Que sont les élites en France ? De qui se composent-elles ? Comment se forment-elles ? Comment se reproduisent-elles ? En quoi monopolisent-elles le pouvoir ?
L’élite désigne, dans une société donnée, les individus de premier plan, considérés comme les meilleurs. Par sa supériorité, l’élite domine le reste du groupe social et a tendance à monopoliser le pouvoir, parfois (souvent ?) pour son propre intérêt.
La société française, bien que qualifiée de démocratique, est largement dominée par ses élites, elles-mêmes soumises à l’influence des élites internationales. Les élites françaises forment une classe sociale à part entière, présentant une certaine homogénéité et un certain niveau de solidarité.
On parlera ici d’élite aristocratique, dont les principaux représentants sont des hommes blancs, aisés, urbains et souvent assez âgés.
Une élite ou des élites ?
On peut distinguer dans notre société :
- l’élite politique, qui occupe les principaux postes au sein des organes de pouvoir,
- l’élite administrative ou « haute fonction publique »,
- l’élite économique et financière, qui exerce le pouvoir au sein des grandes entreprises,
- l’élite médiatique, qui dirige les médias institutionnels,
- enfin, l’élite intellectuelle, qui formalise l’idéologie partagée au sein des élites.
En réalité cette distinction cache une grande uniformité dans le fonctionnement des élites, aussi appelées « caste ». Toutefois, les élites peuvent parfois afficher une désunion de façade pour faire croire au respect du principe de la démocratie et de la séparation des pouvoirs. Ainsi, un journaliste du sérail pourra parfois critiquer un membre du gouvernement…
Voir aussi notre cartographie du pouvoir en France.
Les élites aristocratiques : le sentiment d’être en haut.
L’élite aristocratique existe et se maintient avant tout par ce que les individus qui la composent se pensent réellement supérieurs et indispensables à la bonne marche du pays. L’élite s’estime légitime et pense n’avoir rien volé puisque le principe méritocratique de l’égalité des chances est semble-t-il respecté. Il est vrai que les concours des grandes écoles sont ouverts à tous…
Il en résulte un sentiment de mépris par rapport à ceux qui sont « en bas ». Consciemment ou pas, de manière assumée ou non, l’élite considère les gens d’en bas comme incultes, assistés, peu travailleurs, incapables de s’enrichir, incapables de percer et de peser.
Illustration de ce mépris de classe en quelques citations :
- « Une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Emmanuel Macron, 29 juin 2017
- « Le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler ». Emmanuel Macron, 27 mai 2016
Aujourd’hui en France, l’élite semble coupée du peuple, et se sent différente de lui.
Autre illustration avec cette citation de Bernard-Henri Levy : « Le peuple n’a-t-il pas, une fois qu’il s’est exprimé par définition le dernier mot ? A quoi le démocrate, le vrai, répondra : la démocratie c’est le peuple en effet ; la volonté souveraine du peuple ; mais le peuple peut errer, sa souveraineté s’égarer, il peut, livré à lui-même, se donner de mauvais maîtres et choisir, cela s’est vu, de grands et petits Hitler ; alors pour parer au danger, pour conjurer ce péril d’un emportement toujours menaçant, la sagesse des siècles a prévu des recours – à commencer par cette idée d’une assemblée raisonnable supposée dépositaire d’une sorte de commandement supérieur. »
La reproduction des élites françaises.
Les élites ont pour vocation d’exercer et de garder le pouvoir. Pour cela, elles assurent leur reproduction. Cela passe par le cadre familial et éducatif, et plus précisément par la transmission du capital économique (argent), culturel (connaissances, éducation) et social (réseau).
L’élite se rencontre et se forme dans des lieux précis, de fait fermés au « peuple » :
- certains quartiers de grandes villes,
- certaines écoles, collèges, lycées, tels Louis-le-Grand et Henri IV,
- les grandes écoles, hautes écoles de commerce, Sciences po Paris ou encore l’ENA,
- les clubs et cercles,
- les organes de direction des entreprises,
- les organes de pouvoir étatiques,
- les organes de réflexion, think tanks,
- les organes médiatiques,
- etc.
On peut parler d’endogamie : la reproduction se fait à l’intérieur du groupe.
Cette frange du peuple qui soutient les élites.
Paradoxalement, une part assez importante du peuple soutient l’élite aristocratique, consciemment ou non, cela par habitude, confort, loyauté ou conservatisme. La force des électorats Macron et Fillon durant l’élection présidentielle 2017 le montrent.
Ce paradoxe peut s’expliquer par la théorie de l’illusion démocratique : les électeurs ont l’impression de participer à un jeu démocratique, alors qu’ils choisissent en réalité entre plusieurs clans issus de l’élite.
On note cependant une nette progression de l’abstention et des scores partis qui contestent l’ordre établi, cela depuis la fin des années 1980. Mais au final, les partis élitistes finissent par remporter les élections, ce qui contribue à renforcer leur légitimité.
Une élite alternative : les acteurs de la société civile.
Face à l’élite aristocratique qui exerce le pouvoir, une autre élite se dresse, composée des leaders de la société civile, dirigeants d’associations, d’ONG, de syndicats, de coopératives, intellectuels, lanceurs d’alerte, ou encore influenceurs. Cette élite « civile » n’exerce pas le pouvoir, mais apparaît comme un contre-pouvoir plus ou moins efficace.
Alors que l’élite aristocratique est coupée du peuple, l’élite civile est insérée dans le peuple et agit pour lui ; elle est le « peuple actif ».
Se sentir d’une élite, ou d’une autre, ou d’aucune.
Fort heureusement, l’origine sociale et familiale n’enferment pas les individus dans leur classe sociale de départ. Un enfant issu de l’élite aristocratique pourra décider de quitter son groupe socio-économique pour intégrer la société civile par exemple.
Ainsi un étudiant de Sciences po Paris n’est pas forcément destiné à devenir un représentant de l’élite dominante. Appartenir à une élite ou non est donc question de choix et de volonté.
Un autre type d’élite qui influe sur la société française : les élites internationales.
Enfin, il faut souligner le rôle majeur des élites internationales, qui influencent largement les élites françaises. Il s’agit notamment des élites économiques et financières européennes et américaines.
Pour continuer la réflexion, lire aussi :
- Enquête sur l’aristocratie du CAC40, Alternatives économiques, Mai 2018
- Où se cachent les pouvoirs ? Il était une fois dans l’Ouest, Le Monde Diplomatique, Avril 2012
Modif. le 27 décembre 2019