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L’universel : définition philosophique et spirituelle

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Quelle peut être la définition de l’Universel sur le plan philosophique et spirituel ? Quelle est la source de l’Universel ? Relève-t-il de l’utopie, du fantasme ? Y a-t-il « un » ou « des » universels ?

Le sentiment de l’Universel correspond à l’intuition personnelle intérieure forte qu’il existe, de façon abstraite et inconnue, une union et une réunion de soi-même et de tous, du matériel et de l’immatériel, une origine et une destination unifiées du temps éphémère.

Cette sensation gomme l’impermanence de nos existences, et stabilise la pensée, en éteignant la peur de la mort. C’est la vision intime d’une promesse de sérénité dans l’immobilité, de constance dans l’éternité, à l’opposé de l’agitation du monde, de la violence, des blessures et de la finitude. Un Ordo immanent et transcendant qui terrasse le Chaos.

Ce sentiment est aussi celui, immémoriel, d’une fusion des êtres humains en une Humanité unique, seulement traversée de différences culturelles.

Tentons une définition philosophique et spirituelle de l’universel.

L’aspect tangible de l’Universel repose sur la raison. L’Universel se définit et se construit au cours de l’Histoire de l’humanité, par l’étude, la réflexion, le courage et la sagesse humaines.

La science démontre que les quatre éléments qui constituent toute chose s’avèrent communs à l’ensemble de l’existant terrestre et céleste. Les corps de toute nature révèlent une parenté chimique démontrée par la méthode scientifique. Des lois transversales unifient les genres et créent des formes d’unité vérifiées sur toute la surface de la Terre et même à l’échelle du cosmos. L’Humain lui-même répond à des critères physiques de similarité.

Justices et religions reconnaissent de façon très inégale et très variée, à travers le monde, la valeur sacrée de la substance humaine, âme ou conscience, pensée ou volonté, parfois pour les protéger, souvent pour les soumettre.

L’inné de l’Universel, c’est le sentiment profond, la conviction et l’intuition voire la certitude, qu’il existe un fond commun intrinsèque sacré partagé par l’ensemble de l’Humanité. C’est la propension à tendre vers une unité qui nous assemble de l’origine et au-delà de la mort ou de l’extinction de l’espèce.

L’acquis de l’Universel, c’est l’étude des progrès de l’Humanité pour définir, construire et protéger ce que le corps, l’esprit et l’âme de chaque homme possède de plus précieux, d’intouchable, de sacré, de la dignité à la liberté de penser.

L’utopie peut être définir comme le projet ou le récit d’un idéal imaginaire et illusoire. Ses synonymes sont : rêve, chimère, fiction, idéal.

Le fantasme, lui, se définit par comme idée, représentation imaginaire, suggérée par l’inconscient. Il est une représentation imaginaire, traduisant des désirs plus ou moins conscients. Ce « plus ou moins conscients » nous ramène à la fois à la raison et à l’intuition, comme indiqué en introduction.

Ici le pire, pour ceux qui rêvent de construire une société meilleure, est que le fantasme correspondrait à une production de l’imaginaire par laquelle le moi tenterait d’échapper à l’emprise de la réalité.

La définition du fantasme ajoute donc à celle de l’utopie la dimension inconsciente du désir d’Universel. Et il nous faut admettre que toutes nos pensées ne relèvent peut-être pas toujours de la conscience. Notre cheminement philosophique ne consiste-t-il pas, d’ailleurs, à progressivement franchir des paliers de prise de conscience ?

C’est Delphine Horvilleur, dans un texte intitulé « Paradis des Sens, Sens du Paradis », qui souligne le désir d’unité de l’Humanité. L’auteur rapproche la conception du jardin d’Eden, de l’idée même de « Paradis », du désir d’unité qui traverse l’Homme dans de nombreuses cultures.

Littéralement, nous expose Delphine Horvilleur, Eden signifie doux et lisse en hébreu, au sens de non fracturé :

Le jardin d’Eden est le lieu d’avant l’Autre, le jardin où la conscience des coupures et des séparations n’existe pas encore. J’y suis encore toi, et tu es encore moi. (…) Dans l’Eden, on fait un. Dans l’existence, on fera à jamais deux. 

Selon la raison et la science, le jardin d’Eden, sauf appartenance à un mouvement créationniste, n’a pas existé. Décrit dans la Genèse, a-t-il été conçu par un humain lors de la rédaction de cette première partie de l’Ancien Testament ? D’où venait l’inspiration ? Sur quels sentiers notre inconscient est-il capable de nous entraîner ? Sur quelles routes nos analyses conscientes de la réalité peuvent-elles nous déposer ?

L’exercice intellectuel qui consiste à tenter de réfléchir sans Dieu, grâce à Nietzsche, ou sans Jardin d’Eden, aujourd’hui, nous invite, par transposition, à nous demander si notre vision de l’Universel est un rêve, une chimère, une fiction, un idéal (les synonymes du mot « fantasme »), issue de cette envie potentielle de nous rapprocher d’une Unité principielle apaisante.

Le désir d’unité qui animerait les Hommes, consciemment ou pas, a-t-il pu engendrer la création du concept d’Universel ?

L’Universel est aujourd’hui fortement combattu. Nous nous posons la question de savoir s’il existe, s’il est fondé, s’il relève de la Vérité, ou s’il s’agit d’un mythe, d’une création mentale, occidentale, qui nous plaît et répond à nos vues.

De l’unité, quelle que soit sa forme, à l’Universel, il n’y a qu’un pas.

Il se peut aussi que le rêve, la chimère, l’utopie d’Universel traversent de nombreuses cultures, et des milliers de pensées individuelles.

