Blanche-neige et les sept nains : approche psychologique et interprétation ésotérique. Voici une planche maçonnique sur ce célèbre conte.
Cette planche qui traite du célèbre conte des frères Grimm et du film de Walt Disney (qui était franc-maçon), montre qu’au fond de la mémoire populaire se cachent des archétypes qui nous interpellent et dont le contenu initiatique est parfaitement reconnaissable.
D’autres l’ont déjà analysé, notamment Bruno Bettelheim (psychanalyste) en s’appuyant sur la théorie psychanalytique, ou encore Jean Duprat qui a magistralement étudié ce conte en s’appuyant sur des concepts hindouistes et néanmoins universels.
Pour l’analyse, acceptons au préalable le fait que les personnages (la Reine, Blanche-Neige, les nains, le Prince Charmant et même le Miroir) sont les figures de différents aspects de l’âme humaine d’une seule et même personne. Le conte devient alors notre chemin initiatique…
Tentons d’interpréter le symbolisme maçonnique du conte Blanche-neige et les sept nains.
Blanche-neige et les sept nains : symbolisme maçonnique
Le conte débute dans un château ; une Reine interroge le Miroir magique. Pour la première fois, celui-ci lui répond qu’elle n’est pas la plus belle : « Blanche-Neige est plus belle que toi ». Quelque part dans le château, cette dernière, une toute jeune fille vêtue en souillon, accomplit des travaux serviles.
Le Paraître du Moi est interrogé pour la première fois par la conscience de l’être, en l’occurrence le Miroir magique. Prise de conscience : n’est-ce pas le début de notre démarche ? Prise de conscience de la futilité de la mondanité et émergence d’un qui suis je ? appelant à une connaissance de soi (connais-toi toi-même) avec des potentialités jusque-là insoupçonnées…
Duprat appelle cela l’âme spirituelle ; il est vrai que la fin de la maxime socratique dit : « et tu connaîtras l’univers et les dieux ». Le Par-Etre (en deux mots) écrasait l’âme spirituelle comme la Reine écrase Blanche-Neige dans des travaux serviles.
La prise de conscience se fait alors du dehors et du dedans. Le Miroir renvoie à l’extériorité du monde, à l’être dans le monde ; en même temps Blanche-Neige devant un auditoire d’oiseaux, dans la cour du château (à l’intérieur donc) exprime pour la première fois son désir de rencontrer un Prince charmant.
Comment comprendre ce Prince charmant dans notre démarche initiatique ? Peut-être comme une recherche de spiritualité. Nous sommes toujours dans le « connais-toi toi-même » et l’on peut s’interroger sur un Soi universel renvoyant à l’atman de l’hindouisme.
En psychanalyse, le stade du miroir est le moment où l’enfant dans les bras de sa mère se trouve différent d’elle, devient un individu et dit « je ». Plus tard, il s’apercevra que « je » n’est pas « moi » et qu’il y a une différence entre ce que je suis, mon « moi », et ce que « je » parais, bref entre mon âme mondaine et mon âme spirituelle. Lacan avait lu Blanche-Neige !
Dans le conte, une rencontre a lieu. Elle est furtive et réflexive. Blanche-Neige penchée près du puits aperçoit dans l’eau la figure d’un cavalier. Effarouchée, elle s’enfuit à l’intérieur du château mais elle est troublée par cette première « réflexion ». Confuse de sa tenue, elle a un geste de coquetterie avant de se montrer à la fenêtre (elle passe sa main dans ses cheveux) ; c’est le début de la prise de conscience de sa beauté intérieure. Ou, pour reprendre Duprat, de son « âme spirituelle », jusque-là voilée par son activité dans le monde.
Ici, la symbolique du regard est forte, celui-ci projette sa lumière, non plus sur l’extérieur mais l’intérieur de soi. Il y a « une conversion du regard ».
Le noeud dramatique
Nous voici parvenus au premier nœud dramatique. Devant la franchise du Miroir magique, la Reine se rebelle. Car une chose est d’avoir conscience d’un fait, autre chose est de l’accepter. L’âme passionnelle possède la faculté de rejeter l’évidence. Aussi, la Reine convoque-t-elle un garde auquel elle donne l’ordre d’emmener Blanche-Neige dans la forêt et de la tuer. La vanité de l’âme mondaine tente d’écraser cette « beauté intérieure ».
Le meurtre ne sera en fait que symbolique. Le bras levé pour frapper va défaillir. On apprend par la suite qu’à Blanche-Neige épargnée est substituée une biche dont le cœur est présenté à la Reine. Toute Renaissance demande une mort préalable avec preuve à l’appui… Ne présente-t-on pas au vénérable les métaux de l’impétrant ?
Ayant échappé au couteau, Blanche-Neige éperdue s’enfuit. Dans sa peur panique, la forêt lui apparait affreusement hostile. Un monde ténébreux se manifeste à elle. Les arbres deviennent des monstres grimaçants qui l’agrippent de leurs griffes au passage. Elle court, elle trébuche, s’enfuit jusqu’au moment où, à bout de forces, elle s’effondre sanglotante dans une clairière, puis s’endort.
