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Chamanisme et néo-chamanisme : définitions

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Chamanisme et néo-chamanisme : définitions. Qui sont les chamanes ? Comment pratique-t-on le chamanisme aujourd’hui ?

Le chamanisme est un ensemble de pratiques spirituelles apparues à la Préhistoire sous des formes variées sur tous les continents, dans lesquelles on peut voir des caractéristiques communes :

  • elles relèvent de l’animisme, c’est-à-dire de la croyance en des esprits qui animent les êtres vivants, les objets et les phénomènes,
  • elles s’organisent autour d’un ou d’une chamane, guide spirituel et médiateur entre les hommes et les esprits, détenteur de la Connaissance,
  • un des buts essentiels est de soigner l’âme et le corps.

Le mot « chamane » ou « chaman » vient du toungouse (langue d’Asie du nord) saman, « celui qui est animé, transporté », par l’intermédiaire du russe chaman qui signifie « prêtre, médecin et magicien ». Ces trois derniers mots résument parfaitement le chamanisme : le chaman est à la fois celui qui guide la communauté, qui soigne les individus et qui possède la clé des mystères de l’existence. On le considère comme sage et éveillé. Il peut accéder à des niveaux de conscience élevés.

Selon les cultures et les traditions, le chamane est :

  • un druide (monde celtique) : gardien du savoir et de la sagesse, intermédiaire entre les dieux et les hommes,
  • un kannushi (shintoïsme japonais ancien) : chef de clan, médiateur entre la communauté et les kami (esprits), médium et guide spirituel,
  • une mudang (sinisme coréen) : femme qui prodigue des soins, qui communique avec les esprits et les forces de la Nature,
  • un bomoh (Malaisie) : expert des herbes médicinales, guérisseur, divinateur et médiateur,
  • un machi (culture mapuche du Chili et de l’Argentine) : guérisseur traditionnel et chef religieux,
  • un sangoma ou inyanga (communautés bantoues d’Afrique australe) : guérisseur, prêtre et prophète,
  • un zairan ou une udgan (Mongolie) : exorciste, guérisseur, faiseur de pluie, oniromancien, devin,
  • une babaylan (Philippines) : femme capable d’entrer en contact avec les esprits et jouant le rôle de médium lors des cérémonies rituelles,
  • un « homme-médecine » ou « femme-médecine » (sociétés indiennes d’Amérique du Nord) : dans de nombreuses tribus comme les Lakotas, les Hopis ou les Algonquins, il joue le rôle de médiateur entre le monde des esprits et celui des humains. Il interprète les rêves, organise des danses sacrées, soigne les maladies par des rituels et à l’aide de plantes médicinales,
  • un curandero (Amazonie) : divinateur et guérisseur qui prépare la décoction d’ayahuasca, boisson aux effets psychédéliques. Le curandero est censé traiter directement avec les esprits malveillants à l’origine des maladies,
  • un kadji (aborigènes d’Australie) : gardien des lois tribales, jeteur de sort, guérisseur, il organise les cérémonies secrètes,
  • etc.

Dans tous les cas, le chamane a accès à des réalités invisibles par le commun des mortels : il est capable d’expliquer les évènements, le passé, l’avenir, le destin. En dialoguant avec les esprits, c’est-à-dire avec les forces qui animent la matière, il peut influer sur les évènements et les phénomènes, par exemple la météo. Il pratique la magie, l’exorcisme, la sorcellerie.

Selon les traditions, on devient chamane en étant initié ou à la suite d’une révélation personnelle.

Le chamanisme est un animisme qui a quasiment disparu avec l’apparition des religions monothéistes et des systèmes de pensée dits rationnels. Cependant, certaines traditions ont perduré et se pratiquent toujours aujourd’hui dans le monde, par exemple en Corée du Sud.

Parallèlement, le chamanisme est réapparu au XXe siècle sous des formes modernes, notamment en Occident. On parle de néo-chamanisme, phénomène culturel hétérogène qui reprend certaines pratiques anciennes tout en se nourrissant du besoin de reconnection à la Nature et à soi-même.

Tentons de définir précisément ce que sont le chamanisme et le néo-chamanisme.

Le chamanisme est l’art ancestral d’accès au domaine du surnaturel, c’est-à-dire au domaine des esprits censés animer les objets et les êtres vivants. Il peut être défini comme un ensemble de pratiques pyschomentales et de rituels menés par des chamanes, guides capables de communiquer avec les esprits, de guider, d’éveiller et de soigner les individus.

Ces pratiques initiatiques ou démonstratives se fondent donc sur l’idée d’un contact à établir avec ce qui est invisible. Il faut pour cela vivre des épreuves, entrer en transe ou accomplir des voyages en vue d’atteindre des états de conscience modifiés et ainsi voir ce qui est caché.

