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La recherche de la vérité en franc-maçonnerie

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La recherche de la vérité en franc-maçonnerie : comment l’aborder ? Qu’est-ce que la vérité, pourquoi et comment la rechercher ?

Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. Socrate

Beaucoup de franc-maçons se reconnaissent dans cette citation. Cette idée, décourageante en apparence, nous est suggérée très tôt dans notre cheminement.

Le doute et le scepticisme font partie des principaux caractères de l’initié.

Le franc-maçon sait qu’il ne sait rien, en tous cas rien de définitif, car la vérité nous semble parfois proche mais se révèle toujours insaisissable, et nous devons en permanence nous méfier des apparences trompeuses.

La vérité c’est, pour un être humain, l’ajustement de son discours à la réalité.

La vérité diffère de l’opinion, qui répond au besoin de trouver une réponse plus ou moins parfaite à une question.

Accéder à la vérité, c’est comprendre les lois de notre monde, les lois naturelles transcendantes, physiques et morales. C’est, d’une certaine manière, distinguer entre le Bien et le mal :

  • Le Bien peut être vu comme ce qui est beau, grand et bon, c’est-à-dire agréable, harmonieux, ordonné ou plus précisément auto-ordonné, je veux dire libre et responsable, à la fois autonome et solidaire. Le Bien amène l’apaisement et la joie. C’est la vie, la source, la lumière, la Justice.
  • Le mal peut être vu comme ce qui est mal-ordonné, disharmonieux, décentré, incomplet, non-libre, irresponsable ou soumis. Le mal institue des différences entre les êtres humains et les êtres vivants en général, ce qui mène à la haine, au malheur et à la souffrance. Le mal est synonyme de ténèbres.

Mais ici la première erreur consisterait à opposer Bien et mal, car nous tomberions dans l’impasse du dualisme. En effet, le Bien universel ne combat pas le mal. Au contraire, il l’accueille, l’englobe et l’embrasse : c’est l’Amour universel et inconditionnel qui dissout la haine.

Mais, quand bien même saurions-nous définir le Bien et le mal, nous sommes en permanence confrontés à des dilemmes ou des doutes : est-ce que j’agis bien ? aurais-je pu éviter de blesser ? pourquoi ne me suis-je pas rendu compte de ce que j’ai fait ? quel est le bon comportement à adopter ? aurais-je dû agir plus tard, plus tôt, plus fort ? serais-je pardonné ? à quel moment l’inégalité devient-elle liberté ? à quel moment l’égalité devient-elle servitude ? y a-t-il des moments ou des circonstances où le refus de la violence est pire que la violence elle-même ? peut-on utiliser le mal pour arriver au Bien ?

Lire aussi notre article : Comment distinguer le bien et le mal ?

La recherche de la vérité : pourquoi ?

Les raisons de la recherche de la vérité sont souvent biaisées.

Dans certains cas, l’idéal de la recherche de la vérité est un prétexte pour servir l’ego. C’est vouloir accéder à la vérité pour dominer et diriger. C’est évidemment une impasse, car l’orgueil est un obstacle sur le chemin.

Dans d’autres cas, on préfère se détourner de la vérité, car elle peut déranger ou blesser l’amour propre. Nous refusons de nous regarder dans un miroir car nous nous sentons menacés dans ce que nous avons de plus profond. Par orgueil, nous cherchons à éviter l’image de notre disparition sous l’effet de la violence extrême du temps. La recherche de la vérité fait peur à celui se penche sur son passé et son avenir, sur des secrets qu’il craint de savoir.

Alors pourquoi rechercher la vérité ? La principale raison est sans doute notre souhait d’une humanité meilleure. Accéder à la vérité c’est comprendre la cause de nos malheurs individuels et collectifs, donc progresser vers le bonheur et l’harmonie.

Celui qui croit au progrès, c’est-à-dire en une certaine destinée de l’humanité, celui qui porte en lui les valeurs positives d’un idéal universel, celui-là recherche la vérité. Il est sage ; et il semble bien que la vérité ait à voir avec la sagesse, cet ordre intérieur qui mène non pas à vouloir imposer ses idées, mais à accepter sereinement les choses, tout en agissant en conscience.

Dans de nombreux moments de l’Histoire, la recherche de la vérité a été limitée ou interdite, sans doute parce que le pouvoir de quelques-uns exercé dans leur propre intérêt était contraire au bonheur de tous.

Le bonheur est une idée neuve en Europe. Saint-Just, 1794

Lire aussi notre article : Savoir, connaître, comprendre.

Au fond, qu’est-ce que la vérité ?

On peut d’abord citer les contraires de la vérité :

  • L’erreur (causée par l’ignorance),
  • L’illusion (causée par le fanatisme),
  • Le mensonge (causé par l’ambition).

Les hommes sont en permanence attirés par ces défauts. Les mots prononcés sont toujours imparfaits, inappropriés, chargés d’erreurs ou d’approximations. Ils peuvent être mal compris, blesser ou créer des malentendus.

Les mots profanes que nous utilisons cachent les mots véritables que nous ne connaissons pas.

Par opposition à ces mots profanes, la vérité est la Parole vraie et universelle, le Logos, ou encore la Loi, la Lumière, comme décrit dans le prologue de l’évangile selon Saint-Jean :

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement avec Dieu.
Toutes choses ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui.
En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue.

Sagesse, bonheur, vie, Justice, ordre, harmonie : ne commençons-nous pas à cerner la véritable nature de la Vérité ?

Comment rechercher la vérité ?

La recherche de la vérité regroupe des méthodes et des chemins différents.

Mais il y a des préalables. Il faut d’abord ôter les voiles que nous avons devant les yeux.

