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L’Oeuvre au noir en alchimie : signification (8/10)

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L’Oeuvre au noir en alchimie : signification, description et définition. En quoi consiste l’Oeuvre au noir ? Qu’est-ce que la séparation, la dissolution, la putréfaction ou l’extraction ?

Cet article fait partie de la série alchimique :

L’alchimie ou « science hermétique » considère que toute mutation commence par une régression avant de pouvoir s’élever à une qualité plus noble.

Il faut d’abord qu’intervienne une séparation, une dissolution, une mortification ou une putréfaction (le vocabulaire alchimique étant très riche pour décrire cette première phase du processus).

Il s’agit de la première étape du processus alchimique, de loin la plus difficile, celle qui consiste pour l’alchimiste à dépasser sa propre personnalité pour accéder, un jour peut-être, à son Or intérieur.

En plus d’être difficile, l’Oeuvre au noir (ou Nigredo) est une opération risquée : en effet, la dissolution risque d’entraîner la perte de l’essentiel, c’est-à-dire de l’Or lui-même (le principe supérieur, l’Âme).

D’autre part, cette séparation peut faire penser à une lutte Mère-Fils, c’est la raison pour laquelle on la qualifie parfois d’inceste philosophal (voir plus bas).

Voici un résumé détaillé de l’Oeuvre au noir en alchimie, ainsi qu’une tentative d’interprétation.

L’Oeuvre au noir en alchimie : résumé détaillé.

Pour comprendre l’Oeuvre au noir en alchimie, il faut rappeler l’idée selon laquelle l’Or recherché par l’alchimiste se trouve emprisonné dans « une geôle très ténébreuse ». Cette prison est sous la garde de Mercure (les Eaux, l’Esprit), elle-même sous la garde de Saturne (le plomb, le Corps).

En résumé, le Corps est la prison.

Il s’agira donc d’émanciper la forme de vie subtile du Mercure épais et de Saturne. Saturne est le corps physique qui attire à lui et fixe le Mercure : en effet, Saturne est ce principe qui soumet la force-vie à l’individualité figée : c’est la vie conditionnée, l’individu-ego, l’être non-éveillé prisonnier de lui-même.

Remarque : A travers la fixation du Mercure, Saturne fixe aussi le Soufre : le principe supérieur se trouve alors lui-aussi pris dans l’individualité, dans un corps déterminé.

L’Oeuvre au noir consiste précisément à briser cet enchaînement : séparer veut dire extraire le Mercure du Corps, ce qui permettra aussi, finalement, d’extraire le Soufre. Ainsi, le Mercure constitue la principale clé de l’Oeuvre.

Autrement dit, il s’agit de secourir Mercure, de lui rendre sa liberté afin qu’elle redevienne cette force vitale capable de révéler son Soufre intérieur, voie transcendante de transformation. Voilà donc la séparation qu’il faut opérer.

L’Oeuvre au noir en alchimie : signification, interprétation.

L’Oeuvre au noir est déclenchée par la volonté de l’alchimiste. Il sent en lui un besoin d’éveil qui constitue le Feu de départ, le feu de la cuisson. Ce Feu philosophique est une chaleur intérieure qui vient certainement d’un endroit très sacré, rempli d’amour. Ce feu doit être doux de manière à révéler l’Or profond enfermé dans le Corps, et qui ne se réveillera pas avant que le Corps ne soit totalement dissout.

Concrètement, quelle est la signification de l’Oeuvre au noir en alchimie ?

Si l’on sort du langage symbolique, on peut interpréter cette phase comme un nécessaire lâcher-prise, par lequel l’individu s’extrait de sa corporéité pour s’éveiller à la vie en général. Il s’agit de réanimer cette force universelle présente en soi, mais cachée, inconsciente. Le « moi », l’ego, le sentiment de vivre en tant qu’individu séparé et autonome : voilà ce qu’il faut dissoudre.

Car c’est bien le « moi » qui nous empêche d’accéder à notre être profond, universel et éternel. Ce lâcher-prise, c’est le « lâcher des Eaux », Eaux qui permettront de dissoudre le Corps, et ainsi de libérer l’Âme.

Or cette tentative de lâcher-prise entraîne souvent une réaction de peur qui fait que l’opération échoue et que les portes de la connaissance se referment.

Il y a aussi le risque inverse : celui d’un lâcher-prise trop poussé (une dissolution trop rapide ou trop avancée), qui aboutirait à perdre pied et à « perdre son âme ». Ceci équivaut, dans le four alchimique, à une réaction trop vive, entraînant une fumée blanche incontrôlable qui finirait par en sortir : c’est l’Esprit qui s’échappe.

Ainsi le bon alchimiste est celui qui arrive à garder le contrôle de son four.

Remarque : en alchimie, l’Âme désigne l’esprit divin, alors que l’Esprit représente l’âme humaine changeante.

Résumé de l’Oeuvre au noir.

En résumé, l’objectif de l’Oeuvre au noir est de libérer la vie, et d’obtenir un Mercure pur : il faut entendre par là une vie libre, non-liée, non-rattachée à un être individué. Le Mercure grossier et vulgaire, rattaché au Corps, doit donc s’affiner.

