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La différence cosmologie et cosmogonie

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La différence cosmologie et cosmogonie : explication. En quoi le récit cosmogonique s’éloigne-t-il ou rejoint-il la cosmologie et les sciences ?

Cosmologie et cosmogonie sont deux termes proches et pourtant bien différents, l’un étant de nature scientifique et l’autre d’inspiration religieuse.

Tentons de définir ces termes :

  • Définition cosmologie : La cosmologie (« connaissance du cosmos » en grec) est la science qui étudie l’origine, la formation, la structure et l’évolution de l’univers. La cosmologie s’appuie sur la physique et les mathématiques, le but étant d’identifier les lois physiques qui gouvernent l’univers.
  • Définition cosmogonie : La cosmogonie (« formation du cosmos » en grec) est le récit symbolique de la création du monde. Chaque religion ou courant spirituel développe sa propre cosmogonie, basée sur des mythes, des traditions ou des allégories.

A première vue, cosmologie et cosmogonie sont donc incompatibles : le premier terme relève de la science alors que le second est un récit imaginaire.

Pourtant, il serait artificiel d’opposer les deux notions. En effet, en l’absence de réponse rationnelle sur l’origine du monde et la structuration du cosmos, les théories scientifiques n’ont parfois pas plus de légitimité que certaines constructions philosophiques ou mythiques.

Ainsi, parler de cosmologie et de cosmogonie, c’est se placer à la frontière de la science, de la philosophie, de la spiritualité et de la religion. La science physique s’ouvre alors à la métaphysique (littéralement : ce qui est au-delà de la physique), dans une logique clairement créative.

Dans tous les cas, en s’interrogeant sur le cosmos et son origine, le chercheur-philosophe se posera la question :

On touche ici aux plus profonds mystères du monde et de l’existence. On entre aussi dans le domaine du sacré, du surhumain, ce qui amène directement l’homme à se confronter à ses propres limites.

Voyons concrètement la complémentarité ainsi que la différence cosmologie et cosmogonie.

Lire aussi notre article : La différence entre cosmos et univers

La différence cosmologie et cosmogonie

On l’a dit, on peut résumer la différence cosmologie cosmogonie de la manière suivante : la cosmologie est une science alors que la cosmogonie est un récit.

Pourtant, la cosmogonie n’est pas forcément plus irrationnelle que certaines conjectures scientifiques. En effet, confrontée aux limites de la matière, la science doit s’ouvrir à toutes les hypothèses, même les plus étonnantes.

Les modèles scientifiques finissent par rencontrer les mythes et les questions métaphysiques fondamentales, qui touchent à l’irruption de l’être hors du néant et à l’apparition du cosmos (entendu comme l’univers organisé).

En exprimant de manière allégorique des croyances immémoriales, les récits cosmogoniques peuvent paradoxalement nourrir la science, pour peu qu’ils soient abordés de manière ouverte.

Reste que la seule réalité perceptible est la Nature elle-même, en tant que fruit de la création : le cherchant devra donc faire appel à son intuition pour tenter de comprendre le mécanisme qui a pu générer ce « fruit ».

Vérité révélée ou à rechercher ?

Si opposer cosmologie et cosmogonie paraît artificiel, il faut cependant distinguer deux approches radicalement différentes sur la question de l’origine du monde :

  • l’approche religieuse croit en une vérité révélée (transmise aux hommes par Dieu) se retrouvant dans les textes sacrés. Cette approche peut mener à des dérives, par exemple le créationnisme qui se base sur une interprétation littérale des textes religieux,
  • une autre approche, plus active, consiste à utiliser les récits cosmogoniques (mais aussi les théories scientifiques) pour s’interroger et continuer à chercher. Cette approche ne rejette pas les textes religieux mais les interprète de manière adogmatique.

Le cherchant devra tenter de dépasser ses limites en s’appuyant et en recoupant les théories et les mythes, tout en renonçant au côté trompeur de ces derniers puisqu’ils ont tendance à humaniser et temporaliser ce qui est par définition au-delà de l’homme et du temps.

Confronté au mystère, le scientifique devra quant à lui changer de paradigme et s’intéresser à ce qu’il y a au-delà de la matière.

Exemples de cosmogonies et de cosmologies

Afin d’éclairer la différence cosmologie et cosmogonie, voici quelques exemples de mythes célèbres et de théories cosmologiques.

La cosmogonie grecque

Dans son oeuvre la Théogonie, Hésiode (poète grec, VIIIème siècle avant JC) expose sa vision de la formation du monde.

Le chaos initial, espace immense et ténébreux, fait naître les Ténèbres (Erèbe) et la Nuit noire (Nyx), mais aussi Gaïa (la Terre) et Éros (l’Amour) ; ce dernier va avoir une action unificatrice. Les Ténèbres et la Nuit noire donnent naissance à la Lumière du jour. Gaïa enfante Ouranos (le Ciel étoilé) : elle en fait son égal.

Gaïa s’unit ensuite à son fils Ouranos pour donner naissance aux Titans, puis aux Cyclopes et aux Hécatonchires que Gaïa, honteuse, enferme dans les profondeurs de la Terre.

Gaïa donne aussi naissance à Chronos, qui s’allie avec sa mère contre Ouranos. De l’affrontement naît la déesse Aphrodite (déesse de l’Amour, des plaisirs et de la beauté). Chronos libère ensuite ses frères les Titans.

Chronos épouse sa soeur Rhéa : ils donnent naissance entre autres à Poséidon et à Zeus.

De peur d’être supplanté par un de ses enfants, Chronos les tue un à un. Seul Zeus est sauvé ; il sera confronté à nombre de révoltes : celles des Titans, des Géants et de sa mère Rhéa…

Bien d’autres cosmogonies et cosmologies sont nées dans la Grèce antique. On citera notamment la sympatheia des stoïciens.

