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L’innocence : approche philosophique et spirituelle

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L’innocence en philosophie et spiritualité : définition. L’innocence selon Nietzsche et Héraclite. Quels sont les différents types d’innocence ?

À la question : « quelle est votre couleur préférée ? », j’ai toujours répondu « le blanc ». Pourquoi ? Parce que le blanc est la couleur de l’absolu, fusion de toutes les couleurs, et qu’il représente la Lumière infinie. Le blanc est la couleur de l’innocence, de la pureté, de la neige immaculée.

Pourquoi cette attirance pour une innocence première, originelle, perdue ? Comment comprendre et conjuguer les notions d’innocence et de culpabilité ?

Je lis dans un temple : Nec Proditor, Nec Proditur, Innocens Feret. Cette devise m’intrigue, « Ni traître, ni trahi, mais innocent, il supportera ». L’innocence se reflète dans le blanc ; la trahison dans le noir.

A l’Est d’Eden : c’est le lieu où fut envoyé Caïn, coupable du meurtre de son propre frère, Abel, tous deux fils d’Adam et Eve, expulsés du Jardin d’Eden, jardin de l’innocence, selon la Genèse.

« Innocence » a pour origine une racine indo-européenne : nek, nok, qui veut dire « causer la mort de quelqu’un », et qui a donné nocif, nuisible, ou encore le verbe noyer. La composition avec le privatif in donne à « innocence » la signification de non-nocif, qui n’a causé la mort de personne.

Innocence et culpabilité jalonnent nos réflexions, tout comme conscience et justice jalonnent nos parcours de vie.

Pour sortir des ténèbres et approcher la Vérité, utilisons trois chandeliers pour éclairer les différents types d’innocences. Ensuite, allons relire Nietzche et Héraclite.

Voici une approche de l’innocence en philosophie et spiritualité.

L’agneau est le symbole connu de l’innocence et de la pureté, et son sacrifice permet le renouveau, le salut et la rédemption de celui qui le sacrifie et le rend sacré, par le même geste.

Le tablier en peau de bête est l’attribut de Jean le Baptiste, celui qui eut la révélation intuitive de la venue d’un sauveur sur Terre, le fils du Dieu des Chrétiens. Jean le Baptiste suggère au cherchant l’avènement direct, sans intermédiaire, de la divinité incarnée. L’innocence induite par le tablier d’agneau est une innocence ingénue, naïve, brute, ignorante. Nous avons là une analogie avec l’innocence de l’enfant, du fou ou du sauvage.

L’innocence de l’adolescent est mise à mal. Qui suis-je, se demande-t-il ? Il dérange par ses différences et sa nécessité d’affirmation. En évoluant en maturité, en conscience, le bien et le mal commencent à se renvoyer la balle, et engendrent états d’âme, nécessité de lois et besoin de justice. La subjectivité a pour corollaire la confusion

L’innocence de l’enfance n’est déjà plus qu’un souvenir. La vie d’adulte se construit progressivement, grâce à l’enseignement des responsabilités, et au fil des épreuves et des expériences.

Selon les Chrétiens, l’Apocalypse et ses sept sceaux, par la plume de Jean l’Évangéliste, définissent le rôle de l’Agneau.

Le rouge du sang de l’Agneau, lors de son sacrifice, le place en Gloire. Il est devenu mystique.

L’innocence est modélisée dans l’exemple offert par Jésus grâce à Jean l’Évangéliste, qui offre une nouvelle façon, plus savante, d’accéder à la Révélation.

L’innocence n’est plus enfantine, spontanée ; elle est élaborée, idéalisée, adulée, espérée comme un plan personnel quasi irréalisable.

L’innocence de l’Homme dans le Jardin d’Eden se découvre dans le Livre de la Genèse.

Cette innocence première de l’Eden est l’innocence des origines, de l’Origine, d’un temps et d’un lieu où ni le Bien ni le Mal n’existaient. Où personne ne cause la mort de qui que ce soit, puisque la mort est terrestre. Personne n’y est nocif ou nuisible. Il s’agit d’une vue de l’Esprit, d’une abstraction, dans laquelle aucune règle, aucune Loi, aucune morale ne jouent de rôle.

