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La mort en franc-maçonnerie

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La mort en franc-maçonnerie : comment l’aborder ? Comment les franc-maçons perçoivent-ils la mort ? Voici une planche maçonnique au 1er degré.

Voici quelques pensées sur la mort. Il ne s’agira pas ici de savoir s’il y a ou non une vie après la mort, chacun étant libre de ses opinions ou convictions, mais d’éclairer la mort dans une perspective maçonnique.

Le franc-maçon distingue deux types de morts : la mort initiatique et la mort physique.

Nous aurions pu aussi évoquer la mort consécutive au parjure (violation du serment maçonnique) ou encore la mort due au sacrifice (cf. le sacrifice d’Hiram), mais ça ne sera pas ici notre propos.

Voir aussi notre article : Pourquoi faut-il mourir ?

Voici donc une approche de la mort en franc-maçonnerie.

La mort en franc-maçonnerie, au sens initiatique.

La mort initiatique est bien sûr au centre de notre démarche. Il s’agit d’une mort symbolique, prenant le sens d’une transmutation, d’une série de transformations de l’individu et de son psychisme.

Cette mort consiste à nous séparer de notre « moi » pour accéder au Soi, autrement dit à la part de nous que l’on peut qualifier d’illimitée, d’universelle.

Ainsi, le rituel nous apprend à mourir à ce qui nous paraissait acquis, évident, certain, et qui en fait nous barrait la route des autres, de la réalité, et de la vraie vie.

Grâce au travail sur nous-même, notre ancienne personnalité s’efface pour laisser place à une nouvelle manière d’être au monde. Un chemin qui passe par la connaissance de soi, qui permet d’identifier et de combattre nos imposteurs intérieurs.

Voilà donc le long travail de maturation qui nous est proposé : mourir à ce que nous tenions pour vrai, afin de renaître plus purs. Mourir encore, renaître toujours meilleur.

Goethe écrivait :

Et tant que tu n’as pas compris 
Ce : Meurs et deviens ! 
Tu n’es qu’un hôte obscur 
Sur la terre ténébreuse.

La mort physique.

Je voudrais surtout évoquer dans cette planche la mort physique, qui est pour nous le passage à l’Orient éternel.

D’ailleurs, pourquoi parle-t-on d’Orient éternel ? Il aurait été plus logique de parler d’Occident éternel…

Rappelons-le, l’Orient est traditionnellement la source de la vraie Lumière : le Temple de Salomon était ouvert sur l’Orient. L’Orient éternel est donc la Lumière éternelle, autrement dit la vérité.

Associer la mort à la Lumière éternelle, et donc à la vérité, peut sembler étonnant. Dans notre tradition, la Lumière évoque surtout le logos et la vie ; or un mort ne parle pas et ne vit plus…

En réalité, l’Orient éternel semble l’expression d’une Lumière absolue, immuable, non soumise aux cycles solaires. C’est une Lumière partout présente, capable de briller en pleine nuit. C’est la Lumière du caché, de l’inconnaissable, c’est la Lumière des ténèbres. Dans cette vision des choses, la mort est autant la fin de la vie que son début, et tout ce qui semble opposé finit par se rejoindre.

Le passage à l’Orient éternel peut être vu comme le retour au stade primordial, celui qui précède la dualité. C’est le retour à l’unité, au Tout. C’est aussi le retour au silence qui était le nôtre avant de naître. La mort nous permet ainsi de retrouver notre authenticité première, celle d’un être non séparé, universel, absolu, dépassant l’espace et le temps, inclus dans la totalité cosmique.

Perdre la vie, c’est donc renaître au Tout. Il ne s’agit pas d’une disparition, mais d’une réconciliation définitive avec toute chose. La matière organique que nous étions servira à composer d’autres êtres vivants. L’immatériel que nous étions (notre esprit, nos idées, mais aussi nos actes) continuera à nourrir le grand continuum de l’humanité, pour toujours.

Ainsi, en retournant à la poussière, au rien, nous retournons au Tout. Et en retournant au Tout, nous retournons à la source de toutes les choses.

De la pierre vive à la pierre cosmique.

Si le Frère passé à l’Orient éternel n’est plus une « pierre vive », il reste une pierre à part entière, sur laquelle il est possible de continuer à bâtir l’édifice humain.

Cette pierre ancienne est devenue fondation. Elle est indestructible. Sans elle, l’édifice tout entier s’effondrerait et nous ne serions pas là pour en parler. Et quand bien même le souvenir du Frère décédé se serait totalement perdu, aurait été oublié à jamais, sa pierre continuerait à supporter l’édifice.

En réalité, cette pierre ancienne, attachée au passé, fonde le présent et l’avenir. Le franc-maçon passé à l’Orient éternel ne cherche plus à édifier le Temple, il est le Temple.

De la mort initiatique à la mort physique.

Le plus intéressant dans tout cela est sans doute que la mort initiatique que nous pratiquons ici nous aide à préparer notre mort physique.

J’évoquerai à ce titre le symbolisme du crâne, objet que nous avons découvert dans le cabinet de réflexion. Le crâne n’est rien d’autre que la tête dépouillée de tout son superflu : de nos yeux qui ne voyaient rien, de nos oreilles qui entendaient mal et de notre cerveau qui n’arrivait pas à comprendre.

Le contenu disparu, l’ego effacé, ne reste plus que le contenant : un espace vide qui peut enfin se remplir de la Lumière éternelle. Désormais, plus rien ne fait obstacle à cette Lumière : symbole de mort, le crâne se change alors en celui de la vie véritable.

Vers l’immortalité.

Mes Bien Chers Frères, le sens de la quête maçonnique est peut-être d’apprendre à bien mourir. Bien sûr, nous ne parviendrons jamais à effacer totalement notre peur de la mort, et il se pourrait bien que nos derniers jours soient marqués par les tourments de la souffrance. Cela ne voudra pas dire que nous avons échoué.

La mort est d’abord un passage difficile (les bouddhistes parlent d’un bardo). Mais cette souffrance due à notre corps et à notre ego qui n’admet pas de disparaître porte la promesse de l’extinction de la souffrance.

Une fois mort, l’ego ne fera plus obstacle à la vérité, une vérité qui ne sera donc plus liée à notre individualité, mais au Tout, qui est notre véritable nature.

Mes Frères, tentons dans la mesure du possible de ne pas avoir peur de la mort. En réalité, celui qui n’a plus peur de la mort est celui qui est déjà retourné au Tout, de son vivant : il a trouvé le Graal, il est devenu immortel.

Et même si le doute et la peur continuent de nous assaillir, souvenons-nous de nos frères passés à l’Orient éternel, eux qui ont su traverser l’épreuve, qui ont vaincu le douloureux moment, comme nous le vaincrons nous-mêmes.

Mes Frères, le problème n’est pas de savoir s’il y a une vie après la mort, mais bien de savoir s’il y a une vie avant la mort. Autrement dit, pour nous franc-maçons, la perspective de la mort est la voie de la vraie vie : le chemin de la sagesse et de l’éveil.

Mes Frères, gémissons, gémissons, gémissons, mais espérons.

Pour aller plus loin sur la mort en franc-maçonnerie :

livres numériques JePense

Modif. le 11 mars 2024

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