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L’écossisme : définition et esprit

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L’écossisme en franc-maçonnerie : définition et caractéristiques. Quels sont les fondements de l’écossisme ? Quelle différence avec l’esprit des « Modernes » ? Voici une planche maçonnique sur l’écossisme.

L’écossisme est l’une des grandes traditions de la franc-maçonnerie, caractérisée par un système particulier de hauts grades qui s’ajoutent aux trois degrés symboliques.

L’écossisme est souvent associé à la création du Rite Écossais Ancien et Accepté (R.E.A.A.), l’un des rites maçonniques les plus pratiqués dans le monde. Mais lorsqu’on parle d’écossisme, on s’intéresse plus particulièrement aux hauts grades. Il convient donc de distinguer R.E.A.A. et écossisme à proprement parler.

Le Français Étienne Morin (1717-1771) est considéré comme l’une des figures les plus importantes de l’écossisme, pour avoir élaboré aux Antilles le Rite de Perfection en 25 degrés. C’est plus tard, via l’Amérique, que quelques maçons le ramenèrent en France en 1804 sous le nom de Rite Écossais Ancien et Accepté.

Le R.E.A.A. comprend 33 degrés : si les trois premiers degrés, symboliques, sont assez communs à tous les rites, les degrés suivants explorent des thèmes historiques, philosophiques et ésotériques plus profonds, qui font toute la spécificité de l’écossisme.

En réalité, la caractéristique la plus marquante de l’écossisme est peut-être que le troisième degré est considéré comme un commencement et non une fin.

Mais quel est vraiment l’esprit de l’écossisme en franc-maçonnerie ? Tentons une définition.

L’écossisme est souvent associé au courant maçonnique des « Ancients » par opposition aux « Moderns ».

Pour rappel, en 1717, quatre loges londoniennes s’unissent pour former la Grande Loge de Londres, future Grande Loge d’Angleterre. En 1751, un groupe de francs-maçons mécontents des changements introduits dans les rituels fait scission et fonde la Grande Loge des « Ancients », avec pour objectif de retrouver une maçonnerie plus pure et traditionnelle.

Précisément, l’écossisme s’inscrit dans la continuité des « Ancients », par différence avec le rite de la Grande Loge de Londres, lequel passera en France sous le nom de Rite Français.

Est-ce à dire que l’écossisme serait une sorte de franc-maçonnerie plus traditionnaliste, donc moins engagée, moins tournée vers l’avenir, moins « humaniste », que cette des « Modernes » ? Rien n’est moins sûr.

L’humanisme est au coeur de l’écossisme, même si les loges et obédiences travaillant au R.E.A.A. sont moins axées sur les sujets sociétaux que les loges et obédiences travaillant au Rite Français.

Alors que les « Modernes » s’appuient sur la raison et les sciences humaines comme moyen d’accéder à la Vérité, les Ecossais y ajoutent une dimension spirituelle. En fait, l’humanisme écossais se structure autour du principe de la primauté de l’Esprit sur la matière et de l’investissement de l’Homme par l’Esprit.

Même si le maçon écossais assume son lien avec le monde, il insiste sur la part sacrée de l’être. Ce sacré concerne tous les niveaux de l’existence humaine, de l’activité physique à l’action spirituelle qui vise le dépassement de la condition humaine. L’écossisme s’appuie sur la raison mais en dépasse les limites. Ce dépassement nécessite la prise de conscience de l’indicible, de l’incommunicable dont la Tradition demeure le vecteur unique.

Cet humanisme auquel se rattache l’écossisme est un humanisme traditionnel et transcendant, voire intégral dans la mesure où il s’adresse à la totalité de l’être. Il conduit à considérer avec attention les œuvres de certains philosophes de l’Antiquité, toujours porteurs de valeurs universelles. Leurs œuvres philosophiques, et littéraires même, constituèrent pendant longtemps ce qu’on appelait « les belles-lettres » ou « les humanités », parce qu’en plus de leur valeur culturelle, elles présentaient des qualités qui touchaient à l’essence cachée des choses.