Pour qui croit à la survie des âmes, de façon platonicienne, il s’agit d’une innocence appartenant à la Grande Lumière dont nous sommes issus et à laquelle nous retournons après notre passage sur Terre.

Nous avons parcouru un chemin qui nous a conduit à l’Eden, à l’idée de l’innocence première, en passant par l’exemple de l’Agneau mystique, innocence érigée en credo.

Le sage, lui, n’attend pas la mort pour rejoindre le territoire de l’innocence. Il laisse derrière lui les « métaux » lourds, les scories issues de son expérience de vie, les préjugés qui l’ont habité, les dogmes qui l’ont aveuglé, les morales qui l’ont entravé. Allégé, il s’est élevé jusqu’au temps d’avant la faute, le temps sans règle, sans loi. Le temps de l’insouciance, de l’amour pur, de l’innocence première.

Dans cet univers lumineux, personne ne trahit, personne n’est trahi, et, innocent, chacun suit son destin. Aucune traîtrise ne projette d’ombre sur cet état d’être. Il s’agit d’une hauteur de vue. D’une position hors contrainte. D’une vision dégagée sur un espace où le mal n’existe pas. La différence avec le Bien n’a pas été créée.

Nietzsche a scandalisé en écrivant « Dieu est mort ». Il a aussi écrit sur « l’innocence du devenir » et « Par-delà le bien et le mal ». On trouve dans son œuvre une proposition d’émancipation par rapport aux préjugés moraux issus de la religion chrétienne. Lorsque Nietzsche dit « Dieu est mort », cela ne signifie pas la mort littérale de Dieu, mais la tendance de l’Homme moderne à se libérer de ses préjugés et des carcans issus des croyances religieuses.

L’une des principales références de Nietzsche, sur le sujet de la liberté de penser, est Héraclite. Il faut s’intéresser aux « Fragments » qui nous sont parvenus.

Héraclite est le philosophe de la guerre. Il a vécu dans une période extrêmement troublée, à l’époque de Darius qui l’avait convié en Perse, et dont il déclina l’invitation.

Pour Héraclite, la guerre, le conflit, la discorde, sont des états naturels et permanents de l’humanité. Même si une cité ou un pays traverse une période de paix, il ne s’agit selon Héraclite que d’une accalmie passagère, et troublée, quoi qu’il en soit, par les conflits intérieurs à chaque personne, chaque famille, chaque communauté.

Ensuite, Héraclite est le philosophe des contraires. Pour lui, guerre et paix, bien et mal, jeunesse et vieillesse, ombre et lumière, relèvent d’une même essence ; et l’un ne vit pas sans l’autre. Mieux : c’est la tension entre deux notions dites contraires qui crée une dynamique féconde, la vie, le mouvement, le changement.

La philosophie d’Héraclite permet de comprendre et d’accepter deux des fameuses vérités gnostiques :

  • « L’harmonie universelle résulte de l’équilibre engendré par l’analogie des contraires »
  • « Le mal, le malheur et la misère sont nécessaires à l’harmonie universelle »

L’image que nous soumet Héraclite pour nous aider à comprendre sa vision des contraires est celle d’un arc : il faut que les deux bouts opposés de l’arc soient tendus pour que la flèche puisse partir. Ainsi les opposés créent-ils une énergie nécessaire au mouvement. C’est la démonstration de l’identité de nature des contraires, et de leur fécondité.

Les théories d’Héraclite sur la guerre et les contraires nous permettent de mieux comprendre la complexité des liens qui unissent bien et mal, noir et blanc, ombre et lumière, innocence et culpabilité

Ysabeau Tay Botner

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Parmi les symboles de l’innoncence : l’hermine, la colombe, les anges, la Vierge, le féminin, l’Arcadie, les gants blancs, etc.

Modif. le 9 mai 2025

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