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Le supplice des mauvais compagnons : planche au 10ème degré

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Le supplice des mauvais compagnons : en quoi consiste-t-il ? Comment l’interpréter ? Voici une planche au 10ème degré REAA.

Après avoir été découverts dans la carrière, les deux assassins d’Hiram sont enchainés l’un à l’autre et chargés de fers sur lesquels sont gravés l’énoncé de leurs crimes et leur châtiment à venir.

Le rituel décrit ensuite :

 Ils furent conduits devant Salomon qui leur reprocha leur crime odieux, ordonna qu’ils soient enfermés dans la Tour d’Achizar jusqu’au jour où ils devaient être exécutés dans les tourments les plus atroces en proportion de leurs forfaits. Un matin, à la dixième heure, ils furent attachés à deux pieux par le cou, la ceinture et les pieds, les bras liés derrière le dos. Le bourreau les ouvrit depuis la poitrine jusqu’ à l’os du pubis. Ils demeurèrent ainsi pendant huit heures, les mouches et les insectes venant se repaître de leurs entrailles. Leurs gémissements et leurs plaintes étaient si pitoyables qu’ils touchèrent le cœur même du bourreau qui leur coupa la tête et jeta leur corps par-dessus les murailles de Jérusalem pour servir de pâture aux corbeaux et aux bêtes sauvages.

Les mauvais compagnons sont donc d’abord enfermés dans la tour d’Achizar. Selon le Premier livre des Rois, « Achizar était chef de la maison du roi » (I Rois, 4, 6). De même, selon le rituel du dixième degré, il est le « grand maître de la maison du roi ».

Les deux traitres sont exécutés le lendemain matin à dix heures :

  • nus, ils sont liés par le cou, la ceinture et les pieds à un poteau, bras derrière le dos,
  • leurs ventres sont ouverts de la poitrine jusqu’à l’os du pubis,
  • ils sont exposés dans cet état durant huit heures sous le Soleil. Les insectes viennent manger leurs entrailles et boire leur sang,
  • ensuite, le bourreau leur tranche la tête et jette leurs corps par-dessus les murailles de la ville « comme pâture pour les corbeaux et les bêtes féroces »,
  • enfin, les deux têtes plus celle d’Abiram sont fixées sur des pieux et exposées pour l’exemple.

Au-delà de la cruauté du supplice et de la durée de l’agonie, le châtiment tel qu’il est exécuté révèle un symbolisme profond.

Le supplice des deux mauvais compagnons : voici donc une planche au 10ème degré R.E.A.A.

Voir aussi le rituel complet du 10ème degré REAA

D’abord, la ligature des criminels par le cou, la ceinture et les pieds évoque leur neutralisation : ils ne peuvent plus parler ni agir ; les passions sont réprimées. Le cou et la ceinture sont des points à maîtriser, comme suggéré par les signes d’ordre du premier et du troisième degré.

Ensuite, le bourreau ouvre le ventre des deux individus, « de la poitrine jusqu’à l’os du pubis ». Le ventre est le lieu des passions, des envies et des tentations. De même, le pubis symbolise les pulsions dans leur côté le plus malsain.

Ce geste d’éventration amorce le processus de putréfaction : la matière corrompue est vouée à se détacher pour révéler l’os, le squelette, l’être pur, qui en l’occurrence sera définitivement nettoyé par la mort.

Les entrailles des criminels sont laissées aux insectes et aux mouches venimeuses : ainsi leur voracité criminelle est livrée à la même voracité, dans un effet miroir évident.

De fait, ce châtiment nous invite à une nouvelle plongée dans la caverne : c’est la visite du ventre, du corps-matière pour y extraire les obstacles à notre élévation spirituelle : passions, pulsions, illusions. La caverne est grande ouverte, placée sous le feu solaire durant huit heures : il n’y a plus la moindre place pour les ténèbres.

Puis les têtes sont coupées pour être exposées sur les remparts de Jérusalem, les corps étant jetés à l’extérieur de ville : nouvelle séparation alchimique, entre le psychisme et le corps.

Ici, la ville de Jérusalem symbolise l’espace sacré (cf. la Jérusalem céleste), le vrai Soi, ou encore le monde de l’âme éveillée. Pas étonnant, dans cette perspective, que le corps soit définitivement rejeté hors de la ville : impur et vorace, il est livré aux animaux voraces. Ainsi le serpent avide se dévore-t-il lui-même, tel l’Ouroboros qui n’a pas encore compris qu’il formait un seul et unique être.

Les corbeaux viennent se repaître sur les corps décapités. Notons que dans la tradition alchimique, le corbeau représente la putréfaction de la matière, notamment en raison de sa couleur noire (cf. l’Oeuvre au noir).

Enfin, les têtes (le psychisme) sont placées sur les remparts, autrement dit ni dans la ville, ni à l’extérieur. L’âme se situe en effet entre le corps et l’esprit, entre l’animalité et la conscience : elle peut basculer d’un côté ou de l’autre, se perdre ou s’éveiller.

Le supplice, au coeur du dixième degré

Omniprésent à ce degré, le supplice se retrouve dans le serment :

Si je manquais à mon serment, je consens à ce que mon corps soit ouvert de haut en bas pour être exposé pendant huit heures, en plein, air, pour que mes entrailles deviennent la pâture des mouches et autres insectes, à ce que ma tête soit coupée et exposée sur le lieu le plus élevé de la Terre.

Serment du dixième degré

Ce serment rappelle en particulier celui du troisième degré :

Si je manquais à ce serment solennel, que mon corps puisse être coupé en deux parties, mes entrailles arrachées et brûlées et les cendres dispersées aux quatre points cardinaux, afin qu’il ne reste aucune trace parmi les humains et en particulier parmi les Francs-Maçons, d’un homme aussi méprisable !

On retrouve aussi le geste d’éventration dans le signe du dixième degré, qui consiste à se porter le poignard sous le menton et le descendre le long du ventre comme si on voulait l’inciser.

Enfin, on le retrouve dans l’attouchement, qui consiste à se porter réciproquement le poing sur la poitrine, pouce levé comme si l’on voulait mutuellement s’éventrer…

On peut s’étonner de la cruauté du supplice infligé aux mauvais compagnons :

Ils souffraient bien plus que la mort et leurs plaintes et lamentations émurent même le bourreau.

Rappelons toutefois que la légende s’inscrit dans le cadre de l’Ancien Testament, ancienne alliance marquée par la loi du Talion. A l’évidence, les auteurs ont souhaité conserver l’esprit d’une justice miroir qui doit servir d’exemple « au peuple et aux ouvriers du Temple ».

En réalité, la cruauté du châtiment doit être relativisée, car la légende doit être abordée dans sa dimension ésotérique et non littérale. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une vengeance contre les hommes, mais contre l’erreur et l’illusion.

Le châtiment constitue alors une mise en garde : se laisser entrainer dans les sentiers de l’erreur mène toujours à la souffrance et à la perte d’une partie de soi. On ne peut éviter la caverne ; si l’on refuse d’y entrer, elle s’ouvrira à nous dans la douleur, et ce qui doit être extrait se fera dans une sorte de supplice intérieur…

Voir aussi notre liste de planches du 5ème au 12ème degré

Pour aller plus loin :

Les degrés de vengeance Adrien Choeur

Ce livre numérique pdf (72 pages) comporte 19 planches essentielles pour approfondir le symbolisme des degrés de vengeance ou d’Elu au R.E.A.A.

Décryptez la légende, les personnages, les décors et les notions-clés à ces degrés.

Modif. le 1 juin 2024

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