Avec une majuscule, l’Universel désigne la part sacrée de ce qui habite l’ensemble des individus de la planète, et, au-delà des êtres humains, du vivant dans son ensemble.

L’Universel est apparu dans l’Antiquité, cultivé par les Chrétiens, exalté par les humanistes de la Renaissance, accompli par les Lumières. Il est aussi une donnée de notre monde actuel, notamment par les lois qui sont issues de ses principes.

Partageons-nous le sentiment d’Universel avec le reste du monde ? Avec tout le reste du monde ? L’Universel a-t-il aussi surgi avant, ailleurs, dans des cultures éloignées et inconnues des nôtres ? Très probablement.

Le sujet de savoir si l’Universel est universel fait aujourd’hui polémique, pour des raisons culturelles, politiques et économiques. Existe-t-il plusieurs « Universels », ou bien des « pluriversels » ?

Vérité, évidence, mythe, croyance, utopie ? Nous avons choisi, en France, au XVIIIe siècle, de croire en l’Universel, et d’en cultiver et diffuser les valeurs, et parmi les exemples notoires : Liberté, Égalité, Fraternité.

Même s’il s’agit d’un fantasme, conscient ou issu de l’inconscient, d’une utopie, prête à mobiliser des hommes et des femmes pour le bien commun, ou d’un mythe utile à nos dépassements, l’Universel est un moteur, une mise en mouvement, la source d’une volonté, d’un idéal d’une partie de l’humanité à laquelle nous appartenons.

Nous avons fait le choix, par raison ou intuition, de suivre la voie de l’Universel, et de défendre ses implications. Et selon le dicton, mieux vaut savoir que l’on croit, plutôt que croire que l’on sait.

En 1943, Simone Weil a rédigé une « Étude pour une déclaration des obligations envers l’être humain », précédée d’un texte intitulé « La Personne et le Sacré ». Les obligations que Simone Weil définit dans son Étude sont issues de ses réflexions sur le Sacré dans l’être humain.

Il y a depuis la petite enfance jusqu’à la tombe, au fond du cœur de tout être humain, quelque chose qui, malgré toute l’expérience des crimes commis, soufferts et observés, s’attend invinciblement à ce qu’on lui fasse du bien et non du mal. C’est cela avant toute chose qui est sacré en tout être humain.

Le consentement est le pivot de la pensée de Simone Weil au sujet des obligations envers l’être humain. La nécessité d’obtenir le consentement de tout être humain pour toute relation à lui serait ou devrait être partagée par l’ensemble des êtres humains.

Si l’on parvient à se glisser dans le cœur de l’être humain, ou de l’animal, pour prendre son point de vue sur le monde qui l’entoure, il apparaît évident que ce qui est attendu est qu’on lui fasse du bien, et non du mal.

À partir de ce poste d’observation, il est possible d’établir une liste de ce qui ne doit pas faire de mal à l’être humain, ou à l’animal, valable sur toute la surface de la Terre.

Et ensuite, si mal est fait, la philosophe propose un dispositif de moyens pour restaurer la confiance dans le bien, avec la Justice en premier lieu.

C’est ainsi que Simone Weil cerne l’Universel sans le nommer et construit ce qu’elle appelle sa « profession de foi » pour une déclaration, qu’elle ne décrit pas comme universelle dans les termes. Alors qu’Eleanor Roosevelt travaille dans le même temps à la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui sera signée à Paris en 1948.

À partir de cette définition du sacré de la personne humaine, nous pouvons logiquement dérouler la liste de tout ce qu’un être ne s’attend pas à ce qu’on lui fasse, car ce serait lui faire du mal. Autant de maux déjà combattus par le passé, de façon bien aléatoire, des maux toujours en œuvre, ou susceptibles de ressurgir. Et comme le pire n’est jamais sûr, la liste de ce qui peut faire du mal au corps, à l’esprit et à l’âme de l’Homme, n’est certainement pas exhaustive…

La formalisation d’un idéal d’organisation pour les sociétés humaines a engendré dans l’Histoire de l’humanité des repères auxquels se fier pour améliorer la condition de tous. Il existe des acquis, même fragiles, et des espoirs. L’État de Droit, la Justice, les Droits de l’Homme sont les produits des propositions et des luttes pour le respect de tous les membres d’une société donnée.

La démocratie est le mode de gouvernement apparemment le plus adapté au respect de la dignité humaine et de la volonté citoyenne, tout en constituant « un mauvais système, mais le moins mauvais des systèmes » selon l’expression de Winston Churchill.

Aussi nos héros sont-ils notamment incarnés par les figures de :

  • Lycurgue, Solon et Numa,
  • Bartolomé de Las Casas,
  • Locke et Montesquieu,
  • Condorcet et l’Abbé Grégoire,
  • Emmanuel Kant,
  • Victor Schoelcher,
  • Eleanor Roosevelt,
  • Martin Luther King,
  • ou encore Robert Badinter.

La constellation est bien-sûr beaucoup plus vaste que celle ébauchée. Prenons exemple sur ces hommes et femmes courageux, engageons-nous, par les moyens qui s’offrent à nous, à petite, à grande échelle, pour protéger les acquis, et œuvrer pour le progrès des valeurs universelles en lesquelles nous croyons.

Le monde présent exige de nous l’engagement et la mobilisation pour l’Universel.

Platon avait défini le Bien par le Bon, le Juste, le Vrai et le Beau.  Nous disposons toujours aujourd’hui de ce socle universel de valeurs, pour imaginer notre utopie de demain, et nous mettre à l’œuvre.

Article rédigé par Ysabeau Tay Botner

Modif. le 1 mai 2025

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