Les mystères d’Eleusis : en quoi consistait ce culte ésotérique de la Grèce antique ? Description, contenu et résumé.
Les mystères d’Eleusis sont un culte ésotérique antique qui se tenait à Eleusis, ville située près d’Athènes, puis dans toute la Grèce. Le culte a été pratiqué d’environ 1500 av. J.-C. à 392 apr. J.-C., soit durant près de 1900 ans. Il a été interdit par l’empereur Théodose Ier dans le cadre de la christianisation de l’Empire romain. Son apogée se situe entre le VIe et le IVe siècle av. J.-C.
Ce culte est fondé sur le très ancien mythe de Déméter, déesse du blé. Selon la légende, Hadès, dieu du monde souterrain, enlève la fille de Déméter, Coré, pour en faire sa femme ainsi que la déesse des enfers. Déméter tombe alors dans la tristesse et la colère, ce qui provoque mauvaises récoltes et famine.
Alors qu’elle ère sur la Terre durant neuf jours, flambeaux à la main, Déméter parvient à la cité d’Éleusis. Là, elle reçoit un accueil généreux ; en retour, elle accepte de dévoiler son identité et de transmettre ses connaissances secrètes aux habitants de la ville.
Par la suite, Hélios, le Dieu-Soleil qui voit tout, révèle à Déméter qu’Hadès a enlevé sa fille. Déméter en appelle à Zeus, lequel envoie Hermès chez Hadès pour lui faire entendre raison. Hadès se laisse convaincre et fait remonter Coré à la lumière mais, auparavant, lui fait goûter des grains de grenade (symbole d’union), la tenant ainsi en son pouvoir. Au final, les protagonistes parviennent à un accord : Coré passera deux tiers de l’année à la surface de la Terre pour la saison des cultures, et un tiers sous Terre, chez Hadès. Coré prend alors le nom de Perséphone.
Les mystères d’Eleusis prennent la forme d’un rite secret, donc élitiste, mais de plus en plus ouvert au fil du temps, jusqu’à accueillir tout homme ou femme, libre ou esclave, capable de prononcer en grec les formules rituelles, à l’exception toutefois des criminels, des barbares, des magiciens et des chrétiens.
Il s’agit d’un culte agraire et en même très centré sur la philosophie de la mort et de la renaissance. Les initiés étaient considérés comme « saints » et formaient une communauté reconnue.
A noter que les grands philosophes de l’Antiquité, Socrate, Platon, Aristote ou Epicure, ont tous été initiées aux mystères d’Éleusis.
Entrons dans les mystères d’Eleusis.
Les Petits et Grands mystères d’Eleusis
Les mystères d’Éleusis se pratiquent dans la ville du même nom, au sein d’un sanctuaire dédié : le télestérion. Le culte se répand progressivement dans toute la Grèce et est associé à des fêtes religieuses.
L’initiation aux mystères est le monopole de quelques familles aristocratiques d’Eleusis, dont certains membres officient en tant que dignitaires et prêtres choisis à vie, notamment :
- le hiérophante, qui confère les mystères,
- la prêtresse de Déméter, qui transmet les secrets,
- le dadouque (incarnation du Soleil), qui purifie les candidats et marche en tête des processions aux flambeaux. Ces déambulations symbolisent Déméter à la recherche de sa fille Coré,
- l’hiérokéryx, qui proclame les cas dans lesquels les postulants ne peuvent être initiés,
- ainsi qu’un grand nombre de prêtres et officiants subalternes, parmi lesquels les mystagogues qui enseignent la loi du silence et le catéchisme aux nouveaux initiés.
L’initiation consiste en la transmission d’un enseignement mythique, symbolique, d’inspiration agricole, centré sur la culture du blé et les cycles végétaux. Le symbolisme de la renaissance du grain de blé tombé en terre confère à l’initié les secrets de la vie après la mort.
Les célébrations et les initiations se déroulent en deux temps :
- les Petits mystères font l’objet d’une célébration en février de chaque année,
- les Grands mystères se tiennent six mois après, en août.
A noter que les deux degrés d’initiation pouvaient être reçus à un minimum d’un an d’intervalle. La révélation des secrets était punie de mort.