La cosmogonie biblique

L’Ancien Testament débute ainsi (Genèse 1, 1-5) :

1) Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
2) La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux.
3) Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut.
4) Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres.
5) Dieu appela la lumière « jour », il appela les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour.

Le prologue de l’Evangile selon Saint-Jean vient compléter le récit de la Genèse :

1) Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu.
2) Il était au commencement auprès de Dieu.
3) C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.
4) En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ;
5) la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

Ainsi, à la différence de la cosmogonie grecque, les monothéismes évoquent l’oeuvre d’un Dieu unique, grand ordonnateur du chaos.

La cosmogonie islamique

Contrairement à la Bible, le Coran ne commence pas par la Genèse. C’est dans la Sourate des Prophètes que la cosmogonie islamique est la plus clairement exposée :

Les infidèles ne savent-ils pas que les Cieux et la Terre formaient à l’origine une masse compacte que Nous avons ensuite disloquée, et que Nous avons tiré toute matière vivante de l’eau? Se décideront-ils à croire enfin ? Sourate 21, verset 30

Les cosmogonies bouddhiste et taoïste

Dans le bouddhisme, le monde est constitué de différents « royaumes » qui correspondent à différents états mentaux ou existentiels : il y a en particulier les royaumes immatériels, les royaumes des formes, les mondes célestes, les mondes terrestres et les Enfers où vivent les êtres caractérisés par une souffrance extrême. Lire aussi nos articles sur le samsara et le nirvana.

Dans le taoïsme, le tao est le concept cosmogonique central. Le tao touche à l’indicible :

Le tao qui peut être exprimé
n’est pas le Tao éternel.
Le nom qui peut être nommé
n’est pas le Nom éternel.
L’indicible est l’éternellement réel.
Nommer est l’origine de toutes choses particulières.
Tao Te King, 1

Ainsi, le tao est éternel, infini et intangible. Il englobe tout :

Il y avait quelque chose de sans forme et de parfait avant que l’univers ne fût né. Serein. Vide. Solitaire. Immuable. Infini. Éternellement présent. C’est la mère de l’univers. A défaut d’un meilleur nom, je l’appelle le Tao. (…) Le Tao est grand. L’univers est grand. La terre est grande. L’homme est grand. Ce sont les quatre grandes puissances. L’homme se règle sur la terre. La terre se règle sur l’univers. L’univers se règle sur le Tao. Le Tao ne se règle que sur lui-même. Tao Te King, 25

S’exonérant d’un Dieu extérieur et supérieur, le taoïsme réconcilie immanence et transcendance : la Nature et Dieu ne font qu’un. On retrouve là la philosophie de Spinoza et la tradition alchimique.

Dans l’alchimie spirituelle, l’univers peut être assimilé à l’œuf cosmique au sein duquel deux forces contradictoires et complémentaires s’affrontent. C’est ce qu’exprime le concept d’Un-le-Tout, matérialisé par le symbole du cercle contenant son point central, ou encore celui de l’Ouroboros (serpent qui se mord la queue) : ouroborosL’Ouroboros exprime l’unité du monde, l’identité divine (le Serpent-Roi), mais aussi l’existence d’un conflit qui fonde l’univers : il y a une énergie créatrice, ordonnatrice, et une énergie destructrice, dévorante (le serpent se mange lui-même).

Ainsi, l’Ouroboros est à la fois stabilité et changement, unité et dualité. D’autre part, l’approche alchimique considère la matière (la Terre, le corps humain) comme ce qui contient en soi-même les principes supérieurs (la Vie, mais aussi le Principe divin organisateur), bien que de manière amalgamée, indifférenciée et inconsciente.

Le processus alchimique consiste précisément à opérer une séparation au sein de la matière, afin de libérer le principe supérieur pour ensuite le réintroduire dans une matière qui sera dès lors spiritualisée. De cette manière, l’alchimie réconcilie immanence et transcendance.

Les cosmologies scientifiques

Le Big Bang est une théorie cosmologique qui décrit une expansion rapide de l’Univers. Cette idée s’oppose en particulier à la vision d’un univers statique tel que décrit par Einstein. Parmi les différents modèles cosmologiques, citons la théorie de l’inflation cosmique, celle de l’énergie noire ou encore celle de la quintessence (à ne pas confondre avec la Quintessence alchimique).

Les récits cosmogoniques ont tous un point de départ, qui peut être soit le néant, soit le chaos. Dans le second cas, la matière préexiste, elle est de toute éternité. La création du monde consiste alors en l’apparition d’un élément (transcendant ou immanent) qui vient organiser le chaos : là est le véritable commencement.

Cette énergie ordonnatrice est souvent associée à la Lumière, au Feu, au souffle, à l’Esprit, à Dieu, au Verbe ou logos. C’est la raison, l’intellect, le sens, la Loi, qui viennent rassembler ce qui est épars et chaotique.

D’autre part, les récits évoquent souvent un conflit entre ce principe ordonnateur et la tendance au désordre : c’est la lutte perpétuelle entre l’ordre et le chaos, entre la vie et la mort, entre l’homéostasie et l’entropie, entre la conscience et la non-conscience.

Ce sont aussi les théomachies (combats entre dieux) évoquées plus haut, évoquant toujours une grande débauche d’énergie.

Au final, la cosmologie et la cosmogonie sont deux voies complémentaires pour tenter d’approcher le mystère de l’univers. Le cherchant aura tout intérêt à multiplier les approches et à croiser les méthodes pour progresser.

Un chemin qui passera forcément par l’observation de l’univers, une meilleure connaissance de soi et une ouverture de la conscience.

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Modif. le 18 mars 2024

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