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La marche à reculons : planche au 3ème degré

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La marche à reculons : comment interpréter l’entrée à reculons au troisième degré ? Pourquoi le récipiendaire aperçoit-il l’étoile flamboyante avant de se retourner ?

La cérémonie d’élévation au grade de maître débute dans des circonstances très particulières. Un compagnon est surpris aux abords de la loge. Il est d’abord suspecté d’être l’auteur d’un meurtre ; on apprend ensuite qu’il demande à être admis en chambre du milieu.

Possédant le mot de passe, le récipiendaire est autorisé en entrer. Mais le Très Vénérable Maître demande que cette entrée se fasse à reculons. Le compagnon ne peut donc pas voir décor de la loge, mais se trouve face à l’étoile flamboyante qui, curieusement, apparaît désormais à l’occident.

Retenu entre les colonnes par l’Expert et le Maître des Cérémonies, lesquels le tiennent chacun par un bras, il entend ces mots du Très Vénérable Maître :

Compagnon …, contemplez l’Étoile Flamboyante qui vous fait face ! C’est avec les lumières du passé que l’on se dirige dans l’obscurité de l’avenir !

Le Très Vénérable Maître s’assure ensuite des intentions du récipiendaire ; il demande à l’Expert d’examiner ses mains et de s’assurer que son tablier est pur et sans tache.

Ceci étant fait, le récipiendaire est enfin autorisé à se retourner vers l’orient. Il distingue alors une loge plongée dans les ténèbres, le deuil et les larmes ; il constate aussi la présence d’un corps dans un linceul.

Quelle peut être la signification de cette entrée à reculons ? Tentons une interprétation.

L’entrée à reculons peut d’abord être interprétée comme le passage de la loge au temple. En effet, le franc-maçon quitte le chantier (la loge, le parvis) pour pénétrer à l’intérieur du temple : il doit donc se retourner pour entrer dans une nouvelle dimension.

On pressent que cette entrée est le signe d’un renversement. Ayant pénétré à reculons, le compagnon fait face à l’étoile flamboyante, signe qu’il est toujours guidé par elle, comme c’était le cas au deuxième degré. Mais l’étoile apparaît désormais à l’occident, preuve qu’elle brillait peut-être d’un éclat trompeur, ou en tous cas que nous interprétions mal la nature de sa Lumière.

Car à trop regarder l’étoile flamboyante, le compagnon avait fini par oublier ce qui était derrière lui, dans son ombre…

Rappelons-le, l’étoile flamboyante symbolisait l’idéal d’une rencontre avec le Principe supérieur, un idéal que le compagnon a cru pouvoir atteindre. Autrement dit, en accédant à la maîtrise, il s’attend à fusionner avec le Grand Architecte de l’Univers. Excès de confiance et d’ambition…

Ayant cru pouvoir atteindre l’éveil, le compagnon s’est vu comme un être supérieur, élu des dieux : en fait, il est retombé sans s’en rendre compte dans l’illusion…

Autrement dit, le compagnon avançait dans le mauvais sens, et en lui demandant de se retourner, le Très Vénérable Maître le remet dans le droit chemin, lui montre la voie de la vraie Lumière.

Ainsi, ce que nous pensions être derrière nous (les illusions) est en réalité toujours là, et ce que nous pensions être devant nous (l’accès à l’éveil total) s’est évanoui.

Le message est clair : pour nous élever, nous devrons encore beaucoup abandonner…

En se retournant sur ordre du Très Vénérable Maître, le récipiendaire constate l’étendue du désastre : alors qu’il s’apprêtait à trouver la vraie vie, les ultimes secrets et la Lumière, il découvre la mort, la perte et les ténèbres.

Mais cette mort est positive si on la conçoit comme la mort des illusions. De même, la perte est porteuse si elle permet de relancer la quête et le travail sur soi. Et les ténèbres sont favorables si elles appellent l’émergence d’une Lumière nouvelle.

Le récipiendaire aperçoit le cercueil d’Hiram, lequel symbolise alors la fin de tous les faux-espoirs. Car Hiram a tout emporté avec lui : le mot des maîtres, les plans, la vérité, les secrets de l’existence et de Dieu.

Hiram a été tué par les mauvais compagnons. En un sens, nous sommes ces mauvais compagnons, car, comme eux, nous avons cru que les secrets nous étaient dus. Nous pensions avoir droit aux ultimes réponses, croyant avoir triomphé de tous nos défauts, alors que nous les avions laissés prospérer dans l’ombre.

Le retournement à opérer consiste donc en un examen de conscience, qui doit aboutir à un recentrage, à une reprise en main.

Désormais, nous tournons le dos à l’étoile flamboyante. Car nous comprenons que regarder la Lumière ne suffit pas. La spiritualité consiste au contraire à marcher vers les ténèbres, à visiter la matière amalgamée, l’inconscient opaque. S’élever consiste à plonger vers l’ombre, vers la nuit, vers l’inconnu ; cela consiste à observer ses défauts, ses mauvais penchants, ses pires pulsions.

La morale de cette histoire pourrait être que toute volonté d’élévation est mue par l’orgueil et l’ambition. Tout sentiment de maîtrise annonce un glissement vers le fanatisme. La vérité ne peut être approchée que par la voie sombre, régressive.

Il s’agit donc de quitter la Lumière de l’orient pour aller vers le sombre occident, idée que l’on retrouve très clairement dans le rituel d’ouverture des travaux au troisième degré :

LE TRÈS VÉNÉRABLE MAÎTRE
Frère Second Surveillant, d’où venez-vous ?

LE SECOND SURVEILLANT
De l’Orient, Très Vénérable Maître.

LE TRÈS VÉNÉRABLE MAÎTRE
Frère Premier Surveillant où allez-vous ?

LE PREMIER SURVEILLANT
Vers l’Occident, Très Vénérable Maître.

De même, c’est en voyageant vers l’occident que les maîtres retrouvent le tombeau de Maître Hiram.

Pour prouver son innocence, le Très Vénérable Maître demande au récipiendaire d’enjamber le cercueil d’Hiram. Plus loin au cours de la cérémonie, le récipiendaire joue le rôle d’Hiram et se laisse tomber dans le cercueil, incarnant le maître assassiné. Puis il est relevé par les Cinq Points Parfaits de la Maîtrise. Hiram renaît alors en la personne du nouveau maître. C’est ainsi que l’espoir réapparait et que la Lumière revient.

Au final, tout effort de visite des ténèbres fait revenir la Lumière. Tout sacrifice annonce une vie meilleure. Incarner la mort des illusions permet de retrouver le chemin de la vérité. Renoncer à tout espoir dégage la voie. Le maître maçon est celui qui comprend ces paradoxes.

Voir aussi notre liste de planches au troisième degré

Les essentiels du troisième degré maçonnique Adrien Choeur

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Modif. le 8 mai 2024

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