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L’humanisme est-il passé de mode ?

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L’humanisme en philosophie et spiritualité : définition. Qu’est-ce que l’humanisme ? Quelles sont les valeurs humanistes et comment les cultiver ?

En philosophie, l’humanisme est une théorie qui accorde une valeur fondamentale à la personne humaine. C’est l’amour des hommes et de l’humanité tout entière.

L’humanisme véhicule des idéaux tels que l’égalité, la fraternité, la justice et la liberté. Mais la liberté dont nous parlons comporte des limites afin de garantir une juste place à chacun, dans la perspective de l’épanouissement de tous : elle implique des droits pour chacun, et donc des devoirs vis-à-vis des autres. Ainsi, l’humanisme ne va pas sans état de droit ni démocratie, le but final étant la concorde, la paix et l’harmonie sociale.

Dans une perspective humaniste, chaque être humain possède la même valeur intrinsèque, mérite la même considération, le même respect. L’humanisme est une doctrine progressiste en ce sens qu’elle nécessite des efforts, une attention vis-à-vis de l’autre, un dialogue permanent, et aussi une transformation de la société qui passe par une lutte pour les droits civiques et sociaux. La résistance à l’oppression fait aussi partie des valeurs humanistes. Le but est donc d’élever l’homme à la hauteur de son potentiel.

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen peut être qualifiée d’humaniste, et plus encore la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’ONU en 1948. Cette dernière proclame dans son préambule :

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Et dans son article premier :

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

La même déclaration proclame encore le droit à la sécurité sociale, à la santé, à l’éducation et à la culture.

Voyons quels sont les fondements et la définition de l’humanisme en philosophie.

L’humanisme : définition et fondement philosophique

L’humanisme pourrait être défini comme un projet éthique d’élévation et d’accomplissement de l’être humain. L’humanisme est dynamique en ce sens que le destin et la condition de l’homme ne sont pas figés, mais en devenir.

Aux fondements de l’humanisme, il y a donc l’idée que l’homme a un potentiel à réaliser, et qu’il est légitime à le réaliser. Ce potentiel, c’est celui de l’accès aux savoirs et à la Connaissance, ce qui doit lui permettre de se prendre en charge. L’homme a donc vocation à devenir adulte.

Qu’est-ce qui fonde et justifie l’humanisme ?

Etre humaniste n’est pas évident au premier abord. L’humanisme ne s’impose pas naturellement. En effet, beaucoup de comportements humains peuvent être jugés négatifs et néfastes. D’autre part, il est vrai que les inégalités de naissance sont criantes, que ce soit en termes de capacité, d’intelligence ou d’utilité commune. Si on considère que la nature humaine est mauvaise et que les inégalités sont trop grandes, alors l’humanisme n’a plus lieu d’être : l’ordre social devrait reposer sur d’autres principes, par exemple l’autorité d’un groupe de personnes éclairées et légitimes à contraindre les autres.

La plupart des groupes humains se sont organisés en ce sens tout au long de l’histoire. C’est le cas notamment des pouvoirs monarchiques dont la légitimité reposait sur la supposée connaissance des choses divines, ou sur un contact direct du monarque avec le divin. De façon générale, les pouvoirs autocratiques et oligarchiques reposent à la fois sur la force et sur le monopole de la vérité, face à un peuple jugé ignorant.

Or l’humanisme s’oppose aux systèmes sociaux fondés sur la force, la religion ou la tradition : à ce titre, c’est un anti-conservatisme (donc un progressisme comme nous l’avons déjà dit). La pensée humaniste refuse de reconnaître le pouvoir de ceux qui se croient plus légitimes, plus méritants ou plus intelligents que les autres. Elle considère que l’ambition et le fanatisme sont les causes des malheurs et des désordres de l’humanité.

Ainsi, l’humanisme se fonde sur l’idée :

  • que personne ne détient la vérité absolue,
  • que personne ne peut se dire le représentant d’un pouvoir supérieur,
  • que personne n’est autorisé à exercer son pouvoir sur les autres, à les dominer ou à décider pour eux.

En réalité , l’humanisme repose tout simplement sur la Raison : puisqu’à l’évidence il n’y a pas de catégorie supérieure d’hommes, alors tous les hommes sont fondamentalement égaux et unis dans leur recherche de bonheur et de vérité. Les véritables ignorants sont ceux qui pensent détenir la vérité et l’imposer aux autres.

Par conséquent, la pensée humaniste érige la tolérance en principe fondamental : je reconnais que l’autre possède une part de vérité que je ne vois pas. Dès lors, la réciprocité, l’humilité, le respect et la laïcité se placent au coeur du vivre-ensemble. L’état de droit et la démocratie s’imposent. Chacun s’épanouit au mieux au sein de la société, dans le respect de tous.

Enfin, contrairement à une idée reçue, l’humanisme ne prend pas partie sur la question de la nature de l’homme, bonne ou mauvaise. Il tend simplement à une harmonie la plus grande possible au sein de la famille humaine.

Lire aussi notre article : La différence entre droit et gauche en politique

L’humanisme et son fondement spirituel

Au premier abord, l’humanisme semble incompatible avec la spiritualité, puisque l’homme s’est libéré des préceptes religieux imposés par ceux qui se disent les représentants de Dieu sur Terre. Mais ce serait confondre religion et spiritualité.