Ne retrouve-t-on pas là le premier voyage, celui du cabinet de réflexion avec l’hostilité des sentences, la mort qui rode, le Miroir qui interroge ? On nous demande également de quitter nos états antérieurs par un testament. Etats antérieurs ou démarches antérieures qui pourraient être préjudiciables au but de notre quête. Puis nous traversons des lieux hostiles, planche à boules, planche à bascule…
Un renouveau
Pendant le sommeil de Blanche-Neige, la forêt est devenue un lieu paradisiaque éclairé par une lumière de printemps. Les animaux convergent vers la clairière où la jeune fille s’éveillera dans un âge d’or.
Aucune hostilité entre les bêtes ; toutes paraissent attirées par Blanche-Neige. Ne dit-on pas à la fin du quatrième voyage : « Récipiendaire dans ce voyage vous n’avez entendu aucun bruit… » ?
Tout est calme. C’est le retour de l’âme spirituelle au centre du Soi. La Lumière est donnée (« que le bandeau lui soit retiré »). Il nous reste maintenant à aligner notre être intérieur avec le centre du monde.
Les sept nains
Blanche-Neige est conduite jusqu’à une maison dont les occupants sont absents. Ces derniers, sept nains, sont en train de travailler dans une mine, creusée dans la montagne, d’où ils extraient des diamants.
Des nains gardiens du trésor donc, les diamants n’étant rien d’autre que du charbon ayant reçu la lumière… Les nains travaillent au cœur de la montagne, chacun suivant une voie psychique :
- l’un médite en dormant, sorte de lâcher-prise,
- l’autre choisit la voie rationnelle (Prof),
- Simplet choisit la voie de l’intuition : « laissez venir à moi les simples d’esprit »,
- Grincheux conteste tout, dans un scepticisme qui rappelle Descartes,
- la voie qui mène à la Joie bien sûr est représentée par Joyeux,
- etc.
Quant au chiffre 7, il indique une renaissance après la fin d’un cycle…
L’ordre
La maison est mal tenue. Aidée par les animaux de la forêt, Blanche-Neige entreprend d’y mettre de l’ordre ; pour ce faire, « elle rassemble ce qui est épars ».
Ayant achevé son travail, fatiguée, elle s’étend en travers des lits des sept nains. Elle a maintenant pleinement conscience de ses possibilités psychiques ; elle peut les envisager toutes. Elle a mis de l’ordre pour pouvoir continuer son travail initiatique : Ordo Ab Chao.
Ce n’est plus une interrogation sur la mondanité qui l’intéresse mais une interrogation sur sa propre spiritualité. Un retournement s’est produit : c’est ce que ne comprennent pas les sept nains lorsqu’ils « rentrent du boulot ». Ils sont dans un premier temps effrayés, mais une fois qu’ils auront compris que Blanche-Neige vient de réaliser l’unité de l’Etre, ils seront en fête.
Unité individuelle mais non encore unité fraternelle ou cosmique car pour cela il faudra autre chose, que nous verrons plus tard.
La réaction de la Reine et la seconde mort
La Reine apprend par le Miroir magique que Blanche-Neige est toujours en vie et réside chez les sept nains, par delà les sept cascades, au pied des sept collines.
Dans sa colère, la Reine a recours à des pratiques magiques. Elle se transforme en une horrible sorcière pour ne pas être reconnue et élabore une pomme empoisonnée. Elle rejoint Blanche-Neige au domicile des sept nains en l’absence de ces derniers, et l’empoisonne. Blanche-Neige croque la pomme et s’effondre, apparemment morte. Les nains arrivent trop tard. Ils poursuivent la sorcière à travers les rochers d’une montagne dénudée. Elle tombe dans un ravin et se tue.
Voila donc le récit d’une seconde mort, le début d’une seconde phase initiatique ouvrant cette fois la porte des Grands Mystères. La Reine-sorcière est définitivement morte. Elle est tombée dans un abime luciférien montrant, si cela était encore nécessaire, le caractère illusoire de la mondanité.
L’entité physique Blanche-Neige existe encore pour les sept nains, qui vont d’ailleurs la placer dans un cercueil de verre. Mais son âme est ailleurs.
La première mort s’était faite par blessure, le cœur étant symboliquement arraché : l’amande devait être ôtée de sa coque, le germe mis à nu. Une sourate du Coran dit : « Certes, Dieu est le fendeur du grain et du noyau, il fait sortir le vivant du mort et il est celui qui tire le mort du vivant ».
La seconde mort est la conséquence de la consommation d’un fruit empoisonné mais pas n’importe quel fruit : la pomme ! Or la pomme est un faux fruit ; en effet, le fruit correspond uniquement au centre qui porte les graines. Blanche-Neige meurt d’avoir mangé le faux fruit, de s’être une dernière fois laisser aller à la gourmandise, à la fausseté du monde. Elle n’a pas encore trouvé le fruit à proprement parler, ce centre du monde.
Mais cette mort matérielle enclenche la possibilité d’une renaissance spirituelle. Conscients de cela, les sept nains ne l’ensevelissent pas mais la préparent à sa nouvelle vie en la plaçant dans un cercueil de verre. Sur le chemin initiatique, il faut parfois savoir patienter, mûrir avant de se relever meilleur…
Or le réveil se fera par l’irruption au sein de la conscience de la force qui régit tout : l’Amour.
Un voyage inédit au coeur de la symbolique maçonnique du Rite Ecossais Ancien et Accepté.
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Modif. le 13 octobre 2025