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Deviens ce que tu es : signification

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Deviens ce que tu es : quelle est la signification de cette célèbre maxime reprise par Spinoza, Goethe et Nietzsche ? Comment interpréter cette injonction ?

Deviens ce que tu es, ou deviens qui tu es, est une formule de Pindare, poète grec du Vème siècle avant J-C.

La formule complète est : Deviens qui tu es, quand tu l’auras appris, ou encore : Sois tel que tu as appris à te connaître.

Elle a été reprise par Goethe, Spinoza et surtout Nietzsche : Deviens ce que tu es, fais ce que toi seul peut faire.

La formule est une aporie ou un paradoxe. En effet, il semble contradictoire de devenir ce que l’on est déjà, à moins qu’il existe une dualité du soi : un soi apparent et un soi véritable, non encore connu.

La maxime pose la question de notre identité, de notre rapport entre la réalité et nos perceptions.

Le caractère mystérieux (voire ésotérique) de la formule a donné lieu à nombreuses interprétations, parfois contradictoires. Tentons d’y voir plus clair.

Lire aussi notre article : Je suis ce que je cherche.

Deviens ce que tu es : interprétation

Parfois utilisée comme un slogan publicitaire, la formule deviens ce que tu es peut être interprétée comme une injonction individualiste à s’assumer, à s’accepter tel que l’on est, avec ses qualités et ses défauts, sans se soucier du regard des autres, sans se poser plus de questions. Axée sur la mode du développement personnel, cette vision limitative et auto-centrée n’est pas celle du philosophe.

Sur un plan plus philosophique, la formule nous invite :

  • d’une part à rechercher notre être véritable, c’est-à-dire notre nature profonde,
  • et d’autre part à reconnaître et accepter cet être profond.

La démarche consiste donc en une quête qui mène à l’abandon des illusions. Cette quête sous-entend qu’une transformation est possible : un chemin existe, qui doit aboutir à un nouveau regard sur soi-même, plus pur, plus vrai.

Là où l’injonction individualiste consistait à s’accepter soi-même sans comprendre, l’interprétation philosophique rajoute une étape préalable : celle de la connaissance de soi.

La formule deviens ce que tu es est à mettre en parallèle avec une autre injonction célèbre : Connais-toi toi même. Attribuée à Socrate, cette maxime était en fait gravée sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes.

Le chemin de la connaissance de soi

Le chemin de la connaissance de soi consiste à se libérer de ses illusions pour tenter d’accéder, malgré les obstacles, à une définition de ce que nous sommes vraiment. C’est un chemin de vérité.

L’être humain a tendance à se voir libre et autonome, maître de ses pensées et de ses actes. Pourtant, la moindre de nos décisions est conditionnée par une foule d’influences dont nous n’avons que très peu conscience : la génétique, l’éducation, les conditions de vie, les relations, l’expérience ou encore la psychologie…

Le chemin de la connaissance de soi consiste précisément à identifier tout ce qui peut nous faire croire que nous sommes libres, indépendants, que nous n’avons pas besoin des autres, et que nous détenons la vérité. Cela passe par le recul sur soi, le questionnement, l’abandon des préjugés, des passions et la maîtrise de l’ego.

Au final, le principal obstacle à la vérité est nous-mêmes : c’est le fait que nous refusions de reconnaître que nous sommes des êtres conditionnés, influencés, limités et partiels.

Mais paradoxalement, c’est en reconnaissant notre condition d’être déterminé que nous pouvons approcher la vérité et retrouver une certaine forme de liberté. C’est alors que notre être universel se révèle : certes, nous sommes pris dans un ensemble infini de causes qui nous dominent, mais la combinaison de ces forces font que nous sommes le reflet de l’univers tout entier.

Deviens ce que tu es est l’aboutissement du chemin vers soi-même : la mort des illusions et l’acceptation de notre condition réelle. C’est en faisant le deuil de nos jugements, de nos ambitions et de notre liberté que nous pouvons enfin comprendre que tout est en ordre dans notre monde, et que tout ce qui nous semble anormal est en réalité parfaitement explicable.

Paradoxalement, c’est en réalisant que nous ne comprenons rien que nous pouvons accéder à la Connaissance. C’est en réalisant que nous ne sommes rien que nous pouvons véritablement « être ». C’est en réalisant que nous sommes conditionnés que nous pouvons gagner notre liberté.

Ce lâcher-prise mène à la sérénité, à la réconciliation avec soi-même, avec les autres, avec le monde, et finalement au bonheur.

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Deviens ce que tu es en alchimie

La formule Deviens ce que tu es rappelle l’essence même de la démarche hermétique, ou alchimie spirituelle.

L’alchimie consiste en effet, comme la psychologie analytique de Jung, à décomposer l’être pour en extraire les aspects les plus subtils, qui après analyse, pourront être réintégrés à l’individu pour former l’être total, parfaitement conscient de lui-même et des forces qui le déterminent. Il s’agit de passer du « moi » au soi », de l’être obscur à l’être éveillé.

Dans cette optique, l’alchimie considère :

  • la Terre comme la totalité de l’individu : c’est la matière première obscure, difficile à pénétrer et à comprendre puisqu’elle amalgame tous les aspects de l’être,
  • l’Eau comme la force vitale sauvage, inconsciente,
  • l’Air comme la conscience de soi, la réflexion, l’intuition,
  • le Feu comme le raisonnement et la pleine conscience,
  • enfin, le retour à la Terre, après décomposition et réintégration de tous ces aspects, permet d’accéder à sa vraie nature, authentique et complète.

Deviens ce que tu es en franc-maçonnerie

Deviens ce que tu es est une formule très étudiée en franc-maçonnerie, en particulier du fait de l’influence de l’alchimie.

Certaines loges maçonniques l’utilisent comme devise, notamment sous sa forme latine : Esto quod es.

La formule est un appel à faire coïncider notre monde intérieur avec le monde extérieur, nos perceptions avec la réalité. Un travail long et difficile qui rappelle la taille de la pierre brute en vue de la transformer en pierre cubique : il faudra retirer tout ce qui est de trop pour que le morceau puisse s’insérer dans l’édifice.

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Modif. le 18 mars 2024

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