Le chamanisme possède plusieurs dimensions :

  • c’est une cosmologie ou plutôt une cosmogonie, c’est-à-dire un récit de la création et du fonctionnement de l’univers,
  • c’est une pseudo-science qui vise à la connaissance de la Nature, et qui débouche sur des pratiques divinatoires ou une tentative d’intervenir sur le cours des choses,
  • c’est une spiritualité qui a pour but de répondre aux questions existentielles,
  • c’est une médecine holistique, qui soigne à la fois le corps et l’esprit.

Les chamanes sont les praticiens, les gardiens et les transmetteurs de ces connaissances.

Quant au néo-chamanisme, il reprend certains de ces éléments pour les adapter aux enjeux modernes.

On peut considérer que le chamanisme ne s’est jamais éteint, y compris dans nos sociétés occidentales, puisqu’il est toujours possible de faire appel aujourd’hui à des guérisseurs, des rebouteux, des herboristes (naturopathes), des médiums ou encore des voyants.

Au-delà, un chamanisme nouveau est apparu dans la deuxième partie du XXe siècle, dans la mouvance New Age.

Dans son ouvrage The Way of the Shaman, Michael Harner est le premier à poser les bases du néo-chamanisme. Il précise le concept de « chamanisme fondamental », ensemble de pratiques universelles adaptées aux besoins modernes. Il présente les outils et instruments du chamane (tambour, chants, rituels…) et décrit le principe du voyage chamanique qui consiste à explorer les trois mondes spirituels, trouver des réponses aux questions existentielles et aboutir à des guérisons spirituelles. Le livre veut rendre le chamanisme accessible, sans appropriation culturelle, à l’écart de toute religion.

A partir des années 1970, le néo-chamanisme est en vogue notamment dans les milieux écologistes. Le néo-chamanisme prospère alors sur la volonté de s’écarter des religions traditionnelles, sur le besoin reconnexion à la Nature, mais aussi à sa propre nature, afin de retrouver un équilibre perdu.

De la même manière que le chamanisme ancien s’est mêlé aux religions modernes (bouddhisme, taoïsme, hindouisme…), le néo-chamanisme se développe principalement en s’associant à d’autres pratiques spirituelles : thérapies holistiques, soins énergétiques, méditation, pleine conscience, danse intuitive, yoga, tantrisme, parapsychologie, Qi Gong, rebirth, cartomancie, hypnose, etc.

On le retrouve aussi dans les courants du néopaganisme : druidisme, wiccanisme, mythologie slave, etc.

Le chamanisme était pratiqué par les peuples premiers sous des formes assez diverses.

Parmi les pratiques chamaniques anciennes, citons :

  • les voyages spirituels : le but est la recherche de la transe ou de l’extase en vue d’entrer en contact avec les esprits, d’accéder à certaines réalités, de voir l’avenir ou de connaître le passé. L’accès à des états de conscience modifiés se fait par l’emploi de substances psychotropes, par l’écoute de sons répétés, par le chant, la danse, l’hypnose ou encore les séjours dans les huttes à sudation,
  • le dialogue avec les esprits : médiumnité, ventriloquie, etc,
  • les rituels sacrés : offrandes aux esprits, incantations, sacrifices d’animaux pour en extraire l’esprit, etc,
  • les performances physiques ou démonstrations magiques : maîtrise des éléments, déploiement de force physique, résistance à la douleur, mises en scène dramatiques,
  • les pratiques visant à soigner le corps et l’esprit : préparation de remèdes et décoctions, imposition des mains, prières, exorcisme, etc,
  • ou encore la divination.

Le néo-chamanisme reprend et adapte certaines de ces pratiques, principalement dans le but de libérer ses émotions et d’explorer de nouveaux canaux de conscience. Il se complète parfois de rituels néo-païens : cercles rituels, offrandes, manifestation de gratitude. Il propose des « voyages » collectifs ou individuels, ce qui passe par la recherche d’un état de transe provoqué par les chants, le tambour, les clochettes ou le hochet. Il propose d’explorer son subconscient à travers une sorte de rêve éveillé. Il promet encore de rencontrer son animal totem, ses alliés spirituels, ses ancêtres ou ses guides. Il propose de retrouver les parties de notre âme que nous aurions perdues.

