L’année maçonnique : qu’est-ce que l’Année de Vraie Lumière ? Comment fonctionne le calendrier maçonnique ? Explication.
Traditionnellement en franc-maçonnerie, la planche tracée du Secrétaire est datée de l’Année de Vraie Lumière, qui correspond à l’année en cours augmentée de 4000 ans.
Il y a donc l’ère vulgaire, c’est-à-dire l’année civile (par exemple 2026), et l’ère maçonnique, c’est-à-dire l’année de Vraie Lumière (par exemple 6026) : c’est ce qu’il est convenu d’appeler le calendrier maçonnique. Mais pourquoi ce décalage de 4000 ans ?
Pour comprendre le fonctionnement du calendrier maçonnique, il faut reprendre l’histoire de notre calendrier profane.
Année civile et année maçonnique
Tout d’abord, le calendrier vulgaire (profane) que nous utilisons est le calendrier grégorien, du nom du Pape Grégoire XIII qui l’a promulgué en remplacement du calendrier julien, lui-même promulgué par Jules César en remplacement du calendrier romain pré-existant.
Le calendrier romain, inventé par Pompilius en 680 avant J.C., comportait 10 mois et 304 jours. On arrêtait de compter les jours en hiver, et on en reprenait le compte aux calendes de mars, c’est-à-dire le premier jour de la nouvelle lune de mars.
Mais l’imperfection de ce système conduisait à décréter des durées d’année variant de 355 à 378 jours, cela pour tenter de maintenir sa durée alignée sur la révolution de la Terre autour du Soleil. Les habitants de Rome, proches du centre de décision, pouvaient s’y retrouver. Mais plus l’on s’éloignait de la capitale, moins on savait à combien de jours l’année en cours avait été décrétée, et les dates ne coïncidaient plus.
Jules César décida de réformer le système et instaura le calendrier julien. Celui-ci comprenait 365 jours et l’on ajoutait un jour tous les 4 ans. En effet, les astronomes avaient calculé que l’année durait 365 jours un quart, calcul assez précis pour l’époque.
De même, pour le calendrier romain, l’année débutait aux calendes de mars, c’est-à-dire au 1er jour de la nouvelle lune de ce mois. Le calendrier maçonnique a hérité de cette tradition, par conséquent chaque année débute le 1er mars.
Remarque : Comme leurs noms actuels l’indiquent encore, septembre, octobre, novembre et décembre étaient respectivement les septième, huitième, neuvième et dixième mois de l’année selon le calendrier julien.
L’adoption du calendrier grégorien
Le calendrier julien resta en vigueur de 46 avant J.C. jusqu’en 1582, année de la mise en place du calendrier grégorien.
En effet, le calendrier julien comportait une erreur de 11 minutes et 4 secondes par an, ce qui avec les siècles se transforma en plusieurs jours de décalage par rapport au temps solaire. La fête de Pâques, dont la date était déterminée par l’équinoxe, dérivait lentement vers l’été : le pape Grégoire XIII décida d’y remédier.
Grégoire XIII promulgua son calendrier, dit « grégorien », en 1582. Il modifia le mode de calcul des années bissextiles :
- les années divisibles par 4 sont bissextiles,
- les années divisibles par 100 ne sont pas bissextiles, sauf si elles sont également divisibles par 400.
D’autre part, pour rattraper le temps perdu au cours des siècles, on passa du 4 au 15 octobre 1582 en une seule nuit.
Cependant, les pays non catholiques ne souhaitèrent pas adopter un calendrier promulgué par un pape. Le célèbre astronome Kepler s’amusait à dire que les protestants préféraient être en désaccord avec le Soleil plutôt qu’être d’accord avec le pape. Ainsi, Shakespeare et Miguel de Cervantès moururent à la même date, le 23 avril 1616, mais l’un en pays anglican, l’autre en pays catholique, donc pas le même jour. Il fallut attendre 1752 pour que l’Angleterre adopte le calendrier grégorien.
L’autre innovation de ce calendrier consista à faire commencer l’année en janvier et non plus en mars : cela permettait de faire coïncider les fêtes du nouvel an païen avec la période de Noël.
Le calendrier maçonnique et l’Année de Vraie Lumière
Le calendrier maçonnique n’a pas pour vocation de s’approcher le plus précisément possible du temps réel, mais de lui donner une portée symbolique.
Le calendrier maçonnique a sa propre année de départ. Le calendrier grégorien débute à la naissance du Christ, et l’année est exprimée en Anno Domini, année du seigneur. Jusqu’au début du XVIIIe siècle, les documents maçonniques étaient datés de l’Anno Lithomorum ou Latomorum, traduit par « année des tailleurs de pierres ».
