Le partage des vêtements du Christ : que symbolise la tunique de Jésus ? Pourquoi fait-elle l’objet d’un partage ? Comment interpréter ce passage du Nouveau Testament ?
Dans certaines représentations du Christ sur la croix, par exemple en tête de cet article (La Crucifixion, Andrea Mantegna, 1459), ou ci-dessous, des soldats romains sont représentés en train de jouer aux dés pour se partager les vêtements du Christ.
Ces représentations renvoient aux différents passages du Nouveau Testament qui évoquent un tirage au sort pour le partage des habits :
Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun.
Marc 15, 24
Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort.
Matthieu 27, 35
Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font ». Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort.
Luc 23, 34
Dans ce dernier verset, il est intéressant de noter que le partage des vêtements est associé à l’ignorance (« ils ne savent pas ce qu’ils font »).
Mais c’est l’Evangile de Jean qui décrit le mieux cet épisode :
Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas.
Alors ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura ». Ainsi s’accomplissait la parole de l’Écriture : Ils se sont partagé mes habits ; ils ont tiré au sort mon vêtement. C’est bien ce que firent les soldats.
Jean 19, 23-24
Entrons dans la signification symbolique du partage des vêtements du Christ.
La tunique de Jésus
Vêtement de la nouvelle Alliance, la tunique de Jésus est décrite dans l’Évangile de Jean comme un habit sans couture, tissé d’une seule pièce.
Cette fabrication d’un seul tenant peut évoquer l’union des natures divine et humaine du Christ (union hypostatique), inséparable et parfaite, que même les soldats romains n’arrivent pas remettre en cause. Elle peut aussi symboliser l’unité de l’Église, les chrétiens devant rester unis dans la foi. Enfin, cette caractéristique peut rappeler le suaire ou le linceul, comme pour suggérer que le message christique ne peut se révéler que dans la mort.
Les évangiles ne font pas mention de la couleur de la tunique, mais l’art sacré la représente le plus souvent blanche (la pureté, l’absence de péché) ou pourpre (la royauté au sens spirituel).
Le partage des vêtements du Christ
L’épisode du partage des vêtements du Christ est rapporté par les quatre évangélistes. Il est hautement symbolique à plusieurs titres.
Tout d’abord, le partage des vêtements est l’accomplissement d’un psaume de l’Ancien Testament attribué à David :
Car des chiens m’environnent, Une bande de scélérats rôdent autour de moi, Ils ont percé mes mains et mes pieds.
Je pourrais compter tous mes os. Eux, ils observent, ils me regardent ;
Ils se partagent mes vêtements, Ils tirent au sort ma tunique.
Et toi, Eternel, ne t’éloigne pas! Toi qui es ma force, viens en hâte à mon secours !
Protège mon âme contre le glaive, Ma vie contre le pouvoir des chiens !
Psaume 22, 16-20
Ce célèbre psaume, évoquant la souffrance et l’abandon, rappelle que la Passion est annoncée et préparée dans l’Ancien Testament, une preuve que Jésus est bien le Messie.
Indifférence et aveuglement
Les soldats romains, en se partageant le vêtement, méprisent la souffrance du Christ. Leur attitude représente l’indifférence du monde face au sacrifice rédempteur de Jésus, ou encore l’ignorance de ceux qui ne reçoivent pas son message de Vérité. Les soldats ne réalisent pas qu’ils sont en présence de Dieu :
Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.
Jean 1, 5
Les soldats ramènent l’importance de l’évènement à leurs propres intérêts : ils pourront peut-être tirer un bon prix de la tunique de celui qui a fait tant parler. Ils représentent l’orgueil, la cupidité, l’absence de compassion, autant d’obstacles sur le chemin de la Vérité.
Ici, le contraste est immense entre la sainteté de Jésus et la banalité du mal, un mal qui, nous l’avons dit, est synonyme d’ignorance.
Pourtant, le comportement des soldats ne fait pas obstacle au bien. Au contraire, il accompagne sa révélation. En effet, les soldats aident, malgré eux, à l’accomplissement de l’ultime dépouillement du Christ, lui retirant sa dernière enveloppe matérielle. Rien ne peut faire obstacle au bien…
Un soldat héritera de la relique : il sera « élu », même s’il n’en aura pas conscience. Dieu nous met en présence de son évidence, mais cela ne suffit pas toujours…
Le sort, le hasard, le jeu
Les soldats s’en remettent au sort, au hasard : dans les représentations de l’art sacré, ils utilisent des dés ou une Roue de fortune.
A l’évidence, le jeu constitue un danger spirituel et moral : le risque est de passer à côté de Dieu et de sombrer dans l’illusion des plaisirs terrestres, faits de cupidité, de facilité et de futilité.
Ainsi, les soldats passent à côté de l’essentiel. S’abandonnant aux fausses croyances, ils oublient que Dieu seul fait rouler les dés.
Dieu est aussi le seul à attribuer la grâce, cette capacité de percevoir l’Amour du monde. Or tout le monde n’est pas touché par la grâce…
Conclusion
Le partage des vêtements est une invitation à méditer sur notre attitude face à la Passion du Christ. Que comprenons-nous de son sacrifice et de son message ? Qu’y a-t-il du soldat romain en nous ? Comment renoncer à nos illusions pour nous ouvrir à la Lumière divine ?
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Modif. le 21 septembre 2025
