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Le Maître est retrouvé et il reparaît aussi radieux que jamais

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Le Maître est retrouvé et il reparaît aussi radieux que jamais : signification de cette phrase du rituel d’élévation à la maîtrise. Comment interpréter la renaissance d’Hiram en la personne du nouvel initié ?

Avant d’aborder ce sujet, reprenons le rituel du R.E.A.A. :

LE VENERABLE MAITRE

Gloire au G.A.D.L.U. ! le Maitre est retrouvé et il reparait aussi radieux que jamais.
C’est ainsi, mon T.C.F., que tous les Maîtres, affranchis par une mort symbolique, viennent se réunir avec les anciens Compagnons de leur Travaux et que, tous ensemble, les vivants et les morts assurent la pérennité de l’œuvre !

A ce moment le rideau qui voilait le Debir est écarté et les lumières sont rallumées de manière à rendre le T aussi éclairé que possible.

Célébrons mes Frères, par des acclamations de joie, ce jour heureux qui ramène dans notre loge attristée la lumière que nous croyions à jamais perdue. Notre Maître a revu le jour : il renaît dans la personne de notre TCF…

Cérémonie d’élévation au grade de Maitre, 3ème degré R.E.A.A.

Pour être complets, citons aussi le texte de l’instruction au troisième degré :

D. – Ce récit ne serait-il pas allégorique ?
R. – Je le suppose ; car les textes bibliques qui nous parlent d’Hiram ne font aucune allusion à sa fin.

D. – Quelle peut donc en être sa signification ?
R. – Envisagé comme Rite Solaire, le drame d’Hiram peut se référer à la marche apparente du Soleil : les trois meurtriers seraient alors les trois derniers mois de l’année, pendant lesquels le Soleil descend dans les signes inférieurs et semble fuir à jamais notre hémisphère. Cependant, après le solstice d’hiver, on le voit se relever et bientôt il reparaît dans tout son éclat. De manière analogue, nous voyons notre R.M. Hiram sortir du tombeau et revenir à une vie nouvelle.
Le Tombeau d’Hiram renferme toutes les Traditions perdues. Mais Hiram renaitra.
L’Initiation y sera, malgré tout, préservée et sa pérennité est symbolisée par la Branche d’Acacia qui verdit sur ce Tombeau !

Tentons de percer la signification de la phrase « Le Maître est retrouvé, il reparaît aussi radieux que jamais ».

Le jeu de rôle de la cérémonie d’élévation au grade de maître permet de vivre plusieurs personnages, et à travers eux, de s’interroger sur le sens des évènements. Ainsi, peut-on se demander comment et pour qui reparaît le nouveau maître : est-ce pour les autres, est-ce pour lui-même ? Qu’est-ce qui rend le nouveau maître rayonnant ? Pourquoi devient-il aussi radieux que jamais ? Enfin, le maître ainsi retrouvé est-il maintenant initié ?

Mais en premier lieu, interrogeons-nous sur sa disparition.

Le récipiendaire qui a frappé à la porte du temple est né au grade d’apprenti, et meurt au grade de maître. Voilà une bien triste fin et étrange récompense pour le soir tant attendu de son exaltation.

La mort n’est pas clairement présente aux deux premiers degrés du R.E.A.A. Le parcours du récipiendaire débute certes par la rédaction de son testament philosophique dans le cabinet de réflexion, et en réchappe par le passage de la porte basse. Il tente ensuite une ascension, « qui dans ces conditions devait être fatalement suivie d’une chute qui aurait pu être mortelle, sans le secours des mains fraternelles qui l’ont soutenu au moment le plus critique ».

Même s’il est devenu « libre » après être mort aux préjugés du vulgaire, et s’est vu renaître à la vie que lui confère l’initiation », le futur compagnon risque encore sa vie s’il ne prononce pas correctement le mot de passe qui lui a été confié. Enfin, au troisième degré, le récipiendaire devra en premier lieu prouver son innocence devant les vivants en présentant son tablier et ses mains, puis devant les morts en passant au-dessus du cercueil d’Hiram.

Mais les trois mauvais compagnons passent par là. La mort s’annonce, impitoyable, représentée par l’ignorance, le fanatisme et l’ambition. On peut se demander qui sont les trois mauvais compagnons et ce qu’ils représentent. Les coups peuvent être portés par le monde profane, par nos propres frères, mais le plus souvent c’est à nous-mêmes que nous devons nos propres égarements. En identifiant les trois mauvais compagnons qui prospéraient en nous, nous avons tué nos illusions et libéré la partie plus pure de nous-mêmes.

