dans le monde profane. En effet, seul le travail peut soutenir l’érection d’une société fraternelle, laquelle ne peut prospérer que sur l’effort constant de chacun pour se voir en l’autre, au-delà de la haine et des illusions.
Que notre idéal inspire notre action dans le monde profane : citations
C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble.
Montaigne
L’œuvre qui s’accomplit et le sillon qui se creuse, voilà la fonction de l’intelligence humaine.
Bergson
La liberté véritable ne se définit pas dans un rapport entre le désir et la satisfaction, mais par un rapport entre la pensée et l’action.
Simone Weil
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Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (114pages) comporte 33 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du premier degré maçonnique.
Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.
Modif. le 15 février 2024
