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Alchimie, psychologie et psychanalyse : quel lien ?

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Alchimie, psychologie et psychanalyse : quel rapport ? En quoi l’alchimie serait-elle une proto-psychologie ?

L’alchimie spirituelle est une pratique spéculative qui consiste à accomplir un chemin personnel de purification intime, afin de renaître sous la forme d’un être nouveau, conscient et éveillé. Il s’agit aussi d’une pratique mystique, le but final étant l’union avec Dieu.

Née vers la fin de l’antiquité gréco-égyptienne, l’alchimie s’est diffusée autour de l’an mille dans le monde musulman avant de passer en Occident. Elle connaît un certain succès au Moyen âge et à la Renaissance.

Progressivement, les recettes de laboratoire, qui visent à transformer la matière (notamment le plomb en or), sont interprétées comme des métaphores de la purification de l’âme. Des figures comme Paracelse ou Nicolas Flamel insistent sur la dimension spirituelle de l’alchimie : pour eux, la transformation des métaux n’est qu’un miroir de la transformation intérieure. A ce titre, la Pierre philosophale n’est plus seulement un catalyseur chimique, mais devient une métaphore de l’illumination, une illumination qui passe par une « guérison » de l’âme.

L’alchimie développe alors une dimension psychologique, même si le terme n’existe pas encore. Elle s’enrichit d’éléments symboliques dans le but de refléter toujours mieux l’état de l’âme. Et c’est tout naturellement qu’à partir de la fin du XIXe siècle, l’alchimie attire l’attention d’une discipline naissante : la psychologie.

Tentons d’aborder le lien entre alchimie, psychologie et psychanalyse.

Dès sa création, l’alchimie considère le monde comme un Tout unitaire et cohérent. Ce Tout peut se comprendre comme l’union de deux énergies fondamentales, présentes en toute chose et en tout être :

  • la première énergie est symbolisée par la Lune : c’est une force de séparation, associée à la matière sombre et chaotique. C’est la Nature en lutte contre elle-même, qui se dévore elle-même,
  • le deuxième énergie est symbolisée par le Soleil : c’est la force d’union, c’est la puissance qui organise tout, qui relie tout, qui aime tout. C’est l’Esprit caché dans la matière.

Ces deux forces caractérisent le macrocosme (l’univers), mais aussi le microcosme, c’est-à-dire notre monde intérieur.

L’alchimie traditionnelle part de l’idée que le principe solaire est retenu prisonnier au sein de la sombre matière. L’alchimiste est celui qui tente d’extraire ce noble principe de son Corps, afin de révéler ce qu’il y a de plus noble, de plus divin en lui.

Au commencement du processus, l’âme se trouve donc sous la coupe du corps-matière : notre psychisme est dominé par notre nature animale, nos pulsions, nos attachements. Ignorants de cela, nous sommes plongés dans une totale illusion.

Or, la première étape du processus alchimique, l’Œuvre au noir, consiste à opérer une mise à distance de la matière pour libérer l’âme. Cette dernière peut alors révéler son côté le plus pur, le plus divin. Pour cela, il aura fallu visiter la « sombre matière » et faire l’effort de se connaître soi-même.

Ce processus peut facilement trouver sa traduction sur le plan psychologique, le but de la psychologie étant de mieux comprendre le fonctionnement de la psyché afin de parvenir à un meilleur équilibre global. Il s’agit de plonger dans l’inconscient (la sombre matière) pour en visiter les ressorts, ce qui revient à élargir la conscience (la Lumière intérieure) afin de développer une meilleure relation à soi-même, aux autres et au monde.

La psychanalyse est une méthode d’investigation des processus psychiques profonds ; elle se fonde sur les travaux de Freud et de ses continuateurs.

La psychanalyse développe une théorie de l’inconscient, instance psychique contenant pulsions, souvenirs et désirs refoulés. Freud décrit l’inconscient comme un réservoir d’éléments influençant nos pensées, nos actes et nos rêves.

La psychanalyse vise à résoudre les conflits internes et à favoriser l’autonomie psychique ; pour cela, il faut pénétrer l’inconscient et l’éclairer.

On peut encore voir la psychanalyse comme la théorie de l’affrontement du conscient et de l’inconscient : en ce sens, elle est proche de l’alchimie. En effet, de la même manière que l’alchimiste tente de libérer son âme de la coupe de la matière, le psychanalyste aide le patient à libérer son psychisme de la coupe de son inconscient.

Bien sûr, l’alchimie comporte une dimension métaphysique (voir mystique), absente dans la psychanalyse. Mais on peut accorder aux deux disciplines une même dimension initiatique.

En alchimie, le dragon représente l’énergie matérielle qu’il faut tenter de connaître et de maîtriser.

Déchainé, le dragon représente la Vie qui se dévore elle-même, qui convoite et qui désire. Mais régulé, le dragon exprime l’équilibre intérieur et l’harmonie cosmique.

De même, en psychologie, le dragon peut renvoyer au côté ténébreux et inconscient du psychisme humain. Cet inconscient doit être vaincu par un effort héroïque de connaissance de soi.

Carl Gustav Jung, psychiatre suisse et fondateur de la psychologie analytique, a marqué l’histoire de la pensée par ses théories sur l’inconscient collectif, les archétypes ou encore l’individuation. Parmi ses centres d’intérêt figure l’alchimie, dont il a révélé toute la profondeur psychologique.

Pour Jung, l’alchimie est une métaphore puissante du processus de transformation psychique. À travers ses écrits, notamment Psychologie et Alchimie (1944), il explique comment les symboles alchimiques reflètent les dynamiques de l’inconscient et le chemin vers l’individuation.