La recherche de la vérité est avant tout une quête personnelle, qui s’aborde sur le plan de l’individu. Or chaque individu développe par définition son point de vue propre sur le monde, qui varie en fonction de sa psychologie, de ses caractéristiques physiques et physiologiques, de son histoire et de ses expériences.

Il importe avant tout de savoir qui je suis pour connaître ma propension à réfléchir véritablement, et dans quelle mesure mes voies d’accès à la vérité seront biaisées.

Pour bien réfléchir, je dois donc me connaître, prendre du recul sur moi-même, me regarder, bref ME réfléchir, comme dans un miroir. Suis-je suffisamment calme, apaisé ?

La paix intérieure, voie d’accès à la vérité.

Je ne suis plus le centre du monde. Mon ego passe au second plan. Je suis descendu en moi-même et j’ai compris les sources de mon mal-être, de ma colère, de mon incompréhension, peut-être de ma haine.

Libéré de mes poids, je n’ai plus d’idée arrêtée. Il me reste peut-être encore quelques certitudes, mais je sais que je pourrai facilement les remettre en cause. Mes pensées peuvent évoluer sans que leur deuil soit un problème pour moi. Je sais que je ne sais rien, mais cela ne me pose plus vraiment problème. Alors seulement, je peux commencer à comprendre.

Le désintéressement.

Pour bien rechercher la vérité, je me désintéresse de moi-même, je lâche prise.

Je me désintéresse aussi de la vérité elle-même. C’est plutôt le doute que je dois rechercher. Le chemin est plus important que l’objectif, et si le chemin est bon, il me mènera en direction de la vérité qui sera ce qu’elle sera.

S’ouvrir aux autres, pour s’ouvrir à la vérité.

S’ouvrir aux autres, au monde, c’est peut-être ce « pas de côté » du Compagnon. Un pas difficile, car non rectiligne, un pas vers l’inconnu qui nous met en danger.

S’ouvrir au monde c’est faire mourir les idées fausses ou incomplètes que nous avons en nous. Je dois tolérer l’altérité.

La tolérance n’est pas une concession que je fais à l’autre, elle est la reconnaissance du principe qu’une partie de la vérité m’échappe.  Paul Ricoeur.

Des méthodes et des outils.

Le rituel d’élévation au grade de Compagnon nous donne les outils symboliques susceptibles de nous aider dans la voie de la vérité :

  • le ciseau et le maillet, symboles de précision, de travail et de volonté,
  • la règle et le levier, symboles de rectitude morale et de force de volonté,
  • le fil à plomb et le niveau, symboles de contrôle de soi et invitation à vérifier et rectifier sans cesse,
  • l’équerre, outil-modèle qui permet de bâtir sur des fondations stables.

Le rituel nous invite aussi à la méthode de l’observation par le cartouche des Cinq Sens : cela peut être l’observation du passé, l’étude de l’histoire, de l’histoire de l’Art, ou encore l’observation du Beau.

Le rituel nous invite aussi à la méthode scientifique, par le quadrivium Arithmétique, Musique, Géométrie, Astronomie.

Le terme Musique nous met en particulier sur la voie de la méthode créative : ici l’expérience, à la différence de l’expérimentation scientifique, part d’hypothèses très ténues : la création doit permettre à l’artiste de découvrir des chemins qu’il ne soupçonnait pas.

Les mots profanes : obstacle ou outil ?

Une méthode de la recherche de la vérité pourrait consister à abandonner totalement nos mots pour nous attacher uniquement à l’intuition. En effet les mots ne sont que des substituts imparfaits à la pensée. Mais pour pouvoir partager nos réflexions et nos progrès entre frères, il nous faudra nécessairement revenir aux mots…

Le trivium Grammaire, Rhétorique, Dialectique nous invite à la maîtrise des mots.

La dialectique est une méthode de discussion, de raisonnement et d’interprétation qui peut être complétée par la rhétorique, par exemple l’humour.

L’humour est un processus de transgression de règles de langage qui met en évidence les dysfonctionnements de la langue. Parmi les mécanismes de l’humour et de la rhétorique on trouve l’analogie, le quiproquo, la métaphore, la parodie, l’ironie ou encore l’absurde…

L’humour permet d’arriver directement et intuitivement à la joie.

On le voit bien, pour rechercher la vérité, il faut s’autoriser des transgressions.

La recherche de la vérité est donc un travail progressif, transgressif et artistique.

Conclusion : La vérité n’est pas de ce monde.

Ève a croqué le fruit défendu pris sur l’arbre de la connaissance du bien et du mal, arbre planté par Dieu dans le jardin d’Eden. Ève a été tentée par le serpent qui lui avait promis l’accès au savoir illimité, au même niveau que Dieu. On connait la suite… Ce péché originel symbolise nos mauvais penchants en même temps qu’il décrit notre condition humaine.

Du fait du Temps qui passe, la vie nous place en face de circonstances toujours nouvelles, de situations imprévues et de dilemmes infinis. Il est impossible d’appliquer une Loi à chacune de ses situations différentes. Il nous reste à trouver notre voie en nous appuyant sur nos valeurs fondamentales, en écoutant notre intuition, en demandant pardon et en nous accordant aussi ce pardon. Nous apprendrons de nos erreurs, nous progresserons, c’est notre destin, grâce à ce Temps, qui passe.

La vérité absolue n’est pas accessible à la condition humaine. Pourtant, il y a des moments de vérité.

Nous sommes cette étoile dont les contours dessinent des allers-retours du centre vers l’extérieur, en différentes directions. Nous sommes le contour de cette étoile, que nous redessinons sans cesse, pour la faire briller plus fort au milieu des ténèbres.

Voir aussi :

Pour aller plus loin :

livres numériques JePense

Modif. le 11 mars 2024

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