Cette mort est donc la promesse d’un éveil nouveau. Reparaître, c’est se développer de nouveau, comme la végétation à chaque printemps. C’est développer une aptitude à voir les choses différemment. Cette promesse est d’abord personnelle, même si la loge se réjouit du maître retrouvé, avant même qu’il ne comprenne tout à fait ce qui se passe…

Le nouveau maître a levé une partie des voiles qui l’obscurcissaient afin de percevoir un nouvel état intérieur. Il s’est libéré de ses ténèbres, il peut donc continuer la construction de son temple intérieur.

Le R.E.A.A. utilise le verbe reparaître ou renaître. Il a écarté la référence au mot ressusciter pour le  remplacer par « renaître ». Notons que ressusciter vient du latin resuscitare qui signifie réveiller, et du latin classique resurgere signifie « se relever », ce qui est complétement en lien avec l’élévation du maître. C’est peut-être pour gommer une référence trop biblique (Jésus ressuscitant Lazare, ou la propre résurrection du Christ), que cette référence a disparu. Il est vrai que cette renaissance n’est pas liée à une intervention directe du G.A.D.L.U.

S’agirait-il d’une réincarnation ? Le mot réincarnation n’est pas mentionné dans le rituel. La réincarnation aurait une dimension magique qui n’est pas vraiment dans la lignée du R.E.A.A.

S’agirait-il d’une révélation ? Peut-être, mais alors cette révélation serait celle de quelque chose qui existerait déjà en nous et qui apparaîtrait désormais plus clairement à notre conscience.

S’agirait-il d’un relèvement ? Le compagnon est effectivement relevé par l’amour de ses frères. Il se relève lui-même de ses erreurs passées.

Quoi qu’il en soit, le maître renaît, ceci après que la chair ait quitté les os, c’est-à-dire après qu’il ait abandonné sa chair mortelle, tué sa partie matérielle. Il accède ainsi à une voie ascentionnelle non plus humaine mais « radieuse », en endossant l’habit de lumière transmis par Hiram. La Lumière symbolise ici la transformation du corp charnel en corp spirituel.

Ainsi, ce retour au monde, cette entrée dans la vie véritable se fait par un abandon, par un dépouillement : paradoxalement, il a fallu renoncer aux secrets et aux ambitions qui les accompagnent pour avancer sur le chemin de la Vérité.

Le maître est rayonnant : il est sorti de ses ténèbres intérieures. Cette mise en lumière relève de l’intime. Certes, la loge s’en réjouit et l’acclame avec joie. Le temps ne se mesure plus. La conscience initiatique dépasse le temps et l’espace : « tous ensemble, les vivants et les morts assurent la pérennité de l’œuvre ».

En prononçant cette phrase, le Vénérable Maître transforme le maître en un élément indispensable de la Tradition, cette chaine d’évolution et de perfectionnement perpétuel de l’Homme. L’homme dépasse sa propre mort et se place au niveau de l’universel. Il n’accède pas directement aux secrets du degré mais les transmet : voilà un autre paradoxe de cette initiation au troisième degré.

On retrouve cette notion de transmission et de filiation ailleurs dans le rituel : « Les ouvriers se relèvent et se remplacent ; le travail maçonnique se poursuit inlassablement. »

En adhérant à ce principe de perfectionnement permanent, le franc-maçon doit sans arrêt tenter de dépasser ses limites pour assurer la primauté de la lumière sur les ténèbres, du sacré sur le profane, de la Vérité sur le mensonge.

Pour la loge qui avait perdu les secrets véritables du maître maçon, voilà rétabli l’espoir de transmettre ces secrets, non pas directement, mais par l’exemple même du récit initiatique désormais porté et incarné par le nouvel initié.

La mort symbolique n’est pas la mort physique, c’est une prise de conscience. Pour cela, il faut se libérer du connu (l’éducation, la culture, les habitudes…) pour accéder à une autre réalité intérieure. Il s’agit aussi d’identifier le divin en soi : un divin certes inaccessible, et pourtant bien présent.

« Le Maître est retrouvé, il reparaît aussi radieux que jamais » : nous nous plaçons désormais sous le commandement du divin en nous, et non plus sous l’empire de notre individualité.

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Les essentiels du troisième degré maçonnique Adrien Choeur

Ce livre numérique pdf (98 pages) comporte 26 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du troisième degré maçonnique.

Il offre des points d’appui pour qui souhaite pénétrer plus profondément l’esprit et le sens de ce degré.

Modif. le 29 octobre 2025

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