La transmission : en quoi consistent l’initiation et l’instruction en franc-maçonnerie ? Voici une planche maçonnique au premier degré.
« Transmettre » vient du latin transmittere qui signifie : faire passer, faire parvenir, communiquer, remettre dans les mains d’autres quelque chose que nous avons reçu, à la manière de la force qui se transmet, se propage aux maillons d’une chaîne. Transmettre a la même racine que « tradition »…
La survie de nos loges, impose l’utilité et la nécessité de transmettre : c’est l’un des premiers devoirs du franc-maçon.
Une loge maçonnique se pérennise en activant trois processus :
- celui du recrutement et de l’intégration de nouveaux initiés,
- celui de la communication d’un corpus ésotérique,
- celui de la mise en œuvre de la méthode initiatique.
Dans les constitutions d’Anderson, au chapitre V, on peut lire : « On instruira un Frère plus jeune dans le travail pour que les Matériaux ne soient point gâchés par manque d’Expérience et pour accroître et consolider l’Amour Fraternel. »
Nous avons donc le devoir de participer activement à chacun de ces trois processus qui contribuent à la transmission initiatique, transmission très spécifique qui n’est pas transmission d’un savoir mais éveil de l’esprit.
Entrons plus avant dans les principes de la transmission maçonnique.
La transmission maçonnique et ses outils
Quels sont les outils qui permettent d’assurer la transmission maçonnique ?
A chaque initiation, nous ressentons l’émotion du souvenir. Magie du rituel qui intervient comme une actualisation de notre mémoire synchronisée avec l’action opérée sur l’impétrant, mais aussi comme un rappel de notre devoir d’accompagner au mieux notre nouveau frère dans sa quête, tout en poursuivant la nôtre.
Nous devons en effet nous poser constamment la question du comment …
Comment amener un initié de la simple rédaction que sera sa première planche à un travail personnel bien buriné puis à un véritable tracé ?
Comment l’amener à ne plus chercher à être un bon élève mais à être lui-même et à s’élever par lui- même ? Deviens ce que tu es…
Comment apporter à celui que nous appelons « frère », l’environnement fraternel dans lequel il se sentira écouté et sera lui-même à l’écoute ?
Comment lui permettre de faire parler son cœur et partager ce qu’il pense ?
En un mot, au-delà de la lettre, comment le faire accéder à « l’esprit » ? Là est tout le défi de la transmission initiatique.
Transmettre sans transmettre
La transmission initiatique ne communique rien d’explicite : il ne s’agit pas de transmettre un enseignement. L’essentiel est partagé par tous et c’est ce qui en fait le mystère pour un apprenti. Ce mystère n’est accessible que par la pratique du rite et des rituels, car les secrets sont incommunicables.
La transmission initiatique relève d’une méthode et d’outils, au premier rang desquels le symbolisme et une certaine forme de suggestion.
La pratique rituelle doit créer l’harmonie ; la loge devient alors un creuset où tous les « ego », sensibilisés par la dimension du sacré, vont fusionner grâce à l’écoute, la tolérance et l’amour fraternel.
On peut alors parler de communion. Tout se passe comme si la loge devenait porteuse d’une parole qui baigne chacun, se répandant en chacun, lui apportant une Connaissance et une Lumière nouvelles.
Transmettre un contenant plus qu’un contenu
Ce que la tradition nous incite à transmettre est plus un contenant qu’un contenu : un contenant de sens et non un contenu d’interprétations clé-en-main.
La pratique des rituels rend actif ce contenant par la présence de symboles et de légendes mythiques. C’est ce que nous appelons les outils maçonniques, outils que la Tradition impose de ne pas altérer, de ne pas dévoyer ni divulguer.
Ainsi nous nous engageons par serment à ne pas les offrir aux regards des profanes ou des adeptes qui n’ont pas la préparation requise. L’initié, lui, pourra s’approprier ce contenant et, par ses interprétations personnelles, donner du sens à la lecture symbolique pour retrouver en lui-même des parcelles de la Lumière éternelle et universelle.
La qualité du « recrutement »
La transmission maçonnique ne devrait concerner que des individus préparés à une remise en question de certaines certitudes et savoirs profanes. Il nous revient de détecter leur capacité à convertir leur regard sur eux-mêmes et sur le monde et à se débarrasser de leurs métaux.
L’esprit de la transmission maçonnique
La transmission par les mots est celle du monde profane. Nos rituels aussi sont des sommes de mots, mais nous ne savons ni lire ni écrire…
En réalité, pour nous francs-maçons, la Lumière est ailleurs, elle est d’une nature inexprimable. Nous devons appréhender autrement ce qui est inscrit dans tout ce qui nous entoure, nous devons tenter de percevoir l’invisible, de lire entre les lignes, de comprendre les éléments ésotériques qui nous sont proposés. Voilà l’esprit du processus de transmission initiatique.
Tenter de transmettre par les mots, ce serait trahir le rite et trahir celui qui a demandé la Lumière et que nous accueillons comme Frère. Ce serait se laisser gagner par les métaux, manquer à nos devoirs, laisser détruire les outils de la franc-maçonnerie. Notre rite nous rappelle à tous les degrés d’y prendre garde !
Le contenu initiatique est incommunicable, il ne s’apprend pas dans les livres, il existe simplement dans le « vivre l’expérience » ; il est mis au service de l’homme et proposé à son intelligence et à son travail, ce qui lui donne des responsabilités vis-à-vis de lui-même, des autres et de l’humanité tout entière.
L’initié apprend à maîtriser sa peur, à fuir ses vices, à vaincre ses passions, à se dégager de la matérialité, sans pour autant la nier. Il doit prendre conscience que tout ce qu’il apprend, tout ce qu’il reçoit, il devra un jour à son tour le transmettre, et qu’il faut beaucoup d’humilité pour recevoir et pour donner.
L’objet de l’enseignement maçonnique
Le rite nous incite à rechercher les liens du visible et de l’invisible, les relations du monde manifesté avec la Loi qui régit le cosmos.
Dans cette perspective, il faudra éviter deux dérives :
- la première consisterait à s’appuyer sur des dogmes ; attitude qui peut conduire au mysticisme et au repli sur soi, ou même à des attitudes intolérantes qui sont l’exact opposé des valeurs transmises par la franc-maçonnerie,
- la seconde consisterait à privilégier un engagement humaniste et matériel dans la cité, au demeurant respectable, mais éloigné de la quête véritable. La proposition maçonnique n’a pas pour objet de soutenir ou de se substituer aux partis politiques et aux organisations philanthropiques.
A l’écart de ces deux dérives, la franc-maçonnerie des origines se propose de construire un homme complet ayant reconquis sa liberté intérieure. Elle a vocation à former, génération après génération, des hommes éclairés, prêts à soutenir et à défendre les vertus qui fondent l’humanité, dont le monde a besoin.
En réalité, la franc-maçonnerie traditionnelle tente de transmettre la sophia perennis, cette sagesse éternelle sans laquelle l’homme ne serait que l’animal le plus habile de tous.
Le franc-maçon est conscient qu’il est matière mais aussi Esprit. Il se considère comme le centre privilégié où se rencontrent les influences célestes et terrestres. L’Homme est en effet le pont entre deux mondes : l’un visible et l’autre invisible, l’un extérieur et l’autre intérieur…
Pour aller plus loin :
Un voyage inédit au coeur de la symbolique maçonnique du Rite Ecossais Ancien et Accepté.
Ce livre numérique pdf (191 pages) comporte 60 planches pour approfondir sa culture maçonnique.
Modif. le 10 juin 2025