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La pensée de Socrate : résumé

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Quelle est la pensée de Socrate ? Quel est son apport ? Pourquoi Socrate est-il considéré comme le fondateur de la philosophie ?

Socrate (vers 469 – 399 avant JC) est régulièrement présenté comme le fondateur de la philosophie classique. Il n’a rien écrit mais ses disciples Platon et Xénophon ont largement rapporté sa pensée (sources et citations ici), sans que l’on soit sûr qu’elle ait été correctement retranscrite.

Après avoir servi comme fantassin, Socrate commence à philosopher dans la rue vers -435 : il dialogue avec les passants, simplement vêtu, sans chaussures, se tenant debout et immobile. Contrairement aux Sophistes, il ne demande pas d’argent.

L’oracle de Delphes semble véritablement lancer sa carrière philosophique : en effet, la Pythie, répondant à une question de son ami Chéréphon, affirme que Socrate « est le plus sage des hommes ».

Socrate répond à l’oracle : « Je sais une chose, c’est que je ne sais rien ». Il cherche alors à résoudre cette contradiction : partant du principe qu’il ne sait rien, comment peut-il être sage ? Suivant les recommandations de la Pythie, il interroge les passants et les notables à ce sujet. A cette occasion, il se rend compte de leur double ignorance : d’une part ces gens ne savent rien, et d’autre part ils ignorent qu’ils ne savent rien. Or Socrate possède un avantage sur ces gens : il est lucide sur le fait qu’il ne sait rien.

Je suis plus sage que cet homme. Il peut bien se faire que ni lui ni moi ne sachions rien de fort merveilleux ; mais il y a cette différence que lui, il croit savoir, quoiqu’il ne sache rien ; et que moi, si je ne sais rien, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc qu’en cela du moins je suis un peu plus sage, que je ne crois pas savoir ce que je ne sais point.

Apologie de Socrate, retranscription du procès de Socrate, Platon

Bien plus tard, Pascal parlera d’une « ignorance savante qui se connaît ».

Ainsi, Socrate apparaît comme le philosophe par excellence, sage par ce qu’il sait qu’il ne sait rien. Il se montre humble, raisonnable, ouvert au dialogue, exemplaire par la maîtrise de lui-même. Il fait voeu de pauvreté. Il n’a pas peur de la mort : il acceptera de boire la ciguë après son procès pour impiété, ce qui, plus tard, conduira certains à le comparer à Jésus.

D’autre part, Socrate est le premier à consacrer la réflexion philosophique aux affaires humaines et non plus seulement à l’étude de la Nature : à ce titre, il est le premier philosophe classique, les philosophes antérieurs étant regroupés sous le titre de présocratiques.

Plus précisément, Socrate développe une philosophie de la morale ; il est aussi à l’origine de la notion de « concept », ouvrant par là le chemin aux idées platoniciennes.

Socrate a eu de nombreux disciples et continuateurs, dont certains ont fondé des écoles de philosophie plus ou moins célèbres, à Athènes ou ailleurs.

Tentons de pénétrer la pensée de Socrate.

Contrairement aux présocratiques, Socrate est peu intéressé par la cosmologie et les sciences de la Nature ; il se penche plutôt sur l’éthique et la morale.

La pensée de Socrate part du principe que les dieux ne sont pas des dieux de la Nature : Dieu est d’abord et avant tout un principe moral, situé au-delà de la matière. Dieu est ce qui est bon. Or, c’est par la raison que les Hommes peuvent interpréter la bonté de Dieu et devenirs bons eux-mêmes. Il en ressort une certaine approche du bien et du mal, que nous développerons plus bas.

Après l’oracle de la Pythie, Socrate se fait un devoir d’aider les Athéniens à perfectionner leur âme, et donc à devenir bons. Sur l’Agora, dans les gymnases, dans les rues et les ateliers, Socrate engage le dialogue avec ses concitoyens.

Socrate est considéré comme l’inventeur de la maïeutique (de Maïa, déesse des accouchements), technique consistant à dialoguer avec un interlocuteur pour lui faire « accoucher » ses connaissances, autrement dit exprimer un savoir qu’il possède déjà en lui.

Socrate ne se veut pas un enseignant mais simplement celui qui révèle, qui fait « surgir » la vérité.

Dans cette perspective, Socrate utilise l’ironie, méthode dialectique consistant à feindre l’ignorance pour amener son interlocuteur à reconnaître ses propres contradictions ou lacunes. En posant des questions simples et en jouant l’innocent, Socrate révèle l’incohérence des croyances chez l’autre, et l’amène à renoncer à ses certitudes. Cette approche, typique de la maïeutique, vise à stimuler la réflexion critique.

