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La mixité en franc-maçonnerie : pour ou contre ?

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La mixité en franc-maçonnerie : pour ou contre ? Comment aborder la problématique de la mixité en loge ? Quels sont les arguments des deux camps ?

La mixité en franc-maçonnerie est une question épineuse qui n’est pas sans nourrir quelques querelles et incompréhensions.

Rappelons d’abord que la franc-maçonnerie s’est développée au XVIIIème siècle dans une société européenne très patriarcale : seuls les hommes pouvaient être initiés, les femmes étant considérées comme « mineures ».

Les constitutions d’Anderson de 1723, qui régissent le fonctionnement de la première Grande Loge d’Angleterre, stipulent que les membres d’une loge ne peuvent être que des hommes libres et de bonnes mœurs.

En France et dans d’autres pays européens, on voit cependant apparaître dès les années 1740 une franc-maçonnerie dite d’adoption, réservée aux femmes, mais sous la tutelle des hommes. Cette maçonnerie connaîtra son heure de gloire mais déclinera au XIXème siècle, jusqu’à quasiment disparaître. Dans tous les cas, la règle fondamentale est la non-mixité : s’il doit y avoir des femmes franc-maçonnes, elles doivent se réunir entre elles, à l’écart des hommes.

C’est Maria Deraismes (initiée franc-maçonne en 1882) et Georges Martin qui seront à l’origine d’une véritable franc-maçonnerie mixte en France, avec la création du Droit humain en 1893.

En 2010, le Grand Orient de France s’ouvre à son tour à la mixité, mais le débat sur la mixité en franc-maçonnerie continue de faire rage.

Aujourd’hui, plus personne ne conteste le droit des femmes à être initiées. L’égalité homme-femme est acquise, mais certaines obédiences restent fermement attachées à la non-mixité : c’est le cas de la Grande Loge Féminine de France, ou encore de la Grande Loge de France. Ces obédiences ne peuvent être qualifiées de sexistes ni même de conservatrices, puisqu’elles reconnaissent le droit égal des hommes et des femmes à être initiés. Elles revendiquent cependant leur préférence pour des ateliers non mixtes, pour certaines raisons que nous allons développer.

Voyons quels sont les arguments pour et contre la mixité en franc-maçonnerie.

La mixité en franc-maçonnerie : les arguments « pour »

C’est scientifiquement prouvé : les hommes et les femmes ne pensent pas de la même manière.

Les neurosciences ont constaté une différence dans la répartition des neurones et leurs connexions : chez les femmes, l’hémisphère droit (siège de la capacité d’analyse et du traitement de l’information) semble mieux connecté à l’hémisphère gauche, centre de l’intuition. Chez les hommes, la connectivité serait plus grande au sein de chaque hémisphère.

Ainsi, chaque sexe possède ses propres aptitudes. Il serait dommage, en loge, de ne pas mettre à profit ces deux manières de penser pour appréhender le monde.

Les tenants de la mixité estiment que la franc-maçonnerie doit se nourrir de ce regard croisé des deux sexes :

La mixité est créatrice par sa complétude parce qu’elle offre la possibilité d’irriguer tous les niveaux du questionnement humain sous deux angles différents.
Andrée Prat, historienne du Droit humain

Ainsi, les différences de sensibilité entre hommes et femmes représentent une richesse, une créativité supplémentaire. Autrement dit, l’altérité et la mixité permettent une mobilisation de la personnalité humaine dans toutes ses composantes.

Par ailleurs, les loges ne constituent-elles pas le lieu privilégié du vivre-ensemble : un espace dans lequel hommes et femmes peuvent travailler à mieux se connaître, mieux se comprendre, dans un cadre bienveillant et respectueux ?

La mixité en franc-maçonnerie : les arguments « contre »

Au-delà du respect de la tradition, le principal argument des tenants de la non mixité en franc-maçonnerie concerne la sérénité des travaux.

En effet, la non-mixité écarte la sexualité. Les réunions non mixtes permettent d’évacuer les ambiguïtés, les tentations, la séduction, les postures, les masques sociaux, bref une partie de nos fameux métaux. La non-mixité constitue en outre un rempart à la jalousie et aux suspicions qui pourraient naître chez le conjoint absent.

Car le franc-maçon, homme ou femme, sait qu’il est un être humain comme les autres, soumis à la matière, aux pulsions, aux envies et aux vices. Il est lucide à ce sujet. Conscient de ses faiblesses, il travaille à mieux se connaître, espérant un jour acquérir la maîtrise de soi. Il apprend à mettre à distance ce qui est susceptible de faire obstacle à son développement spirituel.

Se séparer pour mieux se retrouver

Rappelons-le, la première étape de la transformation alchimique est celle de la séparation : il s’agit de mettre à distance tout ce qui nous rattachait à la matière. Or, qu’on le veuille ou non, la sexualité est au coeur de nos attachements : elle porte en elle toutes les passions, toutes les illusions, au premier rang desquelles l’envie, la convoitise, l’orgueil, la haine ou la colère.

Celui ou celle qui se croit à l’abri de telles passions s’auto-illusionne. A l’inverse, celui qui est conscient de ses propres défauts pourrait bien préférer un atelier non mixte.

Il n’est pas rare de voir des couples se former au sein d’ateliers mixtes, lorsqu’il ne s’agit pas de couples préexistants. On peut alors se poser la question de la frontière entre vie profane et vie maçonnique. Si l’atelier maçonnique s’affirme comme un espace de liberté et d’épanouissement, alors il devrait s’affranchir du foyer, du quotidien, des contraintes sociales et du contrôle familial.

Certes, l’autre n’est pas qu’un sexe. Certains couples à la ville sont capables de nouer de véritables liens d’amitié et de fraternité maçonnique. Beaucoup de franc-maçons de sexe opposé cultivent des rapports sains entre eux. Mais cela n’évacue pas le risque de dérapage ou de mauvaise expérience.

Il existe d’autres arguments en faveur de la non mixité en franc-maçonnerie. Dans une société encore dominée par les valeurs patriarcales, il peut être intéressant pour les femmes de pouvoir se regrouper entre elles, dans des loges exclusivement féminines. Un tel choix permettra de se défaire de certains stéréotypes ou préjugés présents en nous de manière inconsciente : l’occasion de nourrir une véritable liberté de penser et de gagner en autonomie.

Conclusion sur la mixité en franc-maçonnerie

Autrefois, la non-mixité en franc-maçonnerie était synonyme d’exclusion et de discrimination des femmes, autrement dit d’inégalité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La non-mixité relève désormais d’un choix : celui d’avancer ou non avec l’autre sexe.

Tout franc-maçon ou franc-maçonne a le choix d’intégrer un atelier mono-genre ou un atelier mixte. Ce choix, il ou elle le fait en son âme et conscience, en fonction de son propre rapport à soi. Tout jugement à ce sujet serait déplacé.

Les arguments en faveur de la mixité en franc-maçonnerie sont tout autant légitimes que ceux en faveur de la non-mixité. Nombreux sont ceux et celles qui font encore le choix de la non-mixité, considérant que l’espace sacré doit s’affranchir au maximum des contraintes sociales et des schémas du monde profane.

Au delà de ces considérations, la non-mixité reste un phénomène social important, c’est le cas par exemple dans le sport ou le militantisme politique. La non-mixité est parfois gage de ressourcement et de liberté, avant de se préparer à retrouver l’autre sexe, sans doute dans de meilleures dispositions.

Lire aussi : Qui sont les franc-maçons en France ? Approche sociologique

Modif. le 3 octobre 2023

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