Ainsi, Hésiode, Homère, Platon, Epictète, Virgile, Sénèque, etc, aident à diriger nos sentiments, à les façonner non pour satisfaire à une quelconque morale humaine, mais pour nous permettre d’accéder à un plan supérieur de conscience.

Certains pensent que les Antiques eux-mêmes auraient pris comme référence une production philosophique antérieure, plus ancienne, considérée comme inépuisable dans ses bienfaits, insensible aux outrages du temps. L’écossisme s’attache à ces références absolues, à cette Sophia Perennis, cette sagesse éternelle sans laquelle l’homme ne serait que l’animal le plus habile de tous.

Ces philosophes s’apparentaient plus à des sages qu’à des philosophes au sens moderne du terme. La vérité qu’ils tentent d’exprimer n’est pas seulement vécue mentalement. Certes, chez le sage, comme chez le maçon écossais, l’idée doit engager la totalité de l’être. Le maçon, fait de chair et d’os, sait appartenir à l’Esprit autant qu’à la matière et revendique ces deux origines complémentaires. Il se sait autant fils du Ciel que de la Terre.

Le maçon écossais se sait soumis aux grands principes universels, qu’ils soient cosmiques ou métaphysiques, et tente de vivre en harmonie avec eux, sachant que le visible constitue la manifestation de l’invisible. Son intuition le conduit à voir dans le monde manifesté les symboles, les signes de l’Intelligence Principielle, la trace de l’Esprit.

Nous l’avons vu, l’approche du philosophe humaniste moderne est différente de celle du maçon écossais. Le premier refait le monde mais demeure souvent dans l’incapacité de vivre les systèmes intellectuels qu’il a échafaudés en principes universels.

Le second recherche plutôt un état d’équilibre, d’harmonie, de paix intérieure et de sagesse, ce qui lui permet de préparer son « terreau » pour l’ensemencement des vertus théologales, celles qui viennent d’En haut.

Ces vertus correspondent à un état spirituel transcendant toute morale humaine.

L’humanisme des « Modernes » place l’Homme au-dessus de toutes les valeurs, parce qu’il est un être raisonnable et libre. Mais on peut se demander de quelle liberté il s’agit, peut-être de celle que Descartes avait qualifiée de liberté d’indifférence, autrement dit de la pure faculté de choix ou « libre-arbitre ».

Ce libre-arbitre, si tant est qu’il existe véritablement, peut effectivement être vu comme l’un des éléments de la dignité humaine, mais il s’avèrera surtout la source de nombreux errements. Cette forme de liberté philosophique n’est pas celle qui intéresse l’écossisme.

La liberté de l’écossisme est celle qui, éclairée par la Lumière de la Connaissance et de la Vérité, glorifie l’action humaine en l’inscrivant dans le plan du Grand Architecte de l’Univers. Ainsi l’écossisme transcende-t-il toute forme de liberté en commençant par celle de l’humanisme existentialiste.

Je suis homme : je dure peu et la nuit est énorme.
Octavio Paz

Cette citation résume l’esprit de l’écossisme. Il semble que l’Homme moderne, celui des Lumières ou de l’humanisme contemporain ne veuille plus assumer ces ténèbres. Tocqueville disait : « il est très difficile de faire bien vivre des hommes qui ne veulent pas mourir ».

L’initiation de Rite Écossais Ancien et Accepté nous enseigne qu’il existe une issue à cette « nuit énorme » : cette issue passe par la mort symbolique. Si nous mourrons à cette vie profane, nous comprenons alors que nous ne sommes que des êtres limités, mais nous comprenons surtout qu’en nous réside une richesse inexploitée, celle que confère l’Esprit.

