Les quatre voyages du Maître Secret (planche)

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Les quatre voyages du Maître Secret : quel symbolisme, quelle signification ? Voici une planche au 4ème degré R.E.A.A.

Pour son initiation au quatrième degré R.E.A.A., le récipiendaire doit accomplir quatre voyages au coeur de la loge, en voyageant dextrorsum, une corde autour du cou. Préalablement, un voile noir orné d’une équerre d’argent a été placé devant ses yeux.

Avant même d’effectuer les quatre voyages, le Trois Fois Puissant Maître rappelle au futur Maître Secret sa situation intermédiaire : il évolue en effet dans un entre-deux, entre la maîtrise et la non-maîtrise, entre la Lumière et l’obsurité.

Plusieurs éléments viennent renforcer cette idée :

• le voile sur les yeux n’est ni transparent, ni occultant,
• le récipiendaire est dépouillé de ses décors de Maître sans avoir encore reçu ses nouveaux décors.

Le message semble évident : le chemin est encore long jusqu’à la réelle « maîtrise » de soi-même. Précisément, les quatre voyages vont venir poser les bases de la quête à venir, à travers une série de sentences particulièrement claires.

Nous allons voir que cette quête va prendre la forme d’une ascension spirituelle.

Entrons dans la signification symbolique des quatre voyages du Maître Secret à travers cette planche au 4ème degré R.E.A.A.

Les quatre voyages du Maître Secret : interprétation

Le quatrième degré pourrait être vu comme la poursuite d’un chemin déjà engagé. En réalité, il propose un pas en arrière, comme un nécessaire retour sur ce qui n’a pas été bien compris : « De même que vous ne voyez pas bien, vous ne comprenez pas bien. »

De fait, le franc-maçon n’acquiert pas réellement de connaissance supplémentaire au quatrième degré : au contraire, il est le mauvais élève qui doit redoubler…

Précisément, les voyages initiatiques offriront l’opportunité de mieux comprendre chacun des grands défauts qui nous caractérisent : ignorance, fanatisme et ambition.

Le premier voyage

Lors du premier voyage, le récipiendaire est renvoyé à lui-même, à ses préjugés et à sa superstition. Il est mis en garde :

• Vous ne vous forgerez point d’idoles humaines…
• Vous ne prendrez pas les mots pour des idées…
• Vous n’accepterez aucune idée que vous ne compreniez…

Ces sentences se veulent un remède au fanatisme qui prospère en nous. Pour cela, il faut faire l’effort de penser par soi-même.

Autrement dit notre réflexion doit désormais se fonder sur la raison : le Maître Secret devra lutter à chaque instant contre le retour en lui des éléments parasites, passionnels, instinctifs, troubles, inconnus ou impurs…

Le deuxième voyage

Lors de son deuxième voyage initiatique, le récipiendaire est renvoyé à sa relation aux autres :

• écoutez tous les hommes avec attention et déférence…
• ayez la ferme résolution de les comprendre…
• respectez toutes les opinions…

Ici, le futur Maître Secret est invité à l’écoute et à la tolérance. En effet, il y a toujours à apprendre des autres, ce qui ne veut pas dire qu’il faille se soumettre à leur discours.

Les sentences de ce deuxième voyage se veulent un antidote à l’ignorance, cette ignorance qui se traduit par un repli sur soi et le rejet d’autrui. Au quotidien, le Maître Secret doit se confronter aux autres, à d’autres idées ; il doit faire l’effort d’apprendre, de changer de regard, de se remettre en question, de retourner ses propres arguments.

Le troisième voyage

Lors du troisième voyage, le récipiendaire est renvoyé à son rapport au monde :

• quelque admiration que vous inspire le spectacle de l’Univers, du macrocosme au microcosme, souvenez-vous que vous ne l’admirez qu’en proportion de votre faiblesse en présence de son immensité…
• il n’y a de réellement admirable que la Loi universelle…

Ici, le Maître Secret et invité à réfréner son ambition et à faire preuve d’humilité. Car, malgré ce que tente de nous faire croire notre ego, nous sommes peu de chose : notre liberté est faible, nous sommes des êtres déterminés, éphémères, limités, soumis à des forces qui nous dépassent, inconscients des lois universelles qui nous gouvernent et gouvernent toute chose.

Voilà donc notre condition, voilà le désillusionnement à opérer pour intégrer notre véritable place dans le cosmos.

Le quatrième voyage

Le quatrième voyage du récipiendaire se veut la conclusion et l’aboutisssement des trois précédents :

Ce que la Franc-Maçonnerie vous demande, c’est d’aimer la Justice, de la révérer, de marcher dans ses voies, de la servir de tout votre cœur et de toute votre âme.

Rituel d’initiation au 4ème degré R.E.A.A.

Cette conclusion est donc un appel à la Justice. Autrement dit, pour désamorcer l’ignorance, le fanatisme et l’ambition, il faut pratiquer la justice envers soi-même, envers les autres, et adopter un juste rapport au monde :

• être juste envers soi-même, c’est écouter notre juge intérieur qui sait faire la part des choses entre raison et superstition, bon sens et mauvaise foi, pensée libre et préjugé. Ce juge intérieur se fonde sur la connaissance de soi,
• être juste envers les autres, c’est se souvenir que chacun dispose d’un fragment de vérité, et que la vérité totale nous échappera toujours,
• adopter un juste rapport au monde, c’est se souvenir que nous sommes un carrefour d’influences et que nous n’avons aucune essence propre. C’est reconnaître que notre monde intérieur n’est qu’un reflet très imparfait et très éloigné de la réalité : n’ayant aucune capacité à comprendre ce qui nous arrive, il nous reste à accepter le cours des choses, dans un silence qui rappelle les lèvres closes par le Trois Fois Puissant Maître.

La Justice est donc la voie qui nous permettra de traverser les obstacles, d’éviter les écueils qui nous attirent sans cesse vers l’erreur et l’illusion. C’est encore un chemin de liberté qui conduit à nous détacher de notre condition animale : peu à peu, nous abandonnons notre matérialité pour entrer dans le domaine de la spiritualité.

Conclusion

Les quatre voyages du Maître Secret offrent des réponses existentielles à la présence des mauvais compagnons en nous. Ces réponses peuvent être résumées en deux mots : Devoir et Justice. Devoir de pratiquer la Justice envers nous-même, envers les autres et dans notre rapport au Tout. Devoir de travailler et de persévérer pour atteindre cet objectif.

Ce juste rapport aux choses nous ouvre les « hautes régions de la connaissance spirituelle » : nous entrons dans un univers de sérénité, de paix et d’acceptation. La sérénité relève de l’ordre intérieur ; la paix exprime l’harmonie sociale ; l’acceptation signe l’intégration de notre microcosme dans le macrocosme : notre individualité s’efface, nous nous laissons enfin habiter par le Tout.

Modif. le 5 octobre 2025