Les Petits mystères
Les Petits mystères se tenaient à Agrae, un faubourg d’Athènes. Contrairement aux Grands Mystères, ils sont ouverts à un public relativement large, y compris aux enfants. Ils consistent en la sélection des candidats puis en leur purification dans l’eau du fleuve, avant leur instruction au mythe de Déméter. Les candidats prêtent serment et deviennent mystes, c’est-à-dire « initiés aux mystères ».
On sait peu de choses sur le contenu précis des Petits mystères, si ce n’est qu’ils étaient dédiés à Coré, alors que les Grands Mystères étaient plutôt dédiés à Déméter.
Les Grands mystères
Les Grands mystères, qui duraient neuf jours, soit la durée d’errance de Déméter à la recherche de sa fille, s’ouvrent chaque année à Athènes, les mystes prenant ensuite la direction d’Eleusis en empruntant la « Voie sacrée ».
Les mystes sont d’abord rassemblés sur l’agora d’Athènes, devant le portique pœcile, où des instructions leur sont données. Puis le signal est donné d’aller se purifier dans la mer. Des porcelets sont sacrifiés.
Trois jours après, une grande procession conduit les mystes vers Eleusis ; elle s’achève à l’endroit précis où Déméter aurait achevé son errance. La veillée est l’objet d’une danse aux flambeaux.
Le lendemain ont lieu une purification rituelle ainsi qu’une dernière cérémonie publique. Les initiés jeûnent en souvenir de la période de famine imposée par Déméter.
Le jour suivant est réservé à l’initiation proprement dite, au sein du temple d’Eleusis :
- rupture du jeûne par absorption d’une boisson sacrée,
- instruction aux secrets,
- visualisation d’objets sacrés,
- présentation d’un épi de blé par le hiérophante,
- prononciation de formules,
- mises en scène dramatiques, notamment le voyage des initiés dans les souterrains obscurs du temple, évoquant la germination ainsi que le passage de l’ombre à la lumière,
- union symbolique entre la prêtresse et l’hiérophante (hiérogamie de Zeus et Déméter),
- etc.
Après les Grands mystères, les initiés prennent le nom d’époptes (epoptai : « ceux qui ont vu », « ceux qui contemplent la vérité »).
Le symbolisme des mystères d’Eleusis
Le parallèle est presque évident entre la quête de Déméter et la quête de l’initié qui demande l’accès aux « mystères ».
Déméter cherche sa fille Coré durant neuf jours, le chiffre 9 évoquant un cycle complet ; elle finit par la retrouver, aidée en cela par le Dieu-Soleil Hélios, omniscient. Hélios constitue la clé de ce mythe : il représente la raison qui réussit à percer les ténèbres de l’inconnu ou de l’inconscient. De la même manière, l’initié tente de percer les secrets de l’univers en traversant la partie sombre de lui-même.
Il faut en outre l’intervention d’Hermès, le médiateur envoyé par Zeus, pour rétablir le dialogue entre les parties, c’est-à-dire entre toutes les composantes de l’âme humaine. Hermès peut représenter la force de l’intuition qui aide l’initié à saisir globalement le sens de la vie.
C’est enfin Zeus, symbole de la Loi universelle, qui vient restaurer l’ordre éternel dans le chaos apparent de l’intrigue. Déméter peut alors s’unir à Zeus, comme l’âme de l’initié s’unit à l’Esprit divin. Dès lors, tout prend sa place, tout fait sens : l’initié comprend que la mort est utile à la vie, que l’hiver prépare le printemps, que la perte annonce un retour, que le sacrifice est nécessaire au progrès, ou encore que la descente aux enfers permet une purification nécessaire à la renaissance.
Ainsi, l’initié est celui qui a compris l’utilité des cycles et qui célèbre le perpétuel retour de l’abondance. Il ne craint plus l’hiver, ni la mort, il n’a plus peur de manquer de rien. S’en remettant aux forces de la Nature, il cultive joie et espérance.
On l’a compris, l’initié marche sur les traces de Déméter : comme elle, il parvient à vaincre son angoisse et trouve un sens à son errance dans le monde. Le mythe l’aide à comprendre le fonctionnement de l’univers, dans lequel il doit trouver sa place. Il l’aide à atteindre la plénitude spirituelle et la béatitude.
Au final, les mystères d’Eleusis devaient rendre les Grecs plus pieux, plus justes et plus vertueux. Le culte affirmait avec force le principe de l’immortalité de l’âme et celui d’une vie divine après la mort.