Avec le pasteur Anderson, la franc-maçonnerie prit l’Anno Lucis comme référence. En effet, la première édition de ses constitutions est datée de Year of Masonry 5723 – Anno Domini 1723, avec cette différence de 4000 ans. Mais d’où viennent ces 4000 ans de l’Anno Lucis ?
La détermination de l’an 1 de Vraie Lumière est basée sur les calculs d’un révérend anglican irlandais né à Dublin en 1580, James Ussher. Selon ses travaux de chronologie sacrée, il détermina la date de la création du monde conformément aux textes bibliques. Il arriva à la conclusion que la Genèse avait eue lieu en 4004 avant J.C. et très précisément le 23 octobre de cette année là, à 9h00 du matin…
Bien sûr, il y a un risque à considérer un livre de révélation, la Bible comme d’autres, comme une base historique établie et non comme une potentialité symbolique. Si c’est seulement pour dater le moment de la Genèse, cela peut faire sourire. Mais cette confusion entre révélation et réalité est encore observée dans certains groupes religieux, avec des conséquences parfois tragiques.
Qu’est-ce qu’un calendrier ?
Un calendrier est un système de division du temps en années, en mois et en jours. Il est lié d’une manière plus ou moins stricte à la durée de révolution de la Terre autour du Soleil, ou à celle de la Lune autour de la Terre. Le « plus ou moins strict » requiert ici toute notre attention.
En effet, la division du temps est basée sur des observations de la Nature :
- l’alternance du jour et de la nuit, due à la rotation de la Terre sur elle-même, détermine la durée du jour,
- les phases de la Lune, en rapport avec la rotation de la Lune autour de la Terre, simples à observer, constituent un mois lunaire,
- la révolution de la Terre autour du Soleil détermine la durée d’une année. Ce cycle relativement long peut se repérer par des phénomènes comme les solstices.
Selon des calculs récents, une année solaire compte 365, 242 201 jours et 12, 36 827 lunaisons. D’où l’impossibilité de synchroniser de manière exacte la durée en jours d’une année de calendrier avec le cycle de la Terre autour du Soleil ou les cycles de la lune.
Les Hommes ont toujours souhaité identifier des repères temporels communs, les soumettant au passage à des considérations politico-religieuses…
Pourquoi le pasteur Anderson se serait-il soustrait à cette règle ? Si la réponse reste incertaine, il n’est pas impossible qu’il ait choisi cette date symbolique de la Genèse pour au moins deux raisons :
- d’abord pour adopter une chronologie indépendante des particularismes religieux, qui étaient encore très sensibles à cette époque dans le contexte britannique,
- mais aussi pour affirmer le caractère universaliste de la franc-maçonnerie, la Genèse étant le point de départ de tout.
Notons en outre que faire débuter l’Année de Vraie Lumière en mars, comme dans le calendrier julien, est une tradition française.
Quoiqu’il en soit, la franc-maçonnerie spéculative adopta il y a trois siècles ce calendrier spécifique, qui perdure encore, du moins dans certains rites, comme le Rite Ecossais Ancien et Accepté.
La datation maçonnique
Il faut noter que lorsqu’une date est exprimée en Année de Vraie Lumière, le nom du mois n’est pas mentionné mais seulement son rang, et le jour est nommé par son quantième.
Par exemple, le huitième jour du 1er mois de l’Année de Vraie Lumière 6026 correspond au 8 mars 2026.
Le symbolisme du calendrier maçonnique
L’Année de Vraie Lumière, au-delà de son côté « descriptif », nous ramène à un symbolisme que chacun doit tenter d’interpréter.
Comme la Terre tourne autour du Soleil, les francs-maçons tournent autour du pavé mosaïque et du tableau de loge. Ils évoluent dans la dualité auprès de l’axe du monde, qui incarne la cohérence cosmique.
La vie maçonnique est rythmée par des éléments temporels cycliques : solstice d’été et solstice d’hiver, lumière descendante et lumière montante, midi et minuit, succession du jour et de la nuit. Chaque couple d’opposés reconstitue l’unité primordiale, ce qui rattache la réalité physique aux réalités métaphysiques.
Surtout, l’année de Vraie Lumière, liée au récit symbolique de la Genèse, renvoie à un paradis perdu que le franc-maçon tente de retrouver. L’état adamique représente en effet l’innocence, le bonheur, la paix et l’amour qui nous font défaut.
Le temps maçonnique, celui de la quête, serait donc un temps qui recule plutôt qu’il n’avance, l’objectif étant de revenir à l’an 1, celui de l’état primordial.
Au final, le calendrier maçonnique tente de synchroniser le temps des hommes et le temps spirituel. Fondé sur la tradition chrétienne, il inclut en lui-même le message de Jésus tout en le rattachant au point de départ de tout. Il ouvre une dimension spirituelle et symbolique profonde qui place chacun face à lui-même, dans sa propre quête d’un bonheur insaisissable…
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Modif. le 20 août 2025