Faut-il tout pardonner ? Ou bien pardonner avec mesure ? Ou encore refuser le pardon ? Tentative de réponse à travers la série The Chosen, et plus particulièrement à travers la relation complexe entre les apôtres Matthieu et Pierre. La série s’inspirant directement des Évangiles, nous nous appuierons également sur plusieurs passages bibliques.
Dans la série The Chosen (comme dans le Nouveau Testament), Matthieu est collecteur d’impôts pour l’occupant romain, tandis que Pierre est pêcheur. Pierre peine à payer ses taxes. Dès le départ, il éprouve une profonde haine envers Matthieu, qu’il considère comme responsable de sa misère et de l’insécurité dans laquelle il vit. À ses yeux, Matthieu incarne l’injustice et l’oppression.
Pourtant, Jésus choisit à la fois Pierre et Matthieu pour faire partie des douze apôtres.
Cette décision crée une tension durable entre les deux hommes, car Pierre n’a pas pardonné à Matthieu dans son cœur. Leur relation devient alors un terrain concret pour interroger la question du pardon.
Face à cette question, trois réponses principales peuvent être envisagées :
- il faut tout pardonner ;
- il faut pardonner, mais pas tout ;
- il ne faut rien pardonner.
Nous allons d’abord montrer que la troisième position, celle du refus total du pardon, peut être facilement réfutée.
En effet, si l’on refuse systématiquement de pardonner, pourquoi les autres nous pardonneraient-ils en retour ? Pourquoi Dieu, pour ceux qui croient en lui, accorderait-il son pardon à quelqu’un qui le refuse à son prochain ? Jésus affirme clairement :
Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes.
Matthieu 6, 14-15
On pourrait être tenté de penser que, si l’on ne commet aucune faute, on n’a pas besoin de pardon et donc aucune raison de pardonner aux autres. Mais un tel raisonnement serait malhonnête, car nul n’est exempt de faute. Comme le rappelle l’épître aux Romains :
La mort s’est étendue à tous les hommes, parce que tous ont péché.
Romains 5
De plus, refuser de pardonner maintient l’individu dans un état constant de conflit intérieur. La rancœur, la colère et l’amertume s’installent durablement, rendant le refus du pardon non seulement destructeur pour les relations, mais aussi pour celui qui refuse de pardonner. Ainsi, ne rien pardonner conduit à une impasse. Cette option peut donc être écartée.
Reste alors à déterminer comment pardonner. Faut-il tout pardonner ? Cette idée peut sembler dangereuse. En pardonnant systématiquement, ne risque-t-on pas de permettre aux autres d’abuser de notre clémence et de notre miséricorde ?
On vient donc plutôt à se demander si il ne faudrait pas pardonner avec parcimonie : cette idée est précisément celle de Pierre. Dans l’Évangile, il demande à Jésus jusqu’à combien de fois il doit pardonner son prochain comme si il y’avait un certain nombre à ne pas dépasser. Jésus lui répond :
Jusqu’à soixante-dix fois sept fois.
Matthieu 18, 22
Cette réponse ne doit pas être comprise de manière littérale. Jésus ne fixe pas une limite chiffrée au pardon, mais affirme au contraire que le pardon ne doit pas être compté. Autrement dit, il faut toujours être prêt à pardonner. Cependant, Jésus précise également que pardonner ne signifie ni nier le mal, ni accepter l’injustice, ni rester passif face à une situation abusive.
Il explique :
Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère.
Matthieu 18, 15
Ainsi, le pardon n’exclut ni la parole, ni la confrontation, ni la recherche de vérité. Il ne consiste pas à approuver la faute, mais à refuser que la faute détruise définitivement la relation.
Le pardon dans The Chosen
Dans The Chosen, cette dynamique est clairement visible dans la relation entre Pierre et Matthieu. Le pardon n’est ni immédiat ni facile. Il passe par la colère, le rejet et la confrontation, avant de devenir un choix conscient et exigeant.
Lorsque Pierre finit par dire à Matthieu « je te pardonne », ce n’est pas un geste faible, mais un acte de courage.
Il apparaît alors que le pardon apporte de nombreux bienfaits :
- il soulage celui qui demande pardon ;
- il libère intérieurement celui qui pardonne ;
- il apaise les relations ;
- il favorise la réconciliation ;
- il ouvre la possibilité du pardon en retour, de la part des autres comme de Dieu.
En théorie, pardonner semble donc être la meilleure solution. En pratique, c’est pourtant l’une des démarches les plus difficiles. Pardonner demande un effort réel, une certaine maîtrise de soi et un véritable renoncement à la rancœur. Mais c’est précisément ce chemin exigeant qui permet une véritable libération.
Ainsi, The Chosen illustre concrètement l’enseignement biblique selon lequel le pardon n’est ni une faiblesse ni une naïveté, mais un acte profondément humain et transformateur.
Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même.
Colossiens 3, 13
Article rédigé par Grégoire Lasnon
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Modif. le 24 décembre 2025