L’homme contemporain occidental vit dans un monde matériellement confortable, mais il ignore le plus souvent qu’il a sacrifié l’essentiel de sa sérénité. La réalité de la vie le rattrape : l’angoisse, la déprime et la peur l’envahissent. Aujourd’hui la peur semble liée à l’absence de repères, de limites, de règles. L’Homme vit dans un monde sans ancrages, sans bornes ; tous ces hommes qu’on a décrétés libres et égaux, en l’absence de toute hiérarchie, doivent désormais tout réinventer par eux-mêmes. Certains sont abandonnés à une autonomie angoissante, d’où le besoin de « coachs », d’assistants, de numéros verts, de cellules psychologiques.

Ainsi la société, en conférant la liberté des Lumières, fondement de l’humanisme moderne, n’a pas apaisé la peur, cette peur ennemie de la dignité.

Au contraire, l’écossisme se fixe pour objectif de libérer l’Homme, en se fondant sur l’idée que le réel ne se réduit pas à des aspects concevables et quantifiables.

L’Écossisme perçoit l’homme comme le centre privilégié où se rencontrent les influences célestes et terrestres. Il se rattache à la Tradition Primordiale, en sorte qu’en occident, il est l’un des rares vecteurs d’accès à un humanisme intégral, parce que traditionnel et transcendant.

Mais la Tradition du rite, qui doit demeurer foncièrement exempte de tout dogmatisme, est aussi  étrangère à tout « traditionalisme ». Un tel traditionalisme constituerait une déviance en s’attachant plus à la lettre qu’à l’esprit, ou en ne retenant que certains des aspects intellectuels extérieurs et superficiels de la Tradition.

Cette position dogmatique s’apparenterait à une cécité intellectuelle qui prônerait exclusivement un retour au passé en s’affirmant farouchement « antimoderne ». Il s’agirait d’une doctrine passéiste, particulièrement intolérante, qui ne retiendrait de la Tradition que la part qui sert un combat d’exclusion.

Cette vision est en totale opposition avec le point de vue qui est celui de l’humanisme écossais qui agit en vue d’une solidarité cosmique, en prônant un Amour universel.

L’écossisme n’est donc pas un passéisme. Si la sagesse traditionnelle, dont le Rite est conservateur et garant, regarde vers le passé, c’est pour en tirer ce qu’il y a de permanent et d’essentiel pour l’Homme.

L’écossisme actualise ce passé, s’y insère pour féconder le présent, dans une actualité permanente, dans un éternel printemps. En fait, l’écossisme ne retourne pas au passé, il retourne à la source pour élargir le présent avec un seul but : le bonheur de l’Homme ici et maintenant.

Nous l’avons vu, l’écossisme est un ordre traditionnel et initiatique qui porte en lui l’humanisme. On pourrait aussi dire qu’il est un ordre dont l’humanisme est une résultante.

L’écossisme se nourrit des grandes traditions de sagesse ancienne : philosophie grecque et latine, « humanités » mais aussi alchimie spirituelle ou kabbale. Ces traditions permettent d’approcher les « Vérités stables », compatibles avec la morale, la raison et la science, tout en dépassant ces dernières.

L’écossisme s’appuie sur la raison pour accéder au domaine de la spiritualité. La méthode initiatique et symbolique écossaise garantit l’omniprésence du filtre de la raison ; en même temps, elle permet de s’aventurer au-delà de la raison, dans un territoire où les concepts s’effacent devant l’immense force d’Amour qui gouverne le Tout.

Enfin, l’écossisme prône une démarche avant tout intérieure. Il ne s’agit pas d’adhérer à des idéaux extérieurs qui seraient l’incarnation clé-en-main du bien contre le mal, mais de travailler sur soi-même, sur sa propre matière en vue d’en extraire l’Esprit caché. Il s’agit en réalité d’une quête jamais achevée. Pour les écossais, la Lumière ne peut être trouvée que dans l’obscurité de l’intime…

Symboles et valeurs au REAA - Adrien Choeur

Ce recueil de 60 planches inédites, accessible aux apprentis, permet d’approfondir culture maçonnique et symbolisme du travail en loge.

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Modif. le 11 mai 2025

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