En réalité, la plupart des grandes traditions spirituelles se fondent sur l’Amour et donc sur l’humanisme. Elles appellent à renoncer aux illusions liées à notre individualité pour réaliser que nous sommes tous issus de la même Source, donc tous semblables, tous égaux, tous en quête de réponses intimes. Elles invitent à trouver l’universel en nous. A ce titre, chacun est le reflet de l’autre : les hommes sont tous des frères.

De même, les grandes religions dans leur message originel cultivent la compassion (bouddhisme), le pardon (christianisme), l’hospitalité (Islam), la libération (hindouisme), la bienveillance ou encore le don de soi pour les autres, tout en appelant à la paix et à l’harmonie sociale.

Sur le plan symbolique, l’humanisme peut être assimilé à la Lumière, en l’occurrence celle de la conscience qui s’ouvre, dépassant l’illusion de détenir la vérité et le voile des intérêts égoïstes pour parvenir à l’évidence que nous partageons tous la même nature et le même destin.

Ainsi, l’humanisme peut être vu comme une forme de sagesse au sens spirituel du terme. Il est aussi une condition de l’accomplissement spirituel de l’homme et de l’humanité.

L’humanisme en net recul

Fondé sur l’amour du prochain et l’altruisme, l’humanisme implique partage, entraide, solidarité, compréhension, bienveillance, accueil, inclusion, mixité, transmission, pardon et bien d’autres principes du vivre-ensemble, au service des progrès de la société.

Mais depuis quelques décennies, l’humanisme est en recul dans nos sociétés pourtant fondées sur la victoire remportée en 1945 sur l’obscurantisme et le fascisme.

Bref, l’humanisme n’est plus à la mode. La concurrence et la compétition priment sur toute autre valeur, dans une sorte de darwinisme social reléguant les plus fragiles et les plus faibles.

Voici quelques signaux et exemples qui montrent le recul des valeurs humanistes en France depuis les années 2000 :

  • l’indifférence envers les migrants morts en tentant de traverser la Méditerranée,
  • l’appel à créer toujours plus de places de prison,
  • la critique ouverte du vivre-ensemble et des valeurs inclusives taxées de « wokistes »,
  • la montée du racisme,
  • la montée de la violence,
  • l’appel à la répression et à la sanction plutôt qu’aux soins et à l’éducation,
  • la fermeture de certains services publics, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation,
  • le refus de toute forme d’auto-critique et de repentance pour les crimes coloniaux,
  • l’absence d’écoute et de dialogue construit,
  • la multiplication des discours pro-guerre,
  • la montée des colères et le refus de comprendre l’origine des maux de la société,
  • la crispation et l’isolement du pouvoir en place,
  • la montée des médias d’extrême-droite,
  • le repli sur soi et le refus de se remettre en cause,
  • etc.

Le rejet, le repli et la colère mènent toujours aux désordres sociaux et aux conflits entre nations. Seul un sursaut des valeurs humanistes pourra permettre d’inverser la tendance.

L’humanisme : de nouvelles limites ?

L’humanisme rencontre aujourd’hui de nouvelles limites, à l’heure où l’humanité est confrontée à un immense défi environnemental. Le bouleversement du climat et l’effondrement de la biodiversité imposent à l’homme de penser autrement. Pour certains, l’humanisme est voué à disparaître, puisque l’homme, s’il veut survivre, devra renoncer à ses propres règles et à sa liberté pour se soumettre aux lois de la nature.

Pourtant, l’humanisme n’a jamais signifié la domination aveugle de l’homme sur la nature. Croire que l’humanisme consisterait à placer l’homme au centre de tout, au sommet de la hiérarchie des espèces, est un contresens.

Autrement dit, l’humanisme n’est pas incompatible avec la préservation de l’environnement, bien au contraire. Les valeurs humanistes peuvent participer à la résolution des désordres environnementaux par l’entraide, le partage, l’égalité, la sobriété, l’intelligence collective ou encore la lutte contre les comportements égoïstes et accumulateurs.

L’avenir de l’humanisme

L’humanisme est un corpus de valeurs sociales qui rendent possible la concorde et le vivre-ensemble. Mais au-delà, l’humanisme permet à l’homme de trouver sa juste place au sein de la nature et du cosmos, ouvrant ainsi de larges perspectives en termes d’épanouissement et de conscience.

L’humanisme n’est ni un anthropocentrisme, ni un rejet de tout ce qui serait non-humain, mais seulement l’atteinte des conditions nécessaires aux progrès de l’humanité. Nous parlons ici de progrès moraux, sociaux, philosophiques et spirituels, que nous jugeons plus importants que les progrès scientifiques et techniques.

Les valeurs humanistes sont aujourd’hui en net recul, preuve que nous vivons le début d’une période sombre. Pourtant, c’est bien l’humanisme qui permettra à l’humanité de relever les immenses défis qui l’attendent.

Lire aussi : Etre humaniste : qu’est-ce que ça veut dire ?

Citations philosophiques sur l’humanisme

Voici quelques citations qui peuvent permettre de préciser la définition de l’humanisme :

L’humanisme s’est donné pour mission exclusive d’éclairer et de perpétuer la primauté de l’homme sur l’individu. L’humanisme a prêché l’homme.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre

Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l’homme, le respect des autres êtres avant l’amour-propre.
Claude Lévi-Strauss

L’humanisme ne saurait plus être porteur de l’orgueilleuse volonté de dominer l’Univers. Il devient essentiellement celui de la solidarité entre humains, laquelle implique une relation ombilicale avec la nature et le cosmos.
Edgar Morin

Quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le droit humain.
Jean Jaurès

Modif. le 7 janvier 2024

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