Socrate érigea l’ironie en méthode de dévoilement et si possible de dépassement de nos contradictions internes. Son souci étant de faire voler en éclats les prétendus savoirs et les fausses assurances de ses interlocuteurs par une suite de questions dont l’implacable logique accule le questionné à reconnaître avec son ignorance et son impuissance, l’énormité de ses prétentions.

De l’ironie à l’humour, un parcours philosophique, Lucien Guirlinger

Ainsi, pour Socrate, l’enseignement se fait par le questionnement.

Socrate pratique aussi la réfutation (elenchos), qui consiste à montrer à son interlocuteur que sa logique ne tient pas, ou qu’il se contredit. Cette méthode provoque la honte chez l’individu qui croyait savoir, ou au contraire l’admiration envers Socrate, une admiration qui peut aller jusqu’à la relation amoureuse.

Parfois, la réfutation peut plonger l’individu dans une grande confusion. Dans tous les cas, elle amène chacun à se remettre en cause : tel est le chemin de la connaissance de soi, le seul qui puisse dissiper les illusions.

Une vie sans examen ne vaut d’être vécue.
Socrate

Socrate reprend la célèbre inscription présente sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes : Gnothi seauton, Connais-toi toi-même. C’est pour Socrate le seul moyen de faire émerger les vérités présentes au fond de soi. Or, pour se connaître soi-même, il faut se confronter à l’autre et dialoguer avec lui.

La pensée de Socrate repose sur l’idée que la vertu (aretê) est une science, c’est-à-dire une connaissance morale. Par conséquent, ceux qui ne maîtrisent pas cette science ne peuvent commettre le mal volontairement. Autrement dit, un ignorant ne peut être conscient qu’il agit en mal, puisqu’il n’a pas la connaissance de ce qui est bien ou mal. Voilà l’un des plus célèbres paradoxes socratiques (para : contre ; doxa : opinion).

Socrate tire un autre enseignement de cela : il ne faut pas répondre au mal par le mal, ni à l’injustice par l’injustice. Il s’oppose à la vengeance et à la loi du Talion, mais ne renonce pas à la punition ; il appelle à une société fondée sur la connaissance du bien et du mal, même s’il reconnaît qu’une telle science est difficile à enseigner.

Cette approche du mal est révolutionnaire : pour la première fois, le mal s’explique : il est lié à l’ignorance. Sénèque, Spinoza et Nietzsche, entre autres, reprendront cette thèse.

Concernant sa vision de Dieu ou des divinités, Socrate adopte une approche rationnelle et morale : Dieu est avant tout raisonnable et bon. Il rejette les représentations mythologiques traditionnelles des dieux grecs, capricieux voire immoraux.

Dieu est donc garant de la justice, de la vertu et de la morale. Socrate l’associe à l’ordre du monde.

Par ailleurs, Socrate évoque régulièrement son daïmonion, sorte de voix intérieure qui le guide. Il ne s’agit pas d’un dieu au sens classique, mais plutôt une forme de conscience morale ou d’intuition. Le daïmonion ne lui dit pas ce qu’il doit faire, mais l’avertit de ce qu’il ne doit pas faire. En l’occurrence, Socrate comprend qu’il doit servir Dieu en encourageant les Athéniens à vivre de manière vertueuse.

Certains spécialistes voient dans la pensée de Socrate une forme de monothéisme philosophique où un principe divin unique (le Bien, la Raison) domine. En réalité, Socrate reste ancré dans le polythéisme grec, même s’il privilégie une approche plus abstraite et éthique de la divinité.

Socrate est le premier à définir clairement la philosophie : le philosophe est celui qui sait qu’il ne sait pas, et donc celui qui est en quête permanente de la sagesse. Partant de là, il tente de convertir les hommes à la philosophie, non pas en délivrant un enseignement, mais en employant des méthodes d’accouchement de la pensée. Pour Socrate, la vérité ne doit jamais être imposée de l’extérieur, elle doit être approchée par celui qui la cherche grâce à l’effort de connaissance de soi.

Certains de ses contemporains iront jusqu’à voir en Socrate un intermédiaire entre Dieu et les hommes : adoubé par la Pythie, guidé par son daïmonion, il accomplirait une mission divine, au service du progrès, du Bien et de la raison.

Cependant, les pratiques de Socrate, notamment l’ironie et la réfutation, provoquent l’hostilité de certains notables athéniens, ce qui conduira à sa mise en cause et à sa condamnation à mort.

A l’âge de 70 ans, après un procès pour impiété et corruption de la jeunesse, Socrate est condamné à boire la ciguë. Par son suicide assumé, il montre qu’il est parvenu à se détacher de sa propre matière : là est la suprême vertu, la suprême sagesse. Philosopher, c’est apprendre à mourir… c’est ainsi que la pensée de Socrate est devenue immortelle.

Modif. le 1 octobre 2025

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