Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Le hasard existe-t-il ?

5/5 (1)

Le hasard : définition philosophique et scientifique, approche spirituelle. Le hasard existe-t-il ? Comment interpréter les coïncidences ?

Le mot « hasard » nous vient de l’arabe az-zahr qui signifie « dé à jouer » et qui a notamment donné l’espagnol azar : jeu de dés. Les dés, les cartes, les jeux, les pièces de monnaie ou les tirages de loto sont les éléments qui symbolisent le mieux le hasard et la fascination qu’il exerce sur l’Homme…

Le hasard est ce qui se produit ou semble se produire en dehors de tout dessein humain ou divin, et de tout ordre stable. On parle de chance ou de malchance, d’événements aléatoires, accidentels, non intentionnels, ou encore de coïncidences.

Si l’on croit au hasard, l’avenir n’est pas prédictible. Le cours des choses est imprévisible, il n’y a pas de sens à ce qui arrive ni de progrès possible. L’Histoire s’écrit au jour le jour : elle n’a pas de direction particulière.

Mais rien ne prouve que le hasard existe. Le hasard n’est peut-être qu’une illusion due à notre méconnaissance des causes de ce qui advient. Le hasard est en réalité un concept typiquement humain : l’Homme parle de hasard lorsqu’il ne trouve aucune raison à ce qui lui arrive, en particulier s’il subit des événements déstabilisants ou défavorables…

Ainsi, hasard, coïncidence, chance et malchance apparaissent à l’esprit de celui qui oublie qu’il est profondément ignorant.

Le hasard, c’est notre incapacité à lire et comprendre le monde.
Stéphane Owona

Tentons une définition philosophique du hasard.

Le hasard : définition philosophique

On l’a vu, le hasard est intimement lié à la notion d’ignorance. L’oubli de la loi de causalité, la méconnaissance des causes des phénomènes nous amène à croire que le hasard existe.

Mais il faut préciser qu’il y a deux sortes d’ignorants : ceux qui ignorent qu’ils sont ignorants, et ceux qui, conscients de leurs limites, savent qu’ils sont ignorants. Les premiers seront plus enclins à croire au hasard. Les seconds, dans leur sagesse, admettront l’existence de lois universelles qu’ils ne comprennent peut-être pas, mais qui ne peuvent laisser aucune place au hasard.

Savoir qu’on ne sait pas : cela est savoir véritablement.
Confucius

Ainsi, le hasard désignerait non seulement l’incapacité à saisir les liens entre les phénomènes et les évènements, mais aussi la négation du fait que de tels liens puissent exister.

D’autre part, le hasard peut être comparé à la superstition : alors que le hasard est l’ignorance des causes, la superstition est le fait d’attribuer de fausses causes à certains phénomènes.

En sciences physiques, le terme « chaos » est appliqué aux phénomènes qui ne semblent obéir à aucune loi et donc de ce fait impossibles à prévoir.

Longtemps, les adjectifs « aléatoire », « chaotique » et « imprédictible » sont restés synonymes. En effet, la prédictibilité est fondée sur la permanence d’une ressemblance qui permet d’anticiper, à partir de la connaissance du passé, un comportement à venir.

Le chaos doit donc être vu comme une imprédictibilité plutôt que comme un désordre. S’il y a chaos au sens de confusion, il ne peut s’agir que d’une confusion mentale due à nos limites cognitives.

Le hasard serait donc question de perception et de conscience.

Lire aussi : L’ordre et le chaos : approche symbolique et philosophique

Le jour de la rentrée universitaire, un professeur de mathématiques donne un premier exercice à ses étudiants. Cet exercice semble facile : il s’agit de créer un système permettant de générer 10 nombres aléatoires. Les étudiants retournent chez eux confiants. Mais une fois attelés à la tâche, ils se rendent compte de la complexité de la tâche.

Le lendemain, le professeur constate les mines défaites. « Je vois que vous avez tous échoué… vous apprendrez en effet que tout algorithme est déterministe. »

Cette anecdote montre que le hasard n’existe pas et qu’il est impossible de le créer.

Cependant, la question du hasard a ressurgi avec les découvertes de la physique quantique. En effet, les théories quantiques semblent remettre en cause les principes déterministes : il a été démontré qu’une particule peut être dans un mélange de plusieurs états ; elle n’est plus un corpuscule localisé mais s’inscrit dans un champ de probabilités.

Cependant, cette découverte doit être relativisée. Car plus l’échelle s’élargit, plus le déterminisme revient. Ce qui signifie qu’au niveau global, une population d’électrons adoptera un comportement prédictible. Le hasard quantique n’est donc pas « absolu » ; autrement dit, l’aboutissement de la théorie quantique est le retour au déterminisme…

En tant que loi cachée, le hasard peut être assimilé à Dieu, ce dernier étant ici abordé en tant qu’ordre du monde.