Mystères d’Eleusis et franc-maçonnerie
Les rituels d’initiation maçonniques font référence aux « anciens Mystères » ; c’est notamment le cas dans le rituel d’initiation au premier degré R.E.A.A.
On trouve en effet beaucoup de points communs entre l’initiation aux mystères d’Eleusis et l’initiation maçonnique, notamment :
- la condition du profane, « plongé dans les ténèbres ». Il est dans les deux cas invité à visiter les profondeurs (cf. le cabinet de réflexion et l’épreuve de la Terre),
- le contrôle de la pureté des mains et de l’âme (cf. la formule « libre et de bonnes moeurs »),
- la purification par l’eau (épreuve de l’Eau),
- l’absorption d’un breuvage (la coupe des libations),
- la présence des flambeaux,
- les diverses déambulations dans l’obscurité,
- le dévoilement de la lumière (associée à la connaissance des mystères),
- la prestation de serment et la promesse de ne pas divulguer les secrets de l’initiation, sous peine de mort,
- l’instruction de l’initié par un officier,
- ou encore le parallèle entre travail opératif (artisanal, agricole) et spéculatif (spirituel).
De même, l’esprit de l’initiation est sensiblement identique : il s’agit d’éveiller et non de transmettre des réponses toutes faites. L’éveil se fait par la descente en soi-même, dans la sombre matière, pour y trouver la lumière cachée.
D’autre part, le symbolisme des mystères d’Eleusis (l’agriculture, le blé, la fécondité, la lumière, les cycles, la mort et la renaissance…) se retrouve en tous points dans le rituel maçonnique de la Saint-Jean d’été, notamment dans le passage suivant (R.E.A.A.) :
Parce que le blé symbolise le don de la vie. (…) Le grain de blé doit mourir en terre pour assurer sa renaissance multiple dans l’épi qui sera moissonné. (…)
Le blé, symbole de la fécondité, initie aux mystères de la vie. Il permet de découvrir l’harmonie entre la vie humaine et la vie végétale.
Comme la tige de blé qui meurt et confie à la terre son grain pour renouveler la vie, l’Homme aspire à renaître, par sa Semence, dans l’Etre nouveau à qui il transmet la vie.
On pourrait encore évoquer le symbolisme du grain de blé au grade de compagnon (Schibolet signifie « épi de blé » ou « ruisseau ») ou encore la présence des grenades en loge…
Mystères d’Eleusis et alchimie spirituelle
De même, les Mystères d’Eleusis ne sont pas étrangers aux principes de l’alchimie spirituelle tels qu’abordés encore aujourd’hui en franc-maçonnerie. La visite de Coré à l’intérieur de la terre, le renoncement à la matière (le dépouillement des métaux), la mort suivie d’une renaissance, la restitution des métaux et le retour à la vie, ou tout simplement la transformation de soi en sont des exemples évidents. Dans les deux cas, il s’agit d’atteindre une certaine forme d’immortalité.
Il existe d’autres points communs entre les mystères d’Eleusis et les principes de l’alchimie spirituelle :
- les Petits mystères et Grands mystères peuvent correspondre aux termes alchimiques « Petite médecine » et « Grande médecine », ou « Petit oeuvre » et « Grand oeuvre »,
- le Soleil et la Lune, symboles alchimiques importants, se retrouvent aussi dans les mystères d’Eleusis,
- la formation d’un couple divin (hiérogamie Déméter-Zeus) rappelle l’androgyne hermétique symbolisant l’harmonisation du pôle femelle (le changement, les cycles de vie et mort) avec le pôle mâle (la stabilité, la conscience, la raison).
En réalité, l’alchimie est l’héritière directe des mystères antiques, transposant les thèmes mythiques dans un cadre nouveau.
Comment résumer la pensée de Socrate, Platon, Aristote ? Qui étaient les sophistes ? Que prônaient les sceptiques, les stoïciens, les épicuriens ?
Ce livre numérique pdf aborde les grands courants de la philosophie de la Grèce antique à travers 13 chapitres synthétiques.
Ce livre numérique pdf (86 pages) introduit le vocabulaire alchimique et aborde les différentes opérations qui constituent le Petit Œuvre et le Grand Œuvre.
Obtenez les clés pour entamer votre propre transformation.
Ce livre numérique pdf (114 pages) comporte 33 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du premier degré maçonnique.
Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.
Modif. le 21 octobre 2025