Les pratiques rituéliques chamaniques anciennes ou modernes font appel à des objets particuliers :

  • le manteau, le couvre-chef et le masque de transe, orné des attributs de l’animal totem,
  • le tambour (tambourin, mailloche) : c’est l’outil de communication avec les esprits qui aide à atteindre des états de conscience modifiés. Le tambour représente aussi l’univers dans ses différentes composantes,
  • les clochettes : leur son aide à accéder à un état élargi de conscience,
  • le hochet : instrument de voyage spirituel et de soin énergétique,
  • la baguette : bâton rituel, véhicule des voyages chamaniques,
  • les amulettes ou talismans : objets protecteurs,
  • l’attrape-rêves : objet de médecine chamanique visant à éloigner les mauvais esprits,
  • ou encore les totems, qui jouent eux-aussi un rôle protecteur.

Dans certaines traditions anciennes, les chamanes portaient des peaux de bêtes ou des plumes dans le but de retrouver et de communiquer avec leur animal totem (aigle, loup, cerf…) au cours de leurs voyages spirituels. Les animaux servaient de guides aux humains, de sauveurs et d’anges-gardiens, l’objectif étant d’accéder à leurs pouvoirs et à leur sagesse.

Aujourd’hui encore, la rencontre avec l’esprit de l’animal totem est l’un des objectifs de la pratique chamanique, qui emploie pour cela la méditation, l’hypnose ou encore l’usage de plantes.

Chez les peuples premiers, le chamanisme était largement pratiqué par les femmes, sans doute du fait de leur sensibilité spirituelle et de leur capacité à prendre soin des autres.

Incarnant la fertilité et la force vitale, les femmes connaissaient les rituels de guérison. D’autre part, la transe était parfois associée à l’accouchement. De même, les cycles biologiques (menstruations, grossesse, ménopause) pouvaient être perçus comme des manifestations des forces de la vie et de la mort.

On retrouve ces idées dans le chamanisme tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, notamment dans la mouvance du féminin sacré. A titre d’exemple, les cercles de femmes permettent d’explorer l’énergie féminine à travers ses différentes facettes, notamment la guérison et l’intuition.

Certaines femmes se revendiquent « sorcières » ou « druidesses », héritières de ces femmes chamanes qui étaient capables de pressentir les choses, de dépasser certains états d’être et d’offrir un soin global.

Dans son aspect négatif, le chamanisme est une pratique superstitieuse qui peut conduire à des dérives, et notamment à une emprise psychologique.

De fait, le néo-chamanisme est une nébuleuse non-organisée, non-structurée, ce qui permet à nombre de chamanes auto-proclamés de revendiquer la connaissance véritable, alors même que le chamanisme n’a jamais formé un courant de pensée homogène.

Les dangers du néo-chamanisme sont connus : risque de dérive sectaire, charlatanisme, exercice illégal de la médecine, soumission par l’utilisation de substances toxiques, etc…

En outre, le néo-chamanisme présente des limites philosophiques et métaphysiques évidentes, puisqu’il se fonde sur une pensée archaïque elle-même basée sur des croyances irrationnelles, la superstition, le spiritisme et le mysticisme. A l’évidence, la pensée magique et les rituels conjuratoires ne sont pas à la hauteur de ce que l’on peut attendre de la spiritualité au XXIe siècle.

Pourtant, le néo-chamanisme présente un intérêt, en particulier s’il est associé à des pratiques spirituelles sérieuses et reconnues :

  • il tend à une harmonie profonde entre l’être humain et la Nature,
  • il peut favoriser le lâcher-prise et le développement de la sensibilité,
  • il propose une vision globale de l’existence où le corps, l’esprit, les émotions et l’environnement ne sont pas dissociés,
  • il étend le domaine du sacré,
  • il peut favoriser la connaissance de soi et donc l’éveil.

La spiritualité consiste précisément à percevoir ce qui est invisible pour les sens, en l’occurrence tout ce qui nous relie à l’univers. Prendre conscience de cette loi d’interdépendance, c’est approcher le principe commun à toute chose, c’est donc ouvrir sa conscience à l’idée d’harmonie cosmique et d’amour universel. Le chamanisme peut conduire à cela, notamment par l’état de transe. En effet, il a été prouvé que la transe peut conduire à une inhibition du cortex pré-frontal, donc à la neutralisation de l’ego et des réflexes de jugement et d’auto-censure, et par conséquent à l’élargissement de la conscience.

Au final, la pratique chamanique doit être considéré avec prudence. L’individu doit rester maître de sa quête spirituelle, sans verser dans le délire incontrôlé, la superstition ou la fausse croyance…

Pour aller plus loin :

Couverture les Essentiels de la Spiritualité Adrien Choeur

Qu’est-ce que la spiritualité ? Quel est le but à atteindre ? En quoi consiste la méthode spirituelle ? Quel lien avec la philosophie ?

Ce livre numérique pdf (216 pages) aborde les notions essentielles de la spiritualité à travers 65 textes

Modif. le 29 novembre 2024

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