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Comment avez-vous été reçu Intendant des Bâtiments ?

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Comment avez-vous été reçu Intendant des Bâtiments ? Qu’est-ce qui permet à Johaben d’être élevé à ce grade ? Voici une planche sur l’ignorance au 8ème degré R.E.A.A.

Au huitième degré, le candidat Johaben est reçu Intendant des Bâtiments non pas pour ses connaissances mais pour son ignorance, ce qui semble étonnant et paradoxal.

L’ignorance est en effet l’un des trois mauvais compagnons du franc-maçon, aux côtés du fanatisme et de l’ambition. Dès lors, comment peut-on progresser par ignorance ?

Q. – Comment avez-vous été reçu ?
R. – En reconnaissant mon ignorance.

Rituel du 8ème degré R.E.A.A.

De même, lorsqu’il pénètre dans la chambre secrète, Johaben aperçoit une lumière resplendissante émanant d’un delta orné de trois lettres yod, dont il avoue ne pas comprendre le sens. Johaben reconnaît donc son ignorance, mais paradoxalement, cela l’aide à approcher le mystère…

L’ignorance de Johaben comporte donc quelque chose de positif. Le divin étant par nature inaccessible, inconnaissable et ineffable, il est inutile de chercher à le connaître ou le qualifier. L’être humain, par nature partiel, limité et éphémère, ne peut comprendre ni nommer ce qui est éternel, absolu et infini.

Pourtant, Johaben parvient à s’ouvrir à la présence divine. Ainsi, pour laisser place à l’indicible, il faudrait faire le vide, renoncer à comprendre, évacuer tout ce que l’on croyait savoir…

Voici donc une planche sur l’ignorance, en réponse à la question : « comment avez-vous été reçu Intendant des Bâtiments ? »

Lors de son initiation, le candidat effectue cinq fois le tour du Temple pour en admirer la beauté et les ornements. Dans ce lieu merveilleux où résident « la vérité et la souveraine sagesse », il ressent surprise et admiration, notamment à la vue du nom ineffable du Grand Architecte de l’Univers contenu dans l’Étoile flamboyante.

C’est bien son ignorance qui permet au candidat de s’émerveiller. Johaben lâche prise et se laisse traverser par la beauté du lieu, même s’il est conscient de ne la percevoir qu’en partie.

S’ouvrir et lâcher prise : ici, l’ignorance est synonyme d’abandon, de purification. Il s’agit d’oublier toutes ses croyances, tous ses attachements, toute ambition, tout désir de connaître, pour se laisser traverser par Dieu et son mystère.

Une purification suggérée par la présence de la mer d’airain dans le Temple, signifiant que l’on ne peut avoir accès aux choses sacrées qu’après s’être lavé de tout ce qui obscurcissait notre vue et notre esprit.

La perte d’Hiram est le symbole de l’ignorance au sens où on l’entend à ce degré. Les secrets sont perdus, les réponses sont inaccessibles. Et pourtant, en renonçant à connaître, le franc-maçon crée une place pour ce qu’il cherche : il peut se laisser habiter par l’évidence, par la présence divine ; son corps devient le temple de Dieu.

La présence du cercueil d’Hiram au centre du tableau de loge symbolise cette ignorance désormais consciente et reconnue, ignorance qui forme de terreau la Connaissance.

A partir du quatrième degré, le deuil d’Hiram constitue le moteur de la progression initiatique. Voilà la logique de la construction du « temple intérieur », une construction fondée sur la perte, le vide, non pas au sens de néant, mais de vacuité. Une vacuité qui permet l’accueil et l’amour de Dieu.

Au-delà de la perte, c’est l’exemple d’Hiram et son sens du sacrifice qui constituent le chemin vers la vérité : nous avons-là l’abandon du corps, du moi et de tous les attachements.

Pour s’imprégner de cette exemplarité, le rituel du huitième degré nous propose de revivre la scène du relèvement d’Hiram (troisième degré), par laquelle l’esprit du Maître renaît à travers la personne du nouvel initié. Ainsi, après sa prestation de serment, le candidat se voit couvert d’un voile rouge et assis sur un tabouret. Il est relevé « comme Hiram le fut par Stolkin sous la branche d’acacia ».

En résumé, la perte d’Hiram permet de dépasser ce qui faisait obstacle : l’orgueil, l’attachement aux réponses toutes faites, la soif de posséder et de connaître.

En franc-maçonnerie, l’important n’est pas d’être ignorant, mais de savoir reconnaître son ignorance, meilleur antidote contre le fanatisme et l’ambition.

Il y a donc deux formes d’ignorance : l’ignorance ignorée et l’ignorance reconnue. La pire des ignorances concerne celui qui ignore qu’il est ignorant : il tombe alors dans l’illusion de savoir, ce qui mène droit à l’erreur. Celui-ci a tendance à ne plus chercher, à ne plus s’interroger : ses certitudes forment un horizon indépassable. A l’inverse, celui qui sait qu’il est ignorant accède à la sagesse.

Quand ils savent qu’ils ne savent pas,
les gens peuvent trouver leur propre voie.
Tao Te King, 65

Veux-tu que je t’enseigne le moyen d’arriver à la connaissance ? Ce qu’on sait, savoir qu’on le sait ; ce qu’on ne sait pas, savoir qu’on ne le sait pas : cela est savoir véritablement.
Confucius

Nous l’avons vu, accéder à la Connaissance nécessite un certain lâcher-prise. Mais cela nécessite aussi effort et détermination : c’est le « zèle » au sens maçonnique. Cela appelle une lutte de tous les instants contre la facilité. C’est aussi apprendre à cultiver le doute.

La Connaissance s’approche aussi en développant une saine curiosité, tel Johaben au grade de Secrétaire Intime. Etre curieux, c’est chercher à comprendre, à se connaître et à connaître les autres. C’est s’ouvrir à l’inconnu, et même à l’inconnaissable.

L’ignorance est par ailleurs indissociable de l’humilité : pour preuve, le candidat Johaben est initié pieds nus. Il prête son obligation agenouillé, une branche d’acacia dans la main gauche, la main du coeur s’ouvrant ainsi à la Connaissance.

L’humilité est de même suggérée par le fait que le candidat est examiné aux trois premiers degrés et non aux degrés suivants, une sorte de régression « pour montrer que les progrès vers la vertu sont lents et graduels et, qu’avec humilité, il nous faut maîtriser notre orgueil ».

Au final, l’ignorance est fondatrice et créatrice : elle libère l’intuition, elle est la condition de la rencontre avec le Principe.

L’ignorance ne sera jamais totalement dissipée, le franc-maçon le sait, mais cela constitue son moteur. L’espérance nourrit le travail et la persévérance : « j’espère que le vif désir que j’ai de progresser et mon zèle pour l’Art royal disperseront un jour ce nuage qui obscurcit encore ma vue », déclare Johaben.

Etre ignorant n’est-il pas une chance ?

Voir aussi notre liste de planches au 5ème-12ème degrés

Pour aller plus loin :

Les essentiels du 5ème au 8ème degré couverture

Ce livre numérique pdf (75 pages) comporte 19 planches essentielles pour approfondir les thèmes du cinquième au huitième degré REAA.

Décryptez la légende, les symboles, les décors et les notions-clés à ces degrés.

Modif. le 11 mai 2024

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