Le vocabulaire alchimique parle de « préparation des eaux corrosives » ou de « préparation du Mercure des Sages » : le but est bien de spiritualiser le Mercure, c’est-à-dire de s’écarter de ses désirs, de ses passions, de ses pulsions, de ses instincts qui ramènent la force-vie au « moi » individué, au Corps, sorte de Soufre négatif.

Ce processus, s’il réussit, a une conséquence directe : l’individu n’a plus de perception du monde extérieur par, ni pour lui-même. Sa conscience est désormais dissociée de son « moi ». C’est l’épreuve du vide, l’abandon de tout ce qui fondait nos instincts animaux. Dans les textes, on parle entre autres de sommeil sans rêve, d’état de transe, de léthargie, d’état cataleptique et enfin de mort apparente.

Cependant, il est essentiel que la conscience reste alerte tout au long du processus, sinon aucun éveil ne pourra se produire : c’est seulement de cette manière que réussira la mort hermétique ou « mort philosophale ».

Voilà donc la signification du langage alchimique qui parle « d’assécher l’Eau trop lourde » (le Mercure trop corporel) pour arriver à une Eau spirituelle, « ignée » : le Mercure philosophal.

La séparation, la mort, le noir.

Si l’on reformule, « séparer du corps » signifie faire passer le principe-vie (Eau, Mercure) à l’état non-individué, non-corporel. La séparation est donc dissolution, extraction du principe-vie originel : c’est une conversion effectuée au sein-même de la matière première.

Mais dans l’Athanor, four alchimique parfaitement hermétique, les cendres corporelles ne disparaissent pas : la séparation n’entraîne aucune disparition ; elle est plutôt une révélation.

Quant à la mort, elle évoque cette substance qui vient d’être désactivée, à savoir le principe corporel. Elle est synonyme de putréfaction. Mais encore une fois, les cendres sont bien là.

La mort évoque la couleur noire : c’est l’état du Corps quant l’Âme lui a été enlevé. Il en résulte une fumée blanche qui s’élève, et qui ne doit surtout pas s’échapper de l’Athanor, au risque de perdre l’Esprit.

Par ailleurs, le noir est assimilé à la Terre, à l’Ombre obscure, ou au corbeau.

L’Oeuvre au noir : le Mercure et le Soufre retrouvés.

Le résultat de l’Oeuvre au noir est de retrouver les deux principes fondamentaux qui fondent l’être humain (et le cosmos) : le Mercure et le Soufre. Ces principes sont à présent évidents, alors qu’ils étaient emprisonnés dans la matière.

Nous sommes déjà à une première phase de la formation de l’Androgyne hermétique, composé de Soufre et de Mercure. Les deux ennemis s’embrassent. Les deux serpents du Caducée s’entrelacent – le masculin et le féminin – autour de la baguette d’Hermès. Dans l’Eau divine, ou Mercure des Sages, s’annonce l’état d’unité, qui est la véritable « Matière première », d’où l’on peut avoir tous les Eléments et tous les Régimes du Grand Oeuvre.
La Tradition hermétique, Julius Evola.

L’inceste philosophal.

L’étape de l’Oeuvre au noir est parfois qualifiée d’inceste philosophal, par référence aux rapports symboliques entretenus entre la Mère et son Fils, ici entendus comme féminin-masculin, volatil-fixe, Lune-Soleil, etc.

Dans un premier temps, la Mère domine son Fils : les Eaux dissolvent le principe fixe du « moi » individué. Mais dans un second temps, le Fils reprend le contrôle sur la Mère, s’affirmant comme le seul principe supérieur.

Ainsi, la séparation intervient dans le ventre de la Mère qui dévore ou tue son Fils, mais à titre provisoire, le but ultime étant la réintégration du pouvoir du Fils qui ensuite s’affirmera sur le principe qui l’avait d’abord dominé et dissout.

L’Oeuvre au noir en franc-maçonnerie.

En franc-maçonnerie, l’épreuve de la Terre reprend le symbolisme de l’Oeuvre au noir et de la mort hermétique.

Ainsi, c’est dans le sombre cabinet de réflexion que commence l’initiation : c’est là que débute la séparation, la dissolution, bref, le Nigredo. La conscience immédiate est invitée à s’effacer au profit d’une conscience plus profonde qui s’éveille. Le néophyte se prépare à mourir au profane pour renaître au sacré.

D’autre part, en franc-maçonnerie, dégrossir la Pierre brute peut être vu comme l’opération qui consiste à spiritualiser le Mercure pris dans la matière. C’est retirer la matière qui est en trop, c’est permettre à l’Âme et à l’Esprit de s’exhaler, de sortir de la pierre vulgaire. C’est bien là une métaphore de l’Oeuvre au noir.

Continuez votre lecture sur l’alchimie avec l’article : L’Oeuvre au blanc.

Pour aller plus loin :

Les essentiels de l'alchimie spirituelle couverture

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Modif. le 8 février 2024

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