Il existait une « philosophie alchimique », précurseur titubant de la psychologie la plus moderne. Le secret de cette philosophie alchimique, et sa clé ignorée pendant des siècles, c’est précisément le fait, l’existence de la fonction transcendante, de la métamorphose de la personnalité, grâce au mélange et à la synthèse de ses facteurs nobles et de ses constituants grossiers, de l’alliage des fonctions différenciées et de celles qui ne le sont pas, en bref, des épousailles, dans l’être, de son conscient et de son inconscient.
C. G. Jung, Psychologie et alchimie

Jung a notamment célébré les 400 ans de la mort de Paracelse, célèbre alchimiste qu’il considérait comme un psychiatre avant l’heure.

Pour Jung, les textes alchimiques, remplis de métaphores et d’images mystérieuses (comme la Pierre philosophale ou le Mercure double), décrivent en réalité des états ou des processus psychologiques.

Jung interprète ces symboles comme des représentations des conflits internes, des désirs inconscients et surtout des étapes de la maturation spirituelle. Par exemple, l’union des opposés, ou « Noces alchimiques », peut renvoyer à l’intégration des aspects masculins et féminins de la psyché (l’animus et l’anima), un thème central dans sa théorie de l’individuation.

Le but de l’alchimie est le Grand Œuvre : la renaissance sous la forme d’un être nouveau, pleinement conscient de lui-même et de sa place dans le monde ; c’est l’avènement du « Roi alchimique ». Ceci fait directement écho à la théorie de Jung sur le Soi et l’individuation. En effet, le Soi de Jung représente la totalité de l’individu psychique, incluant sa dimension consciente et sa dimension inconsciente. Quant au processus d’individuation, il permet la réalisation du Soi.

Précisément, dans son ouvrage Mysterium Coniunctionis (1955-1956), Jung approfondit l’idée selon laquelle la Pierre philosophale n’est autre que le Soi, résultat de l’union des opposés en chaque individu, la partie la plus sombre étant réintégrée dans l’individu final.

Jung développe le concept d’inconscient collectif, réservoir d’images et de motifs universels partagés par toute l’humanité. Les symboles alchimiques sont, selon lui, des manifestations de ces archétypes.

Par exemple, l’Ouroboros (serpent qui se mord la queue), présent dans de nombreux traités alchimiques, incarne l’idée de cycle, de renaissance et d’unité des contraires. Mal compris ou indompté, il représente l’ombre au sens jungien, cette partie de la psyché qui ne se connaît pas encore elle-même.

Pour Jung, l’alchimie était une forme de psychothérapie avant l’heure. Les alchimistes, à travers leurs expériences méditatives, cherchaient en réalité à transformer leur essence, leur manière d’être au monde. Dès lors, leurs laboratoires doivent être vus comme des espaces de projection où les conflits internes peuvent trouver une voie de résolution.

Jung a même utilisé des images alchimiques dans sa pratique clinique, encourageant ses patients à explorer leurs rêves et leurs fantasmes à travers ce prisme symbolique.

Ainsi que le rappelle la devise alchimique « Solve et coagula » (dissous et coagule), l’alchimiste voit l’essentiel de son art dans la séparation et la dissolution d’une part, la réunion et la coagulation d’autre part. Il est tout d’abord en présence d’un état initial dans lequel les tendances et les forces opposées sont en lutte les unes avec les autres, et doit ensuite affronter le grand problème d’un processus capable de ramener à l’unité les éléments et les qualités séparées. Dans cette affaire, l’état initial ou « chaos » n’était pas fourni d’emblée, mais il fallait le découvrir en recherchant la materia prima.
C. G. Jung, Mysterium conjunctionis 1

Ainsi priait un alchimiste : Dissipe les ténèbres épouvantables de notre esprit, donne une lumière à nos sens ! Cette citation exprime sans doute l’expérience de la nigredo (le noir), le premier stade de l’oeuvre, qui était ressentie comme une « melancholia » en alchimie et qui, psychologiquement, correspond à la rencontre de l’ombre.
C. G. Jung, Psychologie et alchimie

Le problème des contraires suscité par l’ombre joue un rôle important, voire décisif, en alchimie puisque cette dernière conduit, à la phase ultime de l’oeuvre, à l’union des contraires sous la forme archétypique du hieros gamos (hiérogamie), c’est-à-dire du « mariage chimique ». Dans ce dernier, les opposés suprêmes, exprimés sous la forme du masculin et du féminin (comme dans le Yin et le Yang chinois), sont fondus en une unité qui ne contient plus de contraires et qui est, par conséquent, incorruptible.
C. G. Jung, Psychologie et alchimie

Le « soi » est comme désignant la totalité de la psyché. Le soi est non seulement le centre, mais aussi le périmètre qui inclut conscient et inconscient.
C. G. Jung, Psychologie et alchimie

Le « trésor difficile à atteindre » auquel seul le brave peut parvenir est caché dans la mer de l’inconscient.
C. G. Jung, Psychologie et alchimie

En définitive, toute vie est la réalisation d’un tout, c’est à dire d’un soi, raison pour laquelle cette réalisation peut être appelée « individuation ».
C. G. Jung, Psychologie et alchimie

Si nous allons partout proclamant que le mal est le mal et qu’il ne saurait y avoir d’hésitation à le condamner, il n’empêche que, dans la vie individuelle, le mal est précisément ce qu’il y a de plus problématique et ce qui exige la réflexion la plus profonde. Ce qui mérite avant tout notre attention la plus pénétrante, c’est la question : Qui est-ce qui agit ? Car la réponse à cette question décide en dernière instance de la valeur de l’action.
C. G. Jung, Psychologie et alchimie

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Modif. le 19 septembre 2025

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