Le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito.
Albert Einstein

D’autre part, si l’on part du principe que tout est déterminé, le hasard peut être assimilé au destin. Personne ne connaît son destin, lequel semble aléatoire, pourtant le déterminisme conduit à considérer que tout est écrit d’avance…

Le hasard est le travestissement favori du destin.
Sacha Guitry

Les monothéistes nient le hasard, ou l’assimilent au Diable et à la mort dans le sens d’un refus de l’Homme de reconnaître la loi divine.

Dans certaines représentations du Christ sur la croix, des soldats romains sont représentés en train de jouer aux dés pour se partager les vêtements du Christ, ce qui peut symboliser l’aveuglement de ceux qui ne reconnaissent pas la présence de Dieu dans le monde.

Solario, Crucifixion, jeu de dés
Solario, Crucifixion, détail du jeu de dés, 1503

De manière générale, les religions monothéistes croient en un Dieu omnipotent et omniscient, ayant un plan pour l’univers comme pour chaque individu. Cependant, la question du libre-arbitre fait débat, certains courants religieux insistant sur la prédestination, d’autre sur la responsabilité humaine.

Dans l’hindouisme et le bouddhisme, la notion de karma implique que les événements sont le résultat d’actions passées, ce qui limite la place du hasard. Le bouddhisme développe en sus la notion d’interdépendance, qui recoupe la loi de causalité.

Si l’on part du principe que tout est déterminé et que le hasard n’existe pas, alors la notion de libre-arbitre s’efface elle-aussi.

Précisément, le déterminisme amène à considérer que chaque parole, que chaque geste devait advenir. C’est notamment la thèse de Spinoza, selon laquelle les actions humaines découlent de causes antérieures qui les ont rendues inévitables.

Le libre-arbitre ne serait donc qu’une illusion : nos décisions sont influencées par une foule de causes dont nous n’avons même pas conscience, parmi lesquelles notre génétique, notre culture, notre éducation, notre psychologie, nos fréquentations, etc.

Cette vision déterministe s’oppose à l’existentialisme de Sartre, selon lequel les individus sont libres de leurs actes, libres de choisir leur destin, donc libres de changer le monde. Pour Sartre, ce qui semble relever du hasard (une rencontre, un événement) est une occasion de s’engager et de donner un sens à sa propre existence. Le « hasard » deviendrait alors la manifestation de notre liberté face à un monde sans Dieu ni destin.

Sur un plan purement spirituel, le déterminisme présente l’avantage de remettre l’individu à sa juste place dans le cosmos : l’Homme est abordé comme un carrefour d’influences plutôt que comme le « centre du monde ». Ceci peut conduire à une certaine forme de sagesse, d’humilité et d’action désintéressée.

Le hasard existe-t-il ? Que l’on croie ou non au hasard, il faut reconnaître que notre vie est marquée par l’inconnu, qui nous apparaît comme une certaine forme de hasard.

Or ce hasard est créateur de sens : les évènements qui surgissent à notre conscience sont autant d’occasions de se questionner, de décrypter et de comprendre la réalité, et aussi de s’émerveiller. Le hasard est une matière sombre qui demande à être pénétrée, comprise, domptée : elle est le point de départ de l’expérience humaine, le début de la Connaissance.

Au sein du hasard naissent ce que Carl Gustav Jung appelle les synchronicités, au sens d’éléments qui surgissent à notre conscience à la manière d’étincelles intuitives, l’occasion, si on le veut bien, d’accéder au réel et d’entrevoir la Vérité.

Au final, le hasard permet l’expérience de la vie. En effet, sans hasard, ou sensation de hasard, il n’y aurait plus d’émotion, plus de sens, plus de mystère : aucun progrès, aucune quête ne serait possible…

Rien n’est réel sauf le hasard.
Paul Auster

Couverture les Essentiels de la Spiritualité Adrien Choeur

Qu’est-ce que la spiritualité ? Quel est le but à atteindre ? En quoi consiste la méthode spirituelle ? Quel lien avec la philosophie ?

Ce livre numérique pdf (216 pages) aborde les notions essentielles de la spiritualité à travers 65 textes


« Du moi vers le Soi » est une formation en ligne qui permet d’aborder la spiritualité de manière ouverte et complète.

Elle se compose de 13 fichiers audios et de 10 livres et documents pdf.

Cliquez pour en savoir plus

formation à la spiritualité

Modif. le 27 août 2025

Vous pouvez noter cet article !