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La réminiscence, souvenir d’une connaissance enfouie

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Réminiscence : définition philosophique. Qu’est-ce que le ressouvenir selon Platon ? Possédons-nous, sans le savoir, la connaissance parfaite ?

Platon (427–347 av. J.C.), philosophe grec, élève de Socrate, maître d’Aristote et fondateur de l’Académie à Athènes, développe la théorie des Idées (ou Formes), selon laquelle le monde sensible ne serait qu’une copie imparfaite d’un monde intelligible éternel.

Par conséquent, pour Platon, il existe deux types de connaissance :

  • l’opinion (doxa), qui repose sur les sensations : c’est le domaine de l’illusion et de l’erreur,
  • et la connaissance véritable, qui repose sur l’approche des réalités intelligibles immuables, par la raison et l’intellect.

Ainsi, pour Platon, l’âme humaine a accès à l’intellect. Elle est même dépositaire de la connaissance. Mais cette connaissance a besoin d’être mobilisée, remémorée, ravivée : c’est ce que Platon appelle la « réminiscence » ou le « ressouvenir ».

Il s’agit donc de tenter de faire ressurgir les connaissances acquises par l’âme avant son incarnation dans le corps, par la contemplation des Idées.

Le concept philosophique de réminiscence sous-entend que la matière fait obstacle à l’esprit. Il touche aussi à la psychologie, avec l’idée d’un inconscient qui regrouperait des réalités qui échappent à notre conscience. A la différence qu’en psychologie, l’inconscient n’est pas le lieu de la Vérité, mais celui de phénomènes enfouis qui peuvent être liés à des pulsions ou des règles intériorisées…

Voici une une définition philosophique de la réminiscence.

Pour Platon, l’âme est éternelle et sa véritable nature est inaltérable. Par ailleurs, Platon croit en la transmigration de l’âme : lors de chaque incarnation, l’âme se trouve enfermée dans le corps, véritable tombeau de l’esprit. L’Homme doit alors tenter de se libérer de ses chaines matérielles pour retrouver la connaissance à laquelle il avait accès avant sa naissance. Précisément, la réminiscence est l’accès à cette connaissance enfouie.

Immortelle et maintes fois renaissante, l’âme a tout vu, tant ici-bas qu’en Enfer, et il n’est rien qu’elle n’ait appris ; aussi n’y a-t-il rien d’étonnant à ce que, sur la vertu et sur le reste, elle soit capable de se ressouvenir de ce qu’elle a su antérieurement.
Platon, Ménon

Le passage suivant du Phédon de Platon décrit aussi le concept de réminiscence :

Maintenant, dit Cébès, reprenant la parole, s’il est vrai, comme tu le dis souvent, que, pour nous, apprendre n’est pas autre chose que se ressouvenir, c’est une nouvelle preuve que nous devons forcément avoir appris dans un temps antérieur ce que nous nous rappelons à présent. Et cela serait impossible si notre âme n’avait pas existé quelque part avant de s’unir à notre forme humaine. Aussi peut-on conclure de là que l’âme est immortelle.
– Mais, Cébès, dit Simmias prenant la parole, comment démontre-t-on ce que tu avances là ? Fais m’en souvenir, car en ce moment je ne me le rappelle guère.
– Une seule preuve suffit, dit Cébès, mais éclatante : c’est que si l’on interroge les hommes, en posant bien les questions, ils découvrent d’eux-mêmes la vérité sur chaque chose, ce qu’ils seraient incapables de faire, s’ils n’avaient en eux-mêmes la science et la droite raison. Qu’on les mette après cela devant une figure géométrique ou quelque autre chose du même genre, l’épreuve révélera de la manière la plus claire qu’il en est bien ainsi.
Platon, Phédon, XVIII

Pour Platon, la connaissance serait donc avant tout une re-connaissance. La maïeutique, art d’accoucher la pensée, est l’un des moyens qui permettent de faire émerger cette connaissance enfouie, par le dialogue.

Le concept de réminiscence est contestable à plusieurs égards. Il repose sur des postulats discutables, en particulier celui de l’immortalité de l’âme. Toutefois, il présente un intérêt en ce qu’il pose la question des obstacles à la conscience, ou encore celle de nos capacités cérébrales et de leur utilisation.

Il faut reconnaître qu’il existe en nous de nombreux voiles qui font obstacle à la vision claire. Ces voiles sont liés à nos instincts animaux, à nos déterminismes sociaux et à nos attachements matériels. L’individu qui parviendrait à se détacher de tous ces éléments pourrait certainement accéder à des réalités supérieures, par la raison et l’ouverture intuitive.

Dépouillés de nos masques sociaux, détachés de nos intérêts, débarrassés de nos désirs, notre regard s’élargit. Pour développer une vision claire, il faut donc se connaître soi-même, c’est-à-dire chercher les causes de nous-mêmes, comprendre notre mécanique physique, biologique et psychologique.

Comprendre les causes, savoir de quoi nous sommes faits, c’est passer de l’individuel à l’universel, c’est aborder la dimension éternelle de notre être, c’est remonter à la Source et toucher aux plus hautes réalités. Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux...

De nombreuses traditions philosophiques et spirituelles invitent à emprunter ce chemin de connaissance de soi, de détachement, de dévoilement. Ainsi, au-delà des illusions, l’accès aux réponses peut prendre une forme évidente, comme si la Connaissance était présente en nous depuis toujours…

Au sens commun, la réminiscence est la resurgence à l’esprit, de manière fortuite, spontanée et souvent imprécise, de faits, de souvenirs, d’images ou de sensations appartenant au passé. Ce peut être une impression de « déjà-vu », un souvenir qui revient, comportant généralement une dimension affective.

Le concept de réminiscence peut aussi évoquer une mémoire profonde, ancestrale, héréditaire : c’est la mémoire collective, ou l’inconscient collectif de Jung. Cet inconscient collectif peut être vu comme un imaginaire commun aux membres d’un groupe, mais il peut aussi évoquer un moyen pour l’Homme d’entrer en contact avec lui-même et avec l’âme du monde en tant qu’unité organique pensante. Les contes, les allégories et les mythes font partie de ces éléments qui composent l’inconscient collectif et qui « donnent à voir ».

Ainsi, au-delà de sa définition philosophique, la réminiscence évoque toujours une étincelle intuitive permettant à l’être humain d’accéder à des réalités situées au-delà de ses perceptions immédiates. Dans cette faille temporelle, l’individu se retrouve lui-même en tant qu’authentique reflet de l’univers tout entier.

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Modif. le